Entreprises : moins de défaillances dans les filières engagées en bio
Si les défaillances d’entreprises sont moins importantes dans les filières où l’agriculture biologique est la plus développée, cette dernière risque également de renier certains principes pour continuer à fournir l’augmentation de la consommation.
dans les prochaines années et aboutir à une domination du marché par la grande distribution.
Dans le secteur encore récent de la production biologique, peu d’études économiques sur les entreprises ont été réalisées, d’autant plus qu’il n’existe pas de nomenclature spécifique pour différencier le bio du conventionnel. Pour contourner cette difficulté, la société d’assurance-crédit Coface a étudié l’ampleur des défaillances d’entreprises en fonction de l’implication des filières en agriculture biologique. Il en ressort que, toutes choses égales par ailleurs, «les filières les plus converties à l’agriculture biologique ont été les plus résilientes», explique l’économiste Bruno de Moura Fernandes.
Ainsi, une hausse de 10 % de la part du bio dans une filière est associée à une baisse de 11 % des défaillances d’entreprises. A noter que, globalement, les défaillances d’entreprises dans le secteur agricole sont de + 4,9 % par an depuis 2012, et que l’agriculture restait en 2016 l’un des rares secteurs à ne pas voir baisser son taux de défaillance d’entreprise. Les filières les plus résistantes sont donc la viticulture et les fruits et légumes, très converties au bio, à la différence de la viande porcine, par exemple.
Changement d’échelle dans la douleur ?
La bonne santé des exploitations agricoles converties au bio s’explique par une consommation en forte croissance, que la production ne parvient d’ailleurs pas à satisfaire. Cette demande devrait probablement continuer à croître dans les années à venir. Mais le secteur va être confronté à plusieurs défis pour changer de dimension, indique l’étude de Coface.
Comme dans beaucoup de domaines, la capacité d’innovation sera déterminante, notamment pour compenser les rendements plus faibles de 20 % et le besoin en main-d’œuvre deux fois plus important qu’en agriculture conventionnelle.
Il semble nécessaire d’augmenter la surface des exploitations en agriculture biologique - plus petites que les exploitations en conventionnel - pour réaliser des économies d’échelle et diminuer les résidus de produits chimiques liés aux surfaces environnantes. Surtout, la réduction des coûts logistiques, via une meilleure structuration, s’impose, notamment pour peser vis-à-vis de la grande distribution.
Cette dernière reste, par ailleurs, à surveiller pour plusieurs raisons : si, pour le moment, 45 % des achats de produits biologiques sont réalisés en grande surface, cette proportion pourrait augmenter dans les prochaines années et aboutir à une domination du marché par la grande distribution, avec le risque de reproduire le schéma de dépendance actuellement à l’œuvre avec l’agriculture conventionnelle.
Par ailleurs, la grande distribution n’est pas aussi militante que les distributeurs spécialisés (Biocoop, La Vie Claire, etc.). S’ils respecteront les règles légales du bio, ils n’en épouseront pas forcément les principes fondateurs, comme la rémunération équitable des producteurs ou les circuits courts. Sur ce dernier point, le risque d’une évolution vers davantage d’importations de produits bio pourrait être amplifié par la politique de soutiens publics et le choix éventuel d’un passage à une rémunération par le marché.
Or, «pour compenser la perte de revenus, il faudrait soit augmenter les rendements, soit augmenter les prix», rappelle Bruno de Moura Fernandes. Cependant, si 60 % des consommateurs sont prêts à payer plus cher pour une alimentation de meilleure qualité, ils ne sont que 38 % à consentir à une hausse de 10 % des prix de leur alimentation en ce sens, et plus que 8 % pour une augmentation de 15 %.
Pour répondre à la forte demande en bio, sans augmenter les prix, les distributeurs se tourneraient donc forcément vers des produits importés de pays, où les charges sociales moins élevées et les normes moins strictes rendent l’agriculture plus compétitive, et ce, au détriment de l’empreinte carbone et de l’impact environnemental qui font pourtant partie des fondements de l’agriculture biologique…