Chasse
D’un point de vue forestier, pas de quartier pour le sanglier
Compte tenu des niveaux de densité de l’espèce «sanglier» tant au niveau national que dans le département de la Somme, les consignes de tir «restrictives» n’ont plus de sens selon un ancien agent de l’Office national des forêts (ONF) venu partager son expérience avec les adhérents de l’ADCGG 80 mi-avril.
Compte tenu des niveaux de densité de l’espèce «sanglier» tant au niveau national que dans le département de la Somme, les consignes de tir «restrictives» n’ont plus de sens selon un ancien agent de l’Office national des forêts (ONF) venu partager son expérience avec les adhérents de l’ADCGG 80 mi-avril.

«Si on ne prend pas des mesures fortes, on finira par ne plus chasser du tout le sanglier…» Ces mots, ce sont de Jacques Fendorf, retraité de l’Office national des forêts (ONF) après une carrière de cadre technique et de formateur au sein de l’organisation. C’est en sa qualité d’expert forestier et de la gestion des espèces de grand gibier en milieux boisés qu’il est venu le 15 avril dernier à Lamotte-Brebière partager quelques réflexions avec les chasseurs de grand gibier de la Somme (ADCGG80) sur la manière de mieux gérer l’espèce sanglier.
Des chasseurs responsables
Pour avoir réalisé une partie de sa carrière au sein des massifs de Crécy-en-Ponthieu, d’Eu et d’Eawy, Jacques Fendorf a en effet pu constater les dégâts d’une densité importante de sangliers sur le milieu forestier, d’autant que le phénomène s’accentue au fil des années : «Avec le sanglier, certaines plantes ont complètement disparu. On parle beaucoup des dégâts en plaine parce qu’ils sont visibles, mais le sanglier est aussi nuisible en forêt. Quand on voit des champs de fleurs complètement ravagés, comme cela arrive avec la jacinthe des bois ou les orchidées, c’est un constat empirique, mais c’est le signe qu’il y a trop d’animaux…»
Les responsables de cette situation ? «Les chasseurs eux-mêmes», assure l’ancien agent de l’ONF, lui-même chasseur. «Si nous n’avions pas fait n’importe quoi, en agrainant n’importe comment, en laissant se développer des populations de sangliers sur des territoires qui n’ont pas la capacité à les accueillir, nous n’en serions pas là…» Il raconte ainsi que lorsqu’il a démarré sa carrière professionnelle en 1975 – il est alors en poste en forêt de Crécy-en-Ponthieu, «il se tuait une dizaine de sangliers par an. Quand il y avait un ou deux sangliers au tableau à la fin de la journée, c’était une fête. Aujourd’hui, pour qu’une journée soit réussie, il en faut des dizaines…» Mais selon l’expert, la limite de cette course au tableau est «quasiment atteinte».
Tirer en tout-venant
Pour Jacques Fendorf, plusieurs «erreurs» ont conduit à ce que la densité du sanglier en France – y compris dans la Somme – en arrive à poser des problèmes. «La première erreur, assure-t-il, c’est de ne suffisamment tirer de petits animaux mais aussi de ne pas tirer des animaux de plus de 50 kilos sous peine d’amende». Pour lui, «l’explosion du sanglier est venue du fait qu’on ne régule pas la population par le bas». Il juge également «inadmissible» les consignes de tir appelant à ne pas tirer l’une ou l’autre catégorie d’animaux (en fonction du poids). «Tirer un sanglier de 20 kilos ou une laie de 62-63 kilos, ce n’est pas un drame…» Et d’assurer que «compte tenu des niveaux de population actuels, les consignes de tir restrictives n’ont plus de sens. Il faut tirer ce qui se présente» ; qui plus dans les «petites» propriétés où l’opportunisme doit être la règle. Pour limiter les dégâts, ce qu’il faut en revanche, c’est éviter autant que possible de tirer des laies lorsqu’elles sont meneuses. L’agrainage, s’il est utile comme outil de dissuasion doit quant à lui être réalisé avec méthode : «50 % de l’agrainage quand il est pratiqué grossièrement ne profite pas au sanglier. L’agrainage doit se faire de manière traînée, légère et en dehors de la période de chasse.» Autre limite enfin du système actuel, un prix de bracelet «trop élevé» : «Quand on se retrouve à devoir payer 100 € pour un bracelet, cela n’incite pas à tirer un petit animal». Selon Jacques Fendorf, si le chasseur français moyen veut encore chasser le sanglier demain, il faudra bien que l’on en revienne à une situation «normale» ; autrement dit à un équilibre entre intérêts agricoles, cynégétiques et forestiers. Et cela passe forcément par une pression de chasse accrue sur les populations de suidés.