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Bovin lait
Eleveurs bovins (7/10): "Si je n'étais pas bio, je n'existerais plus"

Épisode 7/10. Ils sont éleveurs bovin par choix, et leur professionnalisme leur permet de vivre de leur métier. Chaque semaine, nous allons à la rencontre de l’un de ces passionnés de la Somme. Frédéric Gaffet, installé à Allery, s’est converti en bio en 2016. Le moyen de pérenniser sa petite exploitation laitière. 

Aujourd’hui, Frédéric Gaffet est à l’aise avec ses pratiques qui lui ont permis de sauver sa ferme. Sa fille, Constance, pourrait même s’y installer à l’avenir grâce  à un projet de diversification.
Aujourd’hui, Frédéric Gaffet est à l’aise avec ses pratiques qui lui ont permis de sauver sa ferme. Sa fille, Constance, pourrait même s’y installer à l’avenir grâce à un projet de diversification.
© Alix Penichou

60 ha de SAU (surface agricole utile) et 40 vaches laitières. Rares sont les petites fermes comme celle de Frédéric Gaffet, installé à Allery depuis 2004, à avoir survécu aux crises et à la tendance à la concentration des exploitations. «J’ai connu des années noires financièrement, confie l’éleveur. Si je ne m’étais pas converti en bio, en 2016, je ne serais plus agriculteur aujourd’hui.» Il regrette même de ne pas être entré dans la démarche plus tôt, faute d’appréhension quant à l’équilibre financier. «J’avais cette idée dans la tête depuis un moment, car ça correspond à mes valeurs. Avec le recul, je me rends compte que c’était la seule solution.»

 

"Le plus dur était finalement de supporter le regard des autres. Aujourd'hui, je suis bien dans mes bottes."

Le plus difficile était de sauter le pas. «Il faut être un peu fou quelque part», rit-il. Il a fallu se débarrasser de ses vieilles habitudes et s’approprier de nouvelles techniques, qui sont en réalité celles que pratiquaient les grands-parents. «C’est un retour vers l’agronomie, vers la base du métier d’éleveur, bref, vers le vrai métier de paysan.» Plus de semis en octobre, par exemple, mais le plus tard possible, pas avant novembre, pour éviter la pousse des mauvaises herbes et le développement de maladies. Le choix de variétés tolérantes est aussi crucial. Le plus dur était finalement de supporter le regard des autres. «Quand on fait 35 quintaux en blé, alors que le voisin conventionnel en fait plus de 80, les critiques pleuvent. Les deux premières années, je me cachais. Aujourd’hui, je suis bien dans mes bottes.» La charge de travail n’a pas diminué, mais elle est mieux répartie dans l’année. C’est moins d’argent engagé, donc moins de stress. «Le rapport avec les consommateurs est plus sain, surtout avec les jeunes de plus en plus soucieux de l’environnement.»

Quant à la trésorerie, ce qui compte est finalement la marge brute qui est dégagée. Pour les vaches, par exemple, finis les concentrés et l’ensilage de maïs en grande quantité. Le troupeau d’Holstein se transforme progressivement en troupeau Normand, race chère aux yeux de l’éleveur pour son bon mental et sa rusticité. Loin des 8 400 l de moyenne annuelle nationale en conventionnel, ses laitières produisent environ 4 000 l par an. Mais les résultats sont bien meilleurs : le lait bio est valorisé (moyenne nationale de 488 €/1 000 l en octobre 2020, contre 353 €/1 000 l en conventionnel), le coût alimentaire est réduit, puisque tout est produit sur l’exploitation, et les animaux sont en meilleure santé. «Les frais vétérinaires ont été divisés par cinq ! Le vétérinaire ne vient plus que pour un mauvais vêlage ou un problème viral occasionnel», assure l’éleveur. 

 

Des fourrages diversifiés

Deux tiers des terres de Frédéric Gaffet sont des surfaces fourragères. Celles-ci permettent de remplir l’auge en foin, blé, orge, pois et ensilage de maïs, ce dernier aliment étant en quantité régressive d’année en année. Les élèves ainsi que le troupeau pâturent le plus possible, grâce notamment à 20 ha de prairies attenantes au bâtiment d’élevage, menées en pâturage tournant dynamique. Celles-ci sont régulièrement re-semées. La luzerne et le trèfle en place l’hiver permettent une coupe dès le printemps. L’agriculteur sème aussi ces légumineuses, aussi bénéfiques dans la ration que pour le sol, dans les céréales. Une nouvelle coupe est donc réalisée après la moisson. Un apport précieux, alors que les prairies peuvent souffrir de la sécheresse à cette époque. Pour améliorer la teneur en MAT du maïs ensilage, celui-ci est associé à une plante compagne, le haricot. Enfin, cet hiver, Frédéric Gaffet a investi dans une auto-chargeuse pour pratiquer l’affouragement en vert. «Elle va me permettre de valoriser tous les petits coins d’herbe et de réduire encore les quantités de maïs.»

Aujourd’hui, Frédéric Gaffet paie encore les «pots cassés» de ses années en conventionnel où il s’est endetté, mais aperçoit le bout du tunnel. L’intérêt que portent ses enfants à l’exploitation est une source de motivation. De nouveaux projets de diversification pourraient être menés. 

 

Timide conversion des fermes laitières

Sur 1 187 exploitations labellisées bio en Hauts-de-France (dont 200 dans la Somme), 17 % sont des fermes d’élevage laitier. Seulement douze nouveaux élevages de vaches laitières de la région sont entrés dans la démarche en 2019. «Ce ralentissement des conversions s’explique par une incertitude sur les aides, des questionnements sur le temps de travail en élevage et un prix du lait conventionnel qui se maintient», note le Plan Bio Hauts-de-France, l’observatoire régional de l’agriculture biologique, dans un bilan annuel. Il ajoute néanmoins que 2020 a connu une augmentation des projets et des études de conversion. Au total, en région, plus de 50 millions de litres de lait bio sont produits, mais ce chiffre «doit être doublé pour couvrir les besoins actuels des laiteries».
Pour Frédéric Gaffet, le frein est aussi lié au faible accompagnement. Pour sa conversion, les personnes qui l’ont soutenu se comptent sur les doigts de la main. «J’ai pu compter sur Bio en Hauts-de-France et sur mon conseiller ACE, ainsi que sur la laiterie Lact’Union qui m’a accueilli les bras ouverts, mais c’est tout.» Nombre d’agriculteurs des alentours ont critiqué son choix. «Seul Emmanuel Decayeux (installé à Hallencourt, ndlr), pionnier du bio dans le secteur, m’a épaulé.»
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