Filières biologiques cherchent agriculteurs picards
Le 26 novembre,
l’ABP et la Chambre d’agriculture de la Somme organisent,
à Conty, un forum d’opérateurs (26 présents) pour proposer aux agriculteurs intéressés des opportunités de développement en agriculture biologique.
Ce n’est ni un avis de recherche édité par la police ou la gendarmerie, ni une plaisanterie d’un écolo bobo versé dans la bio. Les filières biologiques picardes, qui ne sont pas la panacée de l’agriculture de la région, sont bel et bien en recherche d’agriculteurs qui pourraient se lancer dans la bio. Des opérateurs dans les filières lait, viande, œufs, légumes, céréales, alimentation animale, etc., ont besoin de producteurs bio pour répondre à une forte demande sociale.
Et une demande qui n’est pas près de diminuer si l’on se réfère à la consommation des produits biologiques en France. Celle-ci poursuit son développement à deux chiffres depuis six à sept ans, avec une progression de plus de 10 % entre 2013 et 2014 pour un marché de produits biologiques évalué à 5 milliards d’euros. Une tendance qui ira crescendo compte tenu du souhait des consommateurs d’avoir accès à des produits offrant une qualité alimentaire et sanitaire irréprochable, le tout couplé à des préoccupations environnementales. Reste que la production n’est pas suffisante pour répondre à cette demande sociale.
Les freins à la conversion
Outre les résistances et les idées préconçues sur les filières bio (produire moins, c’est source de revenus en moins, des champs sales, des rendements fluctuants, l’image de post soixante-huitard avec barbe et sandalettes…), les freins à la conversion existent bel et bien. Le premier d’entre eux est sans nul doute des filières peu structurées dans la bio à la différence de celles de l’agriculture conventionnelle. Ainsi, bien que certaines coopératives commencent à proposer des stockages de céréales dans des silos dédiés à la bio, beaucoup de producteurs sont encore contraints de stocker chez eux.
Un autre frein est celui de la partie technique. «Ce n’est pas un gros mot de dire que l’on est en cours de développement sur la technique, reconnaît Simon Lenoir, de l’association Agriculture biologique de Picardie (ABP). Face à certaines impasses techniques sur des cultures, on n’a pas encore toutes les réponses. Néanmoins, les progrès réalisés permettent aujourd’hui de maîtriser les itinéraires techniques des céréales, de l’élevage et de la plupart des légumes de plein champ.»
Pour l’agriculteur, le passage du conventionnel à la bio implique un changement de système qu’il ne maîtrise pas, avec en arrière plan la question de la rentabilité économique. S’en sortir en produisant moins, est-ce viable pour l’exploitation ? Question légitime, mais discutable selon l’ABP. Question dans tous les cas que ne manquent pas de soulever les banquiers, les centres de gestion, les techniciens et les instituts techniques qui gravitent autour de l’agriculteur.
Des marchés à saisir en Picardie
Dépasser tous ces freins est possible, défend l’ABP. D’une part, parce que des opérateurs sont à la recherche de producteurs picards dans toutes les filières, et ont la volonté d’en développer de nouvelles telles que le cochon et le poulet de chair. «Si chaque producteur veut faire du bio, il trouvera un opérateur en face, car il n’y a pas une filière orpheline en bio», relève Simon Lenoir.
D’autre part, parce que la stabilité du développement des filières, compte tenu de la demande croissante des consommateurs, comme de la stabilité des prix, avec moyen de négocier pour le producteur, offrent de réelles opportunités. «On sait à qui on va vendre et à quel prix, ce qui n’est pas toujours le cas dans l’agriculture conventionnelle. Puis, il y a des filières très rémunératrices telles que les légumes de plein champ, sous couvert de la maîtrise de l’ensemble des paramètres, notamment pour ce qui est de la technique et de la main-d’oeuvre», souligne-t-il. Et de reconnaître que l’agriculture biologique exige une main-d’oeuvre plus importante que l’agriculture conventionnelle.
Dernier point, et pas des moindres, selon l’ABP, le passage en bio permet de redonner du sens au métier de l’agriculteur. «L’agriculture biologique est fondée sur le lien avec le sol, la diversification des plantations et la rotation des cultures», rappelle Simon Lenoir. Outre le fait que les producteurs bio respectent l’environnement et évitent de polluer de quelque manière que ce soit, l’agriculture biologique se veut avant tout naturelle, et dans le respect des équilibres biologiques. En aucun cas, elle ne veut troubler l’équilibre entre le sol, les plantes et les animaux.
La situation de la bio en Picardie
Aujourd’hui, l’agriculture bio en Picardie représente 11 825 ha de SAU bio et conversion, cultivés par 282 producteurs. Si la superficie des surfaces biologiques a augmenté de 14 % par rapport à 2014, elle reste bien en-deçà de la moyenne nationale, soit un peu moins de 1 % contre près de 5 %. «On est dans les dernières régions de France, dernière par rapport aux surfaces agricoles utiles (SAU) et avant-dernière par rapport au nombre de producteurs», relève Simon Lenoir de l’ABP.
En termes de répartition départementale, l’Oise arrive en tête avec 5 116 ha de SAU bio et conversion, cultivés par 83 producteurs, suivie par l’Aisne, avec 2 505 ha de SAU bio et conversion, cultivés par
89 producteurs et la Somme, avec 2 196 ha de SAU bio et conversion, cultivés par 87 producteurs.
Les principaux bassins de production bio en bovin lait se trouvent en Thiérache, en Pays de Brais-Grand Beauvais et dans la Somme. Cela correspond en fait aux bassins de collecte des principaux opérateurs laitiers, soit Lact’Union, Lactalis, Ucanel Lactalis et Danone. Pour la filière bovine viande, on retrouve les mêmes secteurs que la production de bovins laitiers.
Pour les grandes cultures, les bassins de production bio sont répartis sur l’ensemble du territoire. La production de légumes bio se trouve, principalement dans le Grand Amiénois, le Santerre, le Grand Beauvaisis, le Soissonnais et le Sud de l’Aisne. La viticulture bio est pratiquée, sans surprise, dans le Sud de l’Aisne. Enfin, les cultures de fruits bio se situent dans un axe Amiens et Beauvais et en Thiérache.
Spécificités départementales
Si l’Oise arrive en tête, c’est avant tout en raison de la taille de ses exploitations, plus grandes que dans les deux autres départements picards. «D’importantes conversions en bio ont été réalisées dans ce département au début des années 2000 grâce à des contrats territoriaux d’exploitation, permettant aux agriculteurs une prise de risque moindre en raison des aides financières dont ils ont pu bénéficier», explique Simon Lenoir.
L’Aisne lui emboîte le pas. Si elle s’est lancée aussi dans la bio, c’est principalement en raison de la demande des opérateurs laitiers à la recherche de lait bio. Le marché était là. Les producteurs laitiers de l’Aisne s’y sont engouffrés. Quant à la Somme, la «dernière de la classe», son retard s’explique, en grande partie, «du fait de la partie historique du Santerre, avec ses cultures agro-industrielles et la présence de Bonduelle. Ici, les filières sont très structurées. Aussi n’y a-t-il pas vraiment de volonté de changement du système en place sur les circuits longs», commente-t-il.
Normes à respecter : les grandes lignes
- Respect du cahier des charges européen relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques
- Interdiction absolue d’utilisation de produits de synthèse, comme d’OGM
- Filière élevage : respect du bien-être animal
- Délai de conversion sur les cultures pérennes de trois ans avant la première récolte et sur les cultures annuelles de deux ans avant l’ensemencement
- Un carnet doit être tenu à jour et disponible en permanence pour l’organisme certificateur lors de son inspection sur site