Eleveurs bovins (2/10) : valoriser les capricieuses terres des Bas-champs
Ils sont éleveurs bovins par choix, et leur professionnalisme leur permet de vivre de leur métier. Chaque semaine, nous allons à la rencontre de l’un de ces passionnés de la Somme. Pour Arnaud Fauchatre, à Saint-Quentin-en-Tourmont, l’élevage est le seul moyen de valoriser ses terres.
Ils sont éleveurs bovins par choix, et leur professionnalisme leur permet de vivre de leur métier. Chaque semaine, nous allons à la rencontre de l’un de ces passionnés de la Somme. Pour Arnaud Fauchatre, à Saint-Quentin-en-Tourmont, l’élevage est le seul moyen de valoriser ses terres.
58 qx/ha en blé, alors que celui-ci avait été semé une deuxième fois, et 53 t/ha en betteraves. Cette année encore, Arnaud Fauchatre a «ramassé une gamelle» dans ses cultures. L’automne très pluvieux a noyé ses parcelles, puis le printemps et l’été secs et chauds ont accentué les dégâts. Ajoutez à cela des dégâts de sangliers récurrents… «On a beaucoup parlé de la récolte 2016 qui était catastrophique pour tous les agriculteurs de la Somme. Mais nous, dans les Bas-champs, c’est presque chaque année catastrophique, et personne ne s’en soucie. On est les oubliés du monde agricole», souffle l’agriculteur, installé à Saint-Quentin-en-Tourmont.
Les machines et les cultures ne sont, de toute façon, pas ce qui motive le plus Arnaud Fauchatre dans son métier d’agriculteur. Lui est un éleveur dans l’âme. Il mise tout sur cette activité. Lorsqu’il a repris l’exploitation de son oncle (64 ha, dont 20 ha de prairies permanentes et 3,5 ha de prairies temporaires), en janvier 2018, la première chose qu’il ait faite était d’acheter une petite vingtaine de limousines, dans la Creuse, pour relancer l’élevage. «J’ai toujours connu les vaches puisque mes parents ont des laitières. Mais je ne me voyais pas traire tous les jours à long terme. J’ai opté pour les allaitantes», confie-t-il. Les belles rousses présentaient tous les atouts qu’il espérait : de la rusticité, un vêlage facile, des petits veaux vifs qui vont facilement à la mamelle, un rendement viande intéressant et une bête qui répond aux tendances de consommation.
Dans les Bas-champs, la récolte est presque chaque année catastrophique, et personne ne s’en soucie. On est les oubliés du monde agricole.
Le développement du troupeau lui permet de s’impliquer davantage dans son métier. Depuis 2018, Arnaud est double actif, et conjugue son emploi du temps à la ferme avec celui de salarié paysagiste à temps partiel. Mais il devrait mettre fin à son contrat le mois prochain, car la ferme gagne en rentabilité. «J’avais dix-sept mères l’année dernière, et j’aurais vingt-six vêlages cette année. Les premières génisses que j’ai fait naître sont prêtes à vêler.» La récompense du travail accompli ! L’éleveur s’est fixé pour objectif un troupeau de vingt-cinq à trente mères. Son bâtiment lui permet également de développer un atelier d’engraissement des taurillons. Une quinzaine de taurillons de 500 kg de moyenne à terme sont vendus à chaque cycle.
Des choix bien pesés
Chez l’exploitant, tout est pensé pour adapter les tâches à la main-d’œuvre disponible, soit lui-même et son père, encore en activité mais proche de la retraite, avec qui il pratique l’entr’aide. Pour la reproduction, par exemple, il a fait le choix d’acheter un taureau plutôt que d’avoir recours à l’insémination artificielle. «C’est plus simple. Pas besoin de mettre la vache au cornadis, d’appeler l’inséminateur…» Les critères du géniteur : «il doit transmettre du muscle, du gabarit et je préfère un gène sans corne, car s’il n’y a pas besoin d’écorner, c’est un gain de temps aussi.»
Les vaches sont nourries à l’herbe le plus possible. Cette année, l’éleveur a d’ailleurs fait le choix de semer une prairie dans 2 ha cultivés jusqu’alors. «C’est une parcelle qui fait 70 qx/ha à peine de moyenne en trois ans… Les cultiver, c’est travailler à perte», justifie-t-il. L’hiver, la ration est composée de maïs ensilage (8 ha sont cultivés) et de foin. Les besoins en paille, en revanche, sont parfois plus élevés que ce dont l’agriculteur dispose. «J’ai 24 ha de blé, mais quand la récolte est mauvaise, elle l’est aussi pour la paille !» Il procède alors à l’échange paille-fumier, et doit parfois en acheter.
Une certaine sécurité
Dans ce métier soumis aux aléas climatiques et aux fluctuations des cours, l’élevage offre à Arnaud Fauchatre une certaine sécurité. «On peut se projeter un peu plus qu’avec les cultures, car si on a besoin de trésorerie à un moment précis de l’année, on peut prévoir de vendre une bête.» Avec la conjoncture, les cours de la viande ont cependant chuté - «on a perdu 0,40 €/kg depuis mars dernier» - mais l’activité reste rémunératrice. Le professionnel espère valoriser davantage ses vaches en intégrant la marque Baie de Somme saveurs (cf. encadré), puisque la viande bovine a étoffé la gamme de produits récemment. Il compte aussi reprendre l’exploitation d’élevage de ses parents, d’environ 60 hectares, d’ici quelques années. Une chose est sûre : l’élevage de limousines restera sa priorité.
Valoriser l’élevage grâce à une marque locale
Depuis novembre 2020, la viande bovine a rejoint les pommes de terre primeur de la Baie de Somme et les agneaux AOP des prés salés au sein de la marque Baie de Somme saveurs, créée en janvier 2018 pour valoriser les produits de ce territoire. Les deux premières bêtes ont été abattues, découpées et commercialisées par Sauvage viande, à Feuquières-en-Vimeu. «Il s’agit des prémices d’une filière, prévient Alexandre Barbet, de la Chambre d’agriculture de la Somme qui encadre le projet. Nous devrons analyser les retours des clients avant de développer.»
Il n’empêche que pour la petite dizaine d’éleveurs adhérents au projet, dont Arnaud Fauchatre, valoriser ses bêtes à travers une marque locale est une opportunité à saisir. Elle apporte le gage de la qualité du travail. «Mes pratiques correspondaient déjà aux exigences du cahier des charges», explique-t-il. Parmi ces exigences, des animaux de race à viande uniquement, nés et élevés dans la zone labellisée «Baie de Somme - Grand site de France», ou dans les communes limitrophes si 75 % des prairies sont dans la zone, soit une quarantaine de communes au total. Une attention toute particulière est apportée à l’alimentation : un pâturage six mois de l’année, une ration sans ensilage de maïs lors de la finition, et sans OGM. «À l’abattage, les animaux doivent présenter un classement de carcasse minimum R=2, un poids de carcasse minimum de 350 kg», est-il précisé. Les éleveurs doivent aussi être engagés dans des démarches agro-environnementales comme un engagement via des MAE, une certification à l’agriculture biologique ou HVE, et pratiquer une gestion durable des prairies.