Etats généraux : la charte d’engagement signée
Très attendue par les différents acteurs de la filière alimentaire, en particulier les agriculteurs, la charte d’engagement pour une relance de la création de valeur a été signée par les représentants de la production, de la transformation et de la distribution, le 14 novembre.
«Enfin !». C’est par ce mot que beaucoup d’acteurs de la production ont salué le 14 novembre la signature de la charte d’engagement pour une relance de la création de valeur et pour son équitable répartition au sein des filières agro-alimentaires françaises. Les principales organisations agricoles étaient présentes pour signer le document : la FNSEA, qui «s’est beaucoup investie sur cette charte pour enrayer la destruction de valeur dans la filière», comme l’a souligné sa présidente Christiane Lambert, Jeunes agriculteurs, dont le président, Jérémy Decerle, a salué un engagement collectif qui devra «redonner un peu de sens à notre métier et d’espoir pour notre profession», mais aussi l’APCA, Coop de France, la Confédération paysanne, le Modef, et la Coordination rurale.
Cette charte d’engagement traduit la volonté de l’ensemble des acteurs de changer la philosophie des relations commerciales et de casser la tendance à la destruction de valeur engendrée par la course aux prix bas que s’est longtemps livrée la distribution. «L’esprit du 11 octobre», mentionné par plusieurs participants en référence au discours prononcé à Rungis par Emmanuel Macron à l’issue du premier chantier des Etats généraux, trouve ici une première concrétisation. «J’espère que cet esprit parviendra jusqu’aux box de négociation», a fait remarquer Christiane Lambert. Tous les espoirs sont permis, puisque même Michel-Edouard Leclerc, le plus sceptique quant au bien-fondé de cette charte, a pris part à la signature, bien qu’il eût préféré «que l’on parte d’engagements sur la qualité, la santé, et qu’il s’en suive logiquement des revalorisations sur les prix».
Engagements collectifs
Si beaucoup d’acteurs ont salué un «moment historique», c’est avant tout parce que l’ensemble des maillons ont partagé les mêmes constats, et décidé de travailler en commun à l’amélioration des relations commerciales. Les signataires* s’engagent ainsi à promouvoir une contractualisation des prix à partir de l’amont, notamment en prenant en compte les coûts de production des agriculteurs et en assurant la répercussion à chaque maillon de la filière des fluctuations constatées des prix des produits bruts.
L’engagement collectif vise également à faire monter en gamme l’offre alimentaire, pour mieux répondre aux attentes des consommateurs en matière de qualité, de santé, d’environnement et de traçabilité. Les acteurs de la production s’engagent, de leur côté, à poursuivre en ce sens la transformation des systèmes agricoles, et à renforcer les OP et les interprofessions. Suite à cette première étape, «nous allons évaluer où nous en sommes dans le respect de cette charte», a indiqué le ministre de l’Agriculture, Stéphane Travert. «L’agriculture doit sortir des difficultés dans lesquelles elle est engagée depuis des décennies, une juste rémunération est nécessaire pour investir, faire vivre l’économie de nos territoires, embaucher des salariés…», a-t-il ajouté.
Les plans de filière, prévus pour mi-décembre, doivent, par ailleurs, compléter la charte en définissant des stratégies claires de montée en gamme et d’adaptation aux demandes sociétales. Enfin, le volet législatif et réglementaire reste fortement attendu pour sécuriser ces engagements, qui ne tiennent pour l’instant que par la seule volonté de tous les acteurs. «Il y aura notamment un volet relatif à la contractualisation, un volet relatif à la médiation et à l’arbitrage, un volet relatif au seuil de revente à perte et aux promotions», a précisé le ministre de l’Agriculture. Cette loi est prévue pour le premier semestre 2018.
«Un rendez-vous historique» à «cimenter par la loi»
L’ensemble des signataires, distributeurs, industriels, syndicats agricoles et coopération, de la charte d’engagement ont évoqué «l’instant historique» de cette signature, le 14 novembre et la pugnacité du ministre de l’Agriculture pour réussir à faire signer tout le monde. Jean Philippe Girard, président de l’Association nationale des industries alimentaires (Ania) a insisté sur «l’urgence de cimenter cette charte par la loi». Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, a souhaité que «l’esprit» de cette charte ne «s’évapore» pas, notamment durant les négociations commerciales qui ont déjà débuté. Elle espère «du concret et très vite», car comme le précise Bernard Lannes, président de la CR, «les résultats de cette charte ne commenceront à se voir sur les exploitations qu’à partir de 2019». «Cette charte, si elle n’est pas suivie d’un cadre légal, ne servira pas à grand-chose», a souligné Michel Biero, gérant des achats chez Lidl. Quant à Michel-Edouard Leclerc, il a conclu, après signature : «Je suis celui qui est venu le plus souvent dans cette salle et je peux vous dire que ce genre de débat n’est pas le premier et ne sera pas le dernier». Et de conclure par un : «Bon courage à vous !»