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En 2013, la pomme de terre sera très convoitée par les industriels

La demande industrielle s’accroît en Europe. Les industriels européens revoient les prix de leurs contrats à la hausse.

La baisse de la récolte européenne de pommes de terre provoque quelques tensions sur le prix des contrats proposés par les industriels pour cette campagne 2013.
La baisse de la récolte européenne de pommes de terre provoque quelques tensions sur le prix des contrats proposés par les industriels pour cette campagne 2013.
© Mac Cain

Publiés le 17 décembre dernier, les chiffres de la production européenne faisaient état d’une récolte des cinq plus gros pays producteurs passant de 26,7 Mt à 22,3 Mt entre 2011 et 2012. Cette baisse d’un peu moins de 17% intervient à un moment où la demande en produits transformés s’accroît, tant à l’échelle européenne que mondiale.
En France, si l’approvisionnement des industriels français est resté stable depuis deux ans (1,1 Mt dont 68% contractés), la situation devrait être quelque peu différente dans les prochaines années. «L’augmentation cons­tante de la consommation et du commerce de produits transformés à base de pommes de terre en Europe (…), entraînent une demande accrue de pommes de terre destinées à l’industrie», soulignent les responsables de l’Unpt dans un communiqué du 14 janvier dernier.
Quasiment toutes les entreprises accroissent leurs capacités de production. C’est le cas de McCain qui a indiqué voici un an vouloir renforcer ses capacités en Europe continentale à terme de cinq ans. Le n°1 mondial des produits surgelés aura ainsi besoin de 600 000T de tubercules supplémentaires, notamment pour fournir ses nouveaux marchés d’Afrique du Sud et du Moyen-Orient. Et après avoir acquis le hollandais Cela Vita, il devrait finaliser celle du belge Lutosa d’ici quelques semaines.

Des prix de contrat qui passent de 85 à 110 €/t
Depuis plusieurs campagnes, Nestlé (dans ses établissements picards de Rosières (80) et d’Itancourt (02)), Intersnack avec la marque Vico dans sa filiale française de Vic-sur-Aisne (02), ainsi que McCain négociaient des prix de contrat stables, voire en légère régression avec les producteurs français. Depuis novembre dernier, la tendance s’est complètement inversée.
Le premier signal est venu de l’étranger. Le belge Clarebout, implanté à Nieuwkerke près de Bailleul (59), annonçait en effet ses nouveaux prix de contrat à l’occasion d’Interpom, salon spécialisé de la pomme de terre qui se tient une fois tous les deux ans à Courtrai.
Outre que le fait soit inhabituel dans une filière plutôt peu habituée à ce type de transparence, les chiffres publiés représentaient une hausse de 30%, les prix de contrat passant de 85 €/t à 110 €/t en l’espace d’un an.
Les industriels de l’Europe du nord, notamment le belge Muyshondt (qui s’approvisionne en France), Lamb-Weston, Aviko, Farm Frites… savaient à quel niveau placer la barre !
La plupart des industriels européens ont ainsi décidé d’augmenter le niveau de leurs contrats. Aviko aurait décidé une hausse de 20 à 25 €/T. On parle d’une augmentation de 35 à 40% pour Farm Frites, ce qui représente la plus forte hausse de ses contrats depuis 25 ans !
Globalement, l’Unpt relève une augmentation du prix des contrats de l’ordre de 1000 €/ha (ou de 20 €/T), un chiffre qui peut varier selon la destination des tubercules (chips ou produits surgelés), des variétés et des périodes de livraison…

Des contrats encore en négociation
Depuis quelques campagnes, Clarebout fait figure d’aiguillon pour McCain. Le n°1 mondial, qui avait baissé le prix de ses contrats de 1 à 2% l’an passé, aurait ainsi négocié une hausse moyenne de plus de 20 €/T pour les contrats 2013. Elle sera présentée en détail le 7 février prochain lors de l’assemblée générale des producteurs livreurs qui se tiendra à Arras.
Mais tous les industriels français du secteur ne sont pas prêts à consentir de telles hausses. Les accords entre Nestlé ou Intersnack ne sont toujours pas finalisés à ce jour.
De son côté, l’Unpt met la pression pour de réelles revalorisations de prix qui permettent «d’assurer les investissements nécessaires à la viabilité et à la pérennité de la production et préserver la rémunération du producteur à un juste niveau».
Le message devrait être entendu par les industriels français qui n’ont pas encore conclu, et ceci d’autant plus qu’il n’est pas exclu que certains producteurs de pommes de terre puisent se détourner d’une production au profit de cultures de céréales moins contraignantes et plus rémunératrices. Au moins dans les trois ans qui viennent !

Zoom
«Anticiper la mise en marché par la maîtrise des surfaces»
Au cours de l’assemblée générale de la section «Pommes de terre de consommation» de la Fdsea qui s’est tenue à Amiens le 18 janvier sous la présidence de Jean-Michel Damay avec la participation d’Arnaud Delacour, membre du bureau de l’Unpt, les échanges avec les participants ont été nourris par les analyses de François-Xavier Broutin, chargé de mission à l’Unpt, et de Christian Boddaert, conseiller de gestion à CERFrance Somme.
En France, la production de pommes de terre de consommation est sur une tendance continue à la hausse depuis de nombreuses années alors qu’elle est stable au niveau des cinq principaux pays producteurs (France, Belgique, Allemagne, Pays-Bas et Grande-Bretagne) et qu’elle baisse dans l’UE à 27. Cette progression nationale est le fruit de l’augmentation des surfaces et du rendement commercialisable. Les raisons avancées tiennent à la plus grande spécialisation des producteurs et au recours à l’irrigation. Ce qui nécessite plus que jamais d’anticiper la mise en marché par la maîtrise des surfaces, à savoir ne pas produire ce qui n’est pas vendu, et la connaissance des volumes de la récolte. «En cas de risque de surproduction, il faut privilégier la qualité», a rappelé François-Xavier Broutin.
Cela étant, il s’avère que depuis les années 2000, les surfaces ne dépendent plus des prix. Des modèles de simulation ont été mis en place par l’Unpt pour analyser l’évolution des prix de marché. Au regard des éléments de conclusion énoncés, «nous assistons à une mutation profonde du rapport entre la production et l’industrie», a commenté Arnaud Delacour.

Améliorer son produit brut
L’approche économique de la culture dans le département a été basée sur la typologie suivante : le segment A1 pour la Bintje ou assimilée, le segment B pour les mixtes frais et industrie, le segment C3 pour les spécialisés en chairs fermes. En moyenne sur cinq ans, le segment A1 a dégagé 2 833 euros de marge brute à l’hectare, le segment B, 4 657 euros par hectare et le C3, 5 923 euros par hectare. La marge nette s’est élevée à 187 euros de l’hectare en moyenne. «Le producteur a toujours plus intérêt à améliorer son produit brut qu’à réduire ses charges à l’hectare», a commenté Christian Boddaert.
Ces présentations ont suscité des réflexions riches pour l’avenir de la production locale tout en regrettant le faible nombre de producteurs présents pour les partager.
On peut espérer qu’à d’autres occasions, ils seront plus nombreux à se déplacer pour donner leur avis et faire progresser la place de cette culture dans l’économie du département.
Patrick Desmedt

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