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Ecophyto 2 : la nouvelle version fait grincer des dents

Le gouvernement a détaillé le 26 octobre la nouvelle version d’Ecophyto.

© Actuagri

Avec le plan Ecophyto 2 qu’il a présenté, Stéphane Le Foll réaffirme l’objectif de diminution du recours aux phytos : -25 % d’ici à 2020 via l’«optimisation des systèmes de production» et -25 % supplémentaires à l’horizon 2025 grâce à des «mutations plus profondes». Ainsi, Ecophyto 2 compte développer les alternatives naturelles aux phytos, comme le biocontrôle, et encourager l’innovation autour des machines agricoles pour optimiser l’utilisation des produits. En effet, «on peut faire 30 % d’économies de phytos si on utilise des machines de pulvérisation de la dernière technologie», a martelé Stéphane Le Foll. La nouvelle version décline une trentaine d’actions plus ou moins lisibles classées en six axes : agir aujourd’hui et faire évoluer les pratiques ; améliorer les connaissances et les outils pour demain et encourager la recherche et l’innovation ; évaluer et maîtriser les risques et les impacts ; accélérer la transition vers l’absence de recours aux produits phytosanitaires dans les jardins, espaces végétalisés et infrastructures ; politiques publiques, territoires et filières ; communiquer et mettre en place une gouvernance simplifiée.

Indicateurs de suivi flous
Une des seules mesures contraignantes de ce plan sera la mise en place de certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP). Elle doit contribuer à faire évoluer les pratiques et systèmes agricoles. Cette méthode est inspirée par les certificats d’économie d’énergie. Les distributeurs devront mener des actions qui amèneront à des économies globales pour obtenir les fameux certificats, sous peine de payer des pénalités. Une ordonnance prévue par la loi d’avenir organise leur expérimentation. Le niveau des objectifs à atteindre comme le montant des pénalités restent encore à débattre. On souligne toutefois au ministère que ces objectifs devront être cohérents avec ceux du plan, et que le montant de la pénalité devra s’aligner sur la marge nette dégagée par le distributeur sur la vente du produit

Des fermes pour convaincre
À l’issue du Grenelle de l’environnement en 2008, l’objectif du premier plan Ecophyto était de réduire «si possible» de 50 % l’usage des pesticides d’ici à 2018. Le nouveau plan maintient certaines mesures de la première version. Ainsi le réseau des 2 000 fermes Dephy, des exploitations pionnières dans le suivi et l’évaluation des pratiques, sera porté à 3 000.
Le ministère espère qu’il aura un effet levier qui va permettre d’engager 30 000 agriculteurs dans cette dynamique. En termes d’utilisation de phytos, la France est au neuvième rang européen selon le nombre de kilos de substances actives vendues rapporté à l’hectare, avec 2,3 kg/h.

Les points qui fâchent
La présentation du plan Ecophyto 2 a suscité de vives réactions, notamment de la Fnsea, d’Orama ou de l’UIPP. Le principal reproche : faire fi des engagements de Manuel Valls le 3 septembre, lorsque le premier ministre s’engageait à construire en concertation les futurs projets de réglementation. Sur Ecophyto 2, manifestement, les objectifs élevés, les indicateurs aussi flous dans le temps, et les CEPP n’avaient au préalable pas été évoqués. Un bras de fer semble s’engager entre un ministre et son ministère qui font «cavaliers seuls», la profession agricole, avec comme arbitre attendu le Premier Ministre dont on attend qu’il fasse appliquer ses orientations, voire «plus haut». Mais sur le sujet environnemental, toute l’attention du Chef de l’Etat semble actuellement focalisée sur la conférence COP 21 !


Les certificats d’économie de produits phyto

Un dispositif expérimental de certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) sera mis en place dans tout l’hexagone pour 5 ans à compter de 2016, qui s’inspirera de celui mis en œuvre dans le domaine de l’énergie.
En préalable, chaque distributeur se verra notifié un objectif de diminution, lequel sera déterminé à partir des ventes déclarées à la banque nationale de vente de produits phytopharmaceutiques par les distributeurs agréés (BNV-D), constituées par les données disponibles des 5 années les plus récentes.
Durant la période, les distributeurs (coopératives et négociants) devront mettre en place, dans les exploitations agricoles, des actions qu’ils auront eux-mêmes proposées afin de faire diminuer l’usage, les risques et les impacts des produits phytopharmaceutiques. Cela peut concerner par exemple les produits de bio contrôle, les variétés résistantes ou tolérantes aux bio agresseurs ainsi que les outils d’aide à la décision, le conseil ou l’investissement dans du matériel permettant de limiter sensiblement ou d’éviter le recours aux produits phytopharmaceutiques et la mise en place de systèmes de cultures économes.
Chaque distributeur pourra acquérir des CEPP soit par la mise en œuvre des actions qu’il aura proposées et qui auront été reconnues durant la période d’expérimentation, soit à la fin auprès d’autres distributeurs qui en détiendront ; les CEPP alors acquis devront être équivalents à l’objectif de diminution initial. A défaut, un distributeur «déficitaire» fera l’objet d’une pénalité en fin de période d’expérimentation.


INTERVIEW

Eric Thirouin, président de la Commission Environnement de la Fnsea
«L’administration dément les engagements du Premier Ministre»

La publication de la version définitive du plan Ecophyto II par le gouvernement, a provoqué de vigoureuses réactions des principales organisations agricoles à l’instar de la Fnsea. Pour Eric Thirouin, les modalités d’élaboration des certificats d’économie des produits phytosanitaires (CEPP), en particulier, pose problème.

Quelle a été l’implication des agriculteurs pour élaborer le nouveau plan Ecophyto ?
Nous avons fait une mobilisation sans précédent en récoltant pas moins de 17 000 signatures en faveur d’un nouveau plan Ecophyto pragmatique. 4 700 personnes, dont de nombreux agriculteurs et organisations professionnelles agricoles, ont contribué dans le cadre de la consultation publique. Et c’est plus de 1 700 tracteurs qui ont roulé dans Paris le 3 septembre. La mobilisation a été totale.

Quel était votre principale requête ?
Nous étions d’accord pour un toilettage d’Ecophyto 1 pour mettre en œuvre la Directive européenne sur l’utilisation durable des produits phytosanitaires. Mais nous avions demandé à ce que la partie sur les certificats d’économie des produits phytosanitaires (CEPP) soit retravaillée en 2016 en appliquant la nouvelle méthode pour la production des normes.

C’est-à-dire ?
Le Premier Ministre, le 3 septembre, s’est engagé à ce qu’une nouvelle méthode soit élaborée pour février 2016, avec pour objectif de garantir aux agriculteurs français le respect de l’équivalence des charges par rapport à nos principaux concurrents européens. Nous attendions donc un plan Ecophyto II imprécis sur les CEPP. Or, ce dernier fixe d’ores et déjà l’objectif à atteindre et précise que l’indicateur sera finalisé pour le 31 décembre 2015 ! En outre, les services du Ministère de l’agriculture évoquent déjà une lourde sanction en cas de non atteinte des objectifs des CEPP par les distributeurs !

Comment expliquez-vous cette marche arrière ?
Il y a des pressions de nature idéologique, des écologistes, à l’intérieur des ministères qui ont contrecarré les promesses du Premier ministre. C’est inadmissible. La France et le Danemark sont partis dans une logique anti-phytosanitaire par principe. Ce sont les seuls ! Tous les autres pays européens, y compris l’Allemagne, se sont limités aux réglementations européennes.

L’Europe et la France disent deux choses différentes ?
L’Europe dit qu’il faut baisser les risques et les impacts, mais certaines personnes en France pensent que pour y arriver il faut arrêter d’utiliser les produits phytosanitaires. Ce n’est pas un raisonnement qui se tient, car derrière c’est toute une économie agricole et ses rendements que l’on cherche à remettre en cause. Il faut être pragmatique.

Quelle est la position de la Fnsea ?
A la Fnsea, nous prônons une mobilisation de l’ensemble de la filière agricole pour diminuer les risques et les impacts sur la santé et l’environnement liés à l’utilisation des produits phytosanitaires, tout cela dans le respect économique de nos exploitations.

Avez-vous d’autres objections ?
Oui bien entendu. Il y a la redevance pollution diffuse qui a augmenté de l’ordre de 30 % en 2015. Nous sommes inquiets sur la manière dont l’enveloppe supplémentaire va être utilisée. La gouvernance se fera de manière régionale. Or les orientations des Commissions agroécologiques vont différer d’une région à une autre. Nous craignons un dévoiement complet de l’argent des agriculteurs. C’est pourquoi, nous souhaitons une gouvernance à l’échelle nationale. Un autre point concerne le «certiphyto». Sa durée de validité était de dix ans auparavant, après deux jours de formation obligatoire. Avec ce nouveau plan Ecophyto 2, cette durée passe à cinq ans, mais comme dans la majorité des autres Etats Membres. Pour finir, la France veut supprimer l’utilisation du glyphosate et des néonicotinoides. Nous disons simplement que cette suppression doit se décider au niveau européen et non au plan national. La France choisit de prendre les devants toute seule. Sans produits de substitution, on va avoir des «vides» au niveau de nos productions.

Quelle sera la suite de vos actions pour vous faire entendre ?
Nous espérons qu’un engagement sera pris par le gouvernement pour remettre à plat les discussions sur les CEPP, notamment lors du comité de gouvernance du Ecophyto prévu le 4 novembre.

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