Elevage caprin : à Equennes-Eramecourt, Claire Maison bichonne ses chèvres
Le 16 juin, Claire Maison ouvrira les portes de sa ferme dans le cadre de l’opération «Printemps à la ferme».
Ce n’est pas Claire Maison qui dira que ses chèvres laitières la rendent chèvre. Bien au contraire. Depuis qu’elles sont arrivées à la ferme, l’agricultrice, installée en Gaec avec son frère sur l’exploitation familiale depuis 2002, a réinventé son métier d’éleveuse. Celle qui a grandi au milieu des vaches laitières en a toujours pincé pour les chèvres. Aussi, lorsque les crises du lait à répétition frappent de plein fouet l’exploitation familiale, et que produire du lait ne rapporte plus rien et crée même des dettes, les vaches sont vendues au fur et à mesure, ainsi que le quota laitier. Mais hors de question pour cette passionnée d’animaux, qui a fait un BTS productions animales au Paraclet, de voir disparaître tout élevage de la ferme. Aussi décide-t-elle de changer de braquet et de développer un atelier caprin.
En 2010, l’éleveuse achète quatre chèvres laitières d’une semaine, de race Poitevine, à un éleveur voisin. Même si cette race est plutôt faite pour le pâturage et produit peu de lait en comparaison d’autres races, il faut bien commencer avec les moyens à portée de main. Tout de suite, la transformation du lait fait partie de la réflexion de Claire, seul moyen pour dégager un revenu. Mais deux ans passeront - le temps de l’élevage des bêtes et des saillies, ainsi que la création d’un atelier de transformation - avant que l’éleveuse puisse fabriquer des yaourts et des fromages à partir du lait de chèvre, mais aussi de vache.
Production et alimentation animales
Si les vaches produisent du lait à longueur d’année, tel n’est pas le cas des chèvres. Aussi, pour avoir du lait de chèvre toute l’année, Claire décide de décaler les saillies, soit début août pour les chevrettes et fin octobre ou début novembre pour les chèvres. «On travaille naturellement avec les animaux. Les chèvres n’ont aucun traitement hormonal. On laisse faire la nature», commente-t-elle.
Naturel et sain, tels sont les préceptes qui définissent également les choix arrêtés pour l’alimentation des vaches et des chèvres. En été, les vaches mangent l’herbe des pâturages et, en hiver, elles sont nourries avec de l’enrubannage d’herbe, du maïs grain aplati et des tourteaux de colza, ainsi que des minéraux pour compléter leur alimentation. La ration des chèvres se compose, elle, de foin, de maïs grain sec, avec des compléments en tourteaux de colza et minéraux. Foin et maïs sont produits sur place.
«Jusqu’ici, c’était les vaches qui étaient en pâture. L’élevage des chèvres était hors sol. A présent que nous n’avons plus que trois vaches, les chèvres vont pouvoir aller au pâturage. Cela va changer le goût des produits que nous faisons à partir de leur lait», s’enthousiasme Claire.
Du lait aux produits laitiers
Transformer le lait ne s’improvise pas cependant du jour au lendemain. Claire suit quelques formations sur les produits frais et les fromages avant de se lancer. «Mais on apprend surtout en faisant, et après quelques ratages», reconnaît-elle. Et de se souvenir du lait qui ne caille pas suffisamment, de caillés qui gonflent outre mesure ou encore de fromages bons pour la poubelle. «On s’est fait la main peu à peu. C’est vraiment un autre métier. Il faut du temps et de la patience, car c’est très chronophage et pointu. Quand on se lance, on n’imagine pas la quantité de travail que cela représente. Il faut que ce soit vraiment une passion pour le faire», ajoute-t-elle.
Aujourd’hui, avec un cheptel composé de cinquante-cinq chèvres, de race Saanen et Alpine, elle produit 35 000 litres de lait par an qu’elle transforme en yaourts brassés nature et aux fruits, en fromages frais (nature ou aromatisés), en fromages affinés, en bûches et en tomme. Avec les 25 000 litres de lait de vache, elle fait des yaourts nature et aux fruits, ainsi que du Brie fermier, de la tomme, ainsi qu’un type de camembert, «Le Torchon», du nom du corps de ferme acheté par ses arrière-grands-parents.
De son atelier de transformation sortent chaque année près de 160 000 yaourts à base de lait de vache et 170 000 à base de lait de chèvre, ainsi qu’environ 14 500 fromages frais de chèvre, 4 200 fromages de chèvre affinés, 260 bûches de chèvre, 1 500 camemberts, 400 Brie, 160 tommes de vache, 260 de chèvre. Tout se fait à la main jusqu’au fruit mis dans les yaourts à la cuillère. «Notre exploitation est restée à taille humaine. On privilégie le côté artisanal, même si c’est du travail», concède-t-elle.
Tous ces produits seront vendus en bio à partir d’octobre 2020, puisque les prairies sont passées, cette année, en agriculture biologique. Si la demande de la clientèle a joué un rôle dans la conversion des terres, ce passage n’a pas non plus constitué une révolution de Copernic pour l’agricultrice. «Le cahier des charges se rapproche beaucoup de ce que l’on faisait déjà. Pour nous, c’est donc un changement qui s’inscrit dans la continuité de nos pratiques», explique-t-elle. L’étape suivante : développer son cheptel pour faire du lait de chèvre bio très demandé par les coopératives alentours.
Mais Claire n’arrêtera pas pour autant la transformation du lait en produits laitiers dont ses clients (marchés, plate-forme Appro local, restaurateurs, établissements scolaires et fromageries, vente sur place) sont friands. Elle prévoit même d’ouvrir un point vente dans le corps de ferme. Encore un autre métier, mais qu’elle a pris à bras-le-corps, heureuse de pouvoir raconter son quotidien d’éleveuse et de faire goûter ses produits.
Porte ouverte, le 16 juin, de 11h à 17h. 17 rue du 8 mai, à Equennes-Eramecourt. Visite guidée de l’élevage, dégustation des produits sur place, achat des produits possibles et petit marché fermier
Chiffres clés
35 ha dont 13 ha de prairies, 7,5 ha de maïs, 7 ha de blé et 7,5 ha de ray-grass
55 chèvres laitières et des chevrettes
3 vaches laitières
35 000 l de lait de chèvre par an
25 000 l de lait de vache par an