Elevage : une installation sans foncier, c’est possible !
A l’heure où la profession dresse un premier bilan du Plan de soutien à l’élevage et où les négociations avec le nouveau Conseil régional vont bon train, l’installation des jeunes en élevage reste un enjeu très important pour conserver la richesse de notre territoire.
En dépit des difficultés actuelles de la filière, de nombreux jeunes continuent à s’installer en élevage laitier. Ils pèsent près de 54 % des installations aidées en 2015 (chiffres Chambre d’agriculture de la Somme). Ces mêmes jeunes envisagent à 86 % d’accroître leur production au cours des prochaines années, parce qu’ils croient en la filière laitière et à son développement dans les prochaines années.
Reste que le principal frein à l’installation des jeunes est l’acquisition de foncier, tant par le peu de disponibilité de terre que par le prix de reprise. Néanmoins, nombreux sont les éleveurs qui, aujourd’hui, souhaitent passer le relais. Autrement dit, il existe des cheptels et des bâtiments disponibles.
Mais s’installer est-il encore possible ? Oui, car depuis l’arrêt des quotas laitiers, la production laitière n’est plus rattachée au foncier. Il faut y voir une potentielle opportunité pour les jeunes de s’installer. Pourquoi ? Notamment parce que de nombreux bâtiments d’élevage sont libres, fonctionnels et dans l’incapacité d’être réaffectés. Quant aux cédants, c’est tout autant une opportunité pour ceux qui n’ont pas de repreneurs identifiés.
Un minimum de risques pour le repreneur
Dans la plupart des reprises d’exploitation, les investissements sont lourds et l’endettement est important dans les premières années d’installation. Dans le cas d’une installation laitière sans foncier, le jeune rachète le cheptel et peut louer le bâtiment d’élevage ou l’acheter. Tout dépend des négociations avec l’agriculteur en place. Cela minimise le coût de reprise et sécurise l’installation. Cependant, il faut que le jeune présente des garanties à la banque, comme dans toute installation.
Ce type d’installation nécessite toutefois que le jeune soit performant dans son élevage : efficacité et efficience. La maîtrise de son élevage est primordiale. Il doit connaître parfaitement ses critères économiques pour mieux les suivre et les gérer.
Cet atelier «unique» entraîne la spécialisation de l’agriculteur mais, indirectement, il ne peut pas se «rattraper» sur une autre activité comme la polyculture.
Un projet qui doit être mûrement réfléchi
L’installation est un projet de vie. Le jeune qui se lance dans ce type d’installation doit en maîtriser l’ensemble des paramètres. Tout d’abord, l’autonomie alimentaire n’est pas possible, ce qui nécessite de se procurer les fourrages et les maïs à l’extérieur. L’agriculteur cédant peut conserver des surfaces dédiées à l’alimentation animale, souvent à proximité de l’élevage.
Cela fait double emploi, car il aide le jeune en lui fournissant la matière première, tout en limitant les déplacements et, par la même occasion, conserve des têtes d’assolement pour sa rotation. La location des pâtures peut être également possible. Il est donc nécessaire que le jeune repreneur puisse anticiper ces questions d’alimentation avant d’établir son projet.
La dépendance aux autres agriculteurs est également forte. Pendant les périodes de forte activité (ensilage par exemple), l’entraide est primordiale. Le jeune repreneur doit donc s’intégrer dans le tissu agricole local. Cette bonne entente permet de s’aider lors des chantiers, mais également d’échanger avec les autres agriculteurs. Ce qui est de mise dans l’ensemble des exploitations agricoles.
Les démarches administratives doivent également être anticipées. Les aides à l’installation sont possibles dans ce type d’installation. Il n’y a pas de passage en CDOA. Il faut aussi compter sur l’aide que peuvent apporter les partenaires du jeune (coopératives, banques, privés, etc…). De plus, il est important de connaître la règlementation animale en termes de déclaration de bovins pour ne pas être bloqué par la suite.
Cette nouvelle forme d’installation est en réflexion chez plusieurs porteurs de projet qui y voient une réelle opportunité de s’installer et de vivre de leur métier. Cette possibilité doit être également connue des agriculteurs en place qui veulent passer la main. On peut y voir une solution pour maintenir nos élevages nombreux et diversifiés sur nos territoires. N’est-ce pas l’enjeu de la nouvelle Région ?
TEMOIGNAGE
Elie Vermersch, jeune installé en production laitière
«J’ai toujours voulu m’installer»
«Je me suis installé en octobre 2015, en reprenant un cheptel laitier sans foncier. Je loue mon bâtiment. Je compte produire 680 000 litres de lait. J’ai toujours voulu m’installer. Je suis un passionné de l’élevage laitier, et je ne m’imaginais pas faire autre chose que d’être producteur laitier. Cette opportunité m’a été proposée au cours de l’été 2015. Il m’a fallu rapidement prendre une décision et évaluer l’ensemble des paramètres du projet. Le soutien que m’ont apporté mes parents a été un atout important.
Malgré quelques réticences de mon entourage, il a fallu que je fasse des choix et que je mette un frein aux idées reçues. Le regard des autres a été aussi un moment difficile à surmonter. Mais, au final, ces étapes sont importantes pour se remettre en cause et se dire finalement que j’ai fait le bon choix. Je suis acteur de mon projet et je vis ma passion au quotidien. Les agriculteurs aux alentours m’ont fortement soutenu, surtout lors de l’ensilage du maïs. J’ai trouvé des parcelles à environ 20 km du corps de ferme. La solidarité a été impressionnante.
J’ai rencontré également quelques soucis administratifs de plusieurs ordres. La MSA d’une part, qui ne pouvait pas m’affilier, car je ne rentrais pas dans les «cases», ce qui entraîne des retards pour les prêts bancaires. De plus, pour l’achat du cheptel, je n’avais pas prévu que les démarches allaient être si compliquées sur l’identification de mes bêtes.
Aujourd’hui, en l’absence de cartes, je ne peux pas vendre mes veaux mâles. Ce n’est qu’une affaire de temps pour que tout se régularise. Il faut être patient !
Aujourd’hui, même si mon expérience est récente, je conseille à chacun de vivre de sa passion et d’avoir ce petit grain de folie qui vous porte vers des chemins que je n’aurais jamais cru explorer. Si c’était à refaire, je le referais sans me poser de questions. Cependant, je veillerais à l’acceptation de mon projet par l’ensemble de mes proches pour une meilleure compréhension.»