Eleveurs laitiers, comment vivez-vous votre métier ?
En tant qu’éleveur, quelle perception du travail avez-vous ? La question peut susciter des dizaines de réponses, car chacun a son propre ressenti. C’est le sujet qu’aborde Avenir conseil élevage lors de ses réunions d’hiver.
on s’entend bien, le tout dans une organisation bien définie : telle serait la recette du bonheur en élevage laitier ?
Des élevages laitiers plus gros, avec des charges plus lourdes, des questions de bien-être animal, de qualité des produits et de respect de l’environnement récurrents, une ouverture au marché mondial, des dérèglements climatiques… Et l’éleveur, dans tout ça ? Tous s’accordent pour dire que l’idéal est de maîtriser son temps de travail, pour sécuriser le revenu, tout en réduisant les astreintes. «Mais chacun à son propre ressenti et sa vision idéale du travail. La réflexion travail est un vrai projet», commente Dominique Gavillon, d’Avenir conseil élevage. La coopérative a justement choisi ce sujet pour ses réunions hivernales.
Lorsqu’on dit travail, à quoi pense-t-on ? Tout d’abord au revenu, au temps de travail, ou encore aux équipements. «Mais ces notions sont la partie émergée de l’Iceberg travail. Une quantité de critères de la partie immergée sont à prendre en compte pour définir le meilleur équilibre de travail de chacun.» Dans cette partie immergée, notons la personnalité de l’éleveur, la charge mentale, son projet de vie, ses compétences, l’impact sociétal…
Pour mieux cerner le sujet, ACE a réalisé une enquête à laquelle 240 exploitations laitières ont répondu. Les domaines explorés : le temps de travail, l’organisation de l’exploitation, les conditions de travail, les relations dans le cadre du travail (les activités que l’on aime faire ou non), et les solutions de travail mises en place. Le constat est parfois surprenant, car il existe une différence entre les chiffres et ce que ressent réellement l’éleveur.
Robot ou salle de traite ?
Premier point exploré : les éleveurs sont-ils plus satisfaits de leur travail s’ils sont équipés d’une salle de traite ou d’un robot ? D’après les réponses, un robot permettrait à l’éleveur de bénéficier de dix jours pris de plus qu’un éleveur avec salle de traite, environ 136 000 l de lait supplémentaires seraient également produits à UMO (Unité de main-d’œuvre) équivalente, et la marge brute serait plus élevée par UMO. L’amplitude horaire, elle, est légèrement plus faible. Le ressenti ? En règle général, les éleveurs équipés d’un robot estiment avoir une meilleure qualité de vie, la maîtrise du temps et les amplitudes horaires semblent être perçus de la même manière, tandis que la perception des jours pris est inférieure, malgré un nombre de jours supérieur. «La charge mentale, liée aux astreintes, par exemple, serait-elle supérieure ? se demande Vincent Falys, d’ACE. Un éleveur est en fait serein avec un robot quand il accepte que celui-ci fasse la traite à sa place.» Un éleveur confie : «grâce au robot j’ai gagné deux heures le matin et le week-end, et c’est très appréciable. Mais la surveillance de la machine est supportable car nous sommes plusieurs à nous relayer».
Plus de vaches, plus d’éleveurs ?
Deuxième aspect : le nombre de vaches par poste en salle de traite. Les équipements de traite des éleveurs sont, de manière générale, un peu sous-calibrés par rapport à la taille des troupeaux, pour une traite cohérente d’une durée d’une heure. «En même temps, plus on a de vaches par poste, plus on élargit l’amplitude horaire, ajoute Dominique Gavillon. Ce qui est certain, c’est qu’au-delà de six vaches par poste, le ressenti de l’amplitude horaire se dégrade.» Le nombre d’UMO joue aussi sur le moral des éleveurs. Une seule personne dans l’élevage est généralement «au taquet» et se révèle la plus efficace en termes de litres de lait produits. À deux ou trois, les éleveurs semblent moins efficaces, alors qu’ils récupèrent de l’efficacité à partir de quatre. «Néanmoins, être en nombre permet de prendre plus de jours. Et avec l’augmentation du nombre d’UMO, la perception s’améliore à tous les niveaux : amplitude horaire, jours pris, conditions de travail et organisation… Seul, l’éleveur a souvent l’impression de ne pas être assez organisé.»
Plusieurs UMO permettraient donc de se sentir mieux au travail. ACE a poussé le sujet, en enquêtant sur un agriculteur et des salariés, ou plusieurs agriculteurs associés. Il s’avère que le fait d’avoir un ou des salariés favorise le nombre de jours pris, sans dégrader l’efficacité du travail. La productivité serait même supérieure, à nombre d’UMO égales, avec des salariés plutôt que des associés. Les éleveurs ont enfin une meilleure perception de l’organisation et de la qualité de vie avec des salariés. Certains s’orientent néanmoins vers d’autres solutions, comme de déléguer une partie de la plaine. «Nous avons choisi de déléguer nos cultures à une entreprise, témoignent Isabelle et Hubert Roisin, installés à Mazinghien (59). Déléguer, c’est renoncer à une certaine maîtrise, mais cela nous a permis de préserver notre qualité de vie.»
Quelle journée ? Quel système ?
L’écart entre la traite du matin et celle du soir, ensuite, a été étudiée. D’après les réponses, plus cet écart est court (moins de dix heures), plus le nombre de jours pris augmente. La production de lait par UMO, elle, est légèrement plus faible qu’un écart classique de onze heures entre les deux traites. «Dès qu’on a un écart plus court, on améliore la perception de la qualité de vie, de l’organisation et de l’amplitude horaire. La moitié de ceux qui attendent plus de onze heures entre les deux traites disent être satisfaits des jours pris, mais confient être moins à l’aise avec leur qualité de vie.»
Qu’en est-il du système fourrager ? L’herbe ne changerait rien en termes de productivité, ni d’amplitudes horaires. Mais ceux qui ont plus de 80 % d’herbe dans leur système ont tendance à une meilleure efficacité (MB/UMO lait). «Ceux-là même confient avoir une meilleure perception de leurs conditions de travail. Ils ont moins le sentiment d’être débordés.» La taille du troupeau, enfin, en fonction du nombre d’UMO, a aussi un impact. En général, plus le nombre de vaches est élevé, plus le nombre de personnes travaillant dans la ferme est élevé. «Malgré une nette progression du nombre de jours pris, la perception reste mitigée. À plus de cent vaches, la perception de la maîtrise du temps est toujours négative.»
Ce qui donne du sens
Finalement, à chacun son organisation, son mode de travail, et à chacun son ressenti. Mais l’enquête a permis à ACE de pointer ce qui donne du sens à l’éleveur. «Les personnes qui ont une vision à moyen ou à long terme de leur exploitation ont une meilleure perception, une meilleure qualité de vie et sont mieux organisées. La vision aide à structurer, organiser, mieux accepter les amplitudes élevées…» La qualité de vie est aussi forcément moins bonne quand on fait des choses que l’on n’aime pas… Ou avec des personnes avec qui on ne s’entend pas, qu’elles soient salariées ou associées.
L’organisation mérite ensuite réellement d’être optimisée, car des écarts du simple au double concernent la note organisation. «Ceux qui bénéficient d’une meilleure organisation perçoivent une meilleure qualité de vie (+ 3 points) et prennent quatre fois plus de jours par an».
Calendrier
Le sujet vous a passionné ? Il reste quelques dates programmées pour l’approfondir :
- vendredi 24 janvier, Salle «Côté Grange», chez Matthias Beun, Cassel (59)
- mardi 28 janvier, ferme Beck, Bailleul (59)
- mercredi 29 janvier, restaurant Sainte-Cécile, Quesnoy-sur-Deûle (59)
- jeudi 30 janvier, salle des fêtes, Fontaine-les-Vervins (02)
- vendredi 31 janvier, restaurant Les 4 vents, Auteuil (60)
- mardi 4 février, salle des fêtes, Esmery-Hallon (80)
- mercredi 5 février, Auberge du Manoir, Acheux-en-Amiénois (80)
- jeudi 6 février, Salle des fêtes, Fesmy-le-Sart (02)
- vendredi 7 février, lycée agricole, Le-Quesnoy (59)
- mardi 11 février, salle communale, Quincampoix-Fleuzy (60)
- mercredi 12 février, lycée agricole, Genech (59)
- jeudi 13 février, salle des fêtes, Clairfontaine (02)