François Hollande reconnaît l’agriculture comme pôle de redressement économique
Un nouveau ton, émanant tant du chef de l’Etat que de ses ministres, a montré à quel point les pouvoirs publics reconnaissent aujourd’hui l'agriculture comme une activité de production.
Une vision moderniste, orientée vers la production, reconnaissant la validité de toutes les formes d’agriculture : voilà comment les professionnels qui ont pu rencontrer François Hollande le 22 février à l’inauguration du Salon de l’agriculture, ont qualifié le projet agricole du président de la République. De fait, le chef de l’Etat a semblé réussir son parcours d’inauguration, voulant présenter une vision moderne, décomplexée, de la politique agricole à l’occasion d’une longue réunion avec les syndicats agricoles. «Il s’est dit convaincu par une agriculture innovante, exportatrice, très diverse et cela nous va», affirmait un représentant de la Fnsea. «Pour lui, le nombre d’actifs compte autant que le nombre de paysans», dit un autre, convaincu qu’il s’agit là d’un soutien à une agriculture créatrice d’emplois, pas forcément «recroquevillée» sur de petites exploitations. La demi-journée passée par le président de la République, après une traditionnelle visite dans les espaces consacrés à l’élevage, s’est déroulée en rencontres collectives. De toutes ces rencontres se dégageait une réalité : François Hollande reconnaît l’agriculture comme un des grands pôles du redressement économique français.
Visite studieuse pour le président de la République
Ce n’était pas gagné comme on dit de nos jours, et pourtant : la visite d’inauguration du 51e Salon international de l’agriculture par le président de la République s’est bien déroulée, dans tous les sens du terme. Les agriculteurs avaient décidé de prendre leur responsabilité et d’exposer, calmement mais fermement, leurs soucis concernant l’état actuel de leurs métiers et leur avenir. Le ton fut donné dès 7 heures du matin, heure d’arrivée de François Hollande, au moment de la traite. «Nous sommes dans un système de mondialisation, alors pourquoi les éleveurs français ne profitent pas de l’embellie mondiale. Quand les prix baissent, ils baissent aussi en France mais quand ils remontent, ils ne remontent pas en France. Les éleveurs ne sont pas grand-chose face aux transformateurs et à la distribution» pointe un éleveur laitier. À peine le passage par la traite terminée, le président a poursuivi sa visite auprès des éleveurs de bovins viande.
À l’écoute
Jean-Pierre Fleury, tout nouveau président de la Fédération nationale bovine (FNB) met les points sur les i : «Le dossier de la prime à la vache allaitante n’est pas réglé et il traîne et un dossier qui traîne est un dossier qui a tendance à nous inquiéter. Des arbitrages doivent avoir lieu. Ils ne doivent pas se faire sur le dos des éleveurs spécialisés. Si on veut de la compétitivité, il faut aller vers un système avec des troupeaux de 80-100 vaches par actif et non 40 comme aujourd’hui. Limiter la prime aux quarante premières déstabiliserait les éleveurs spécialisés». Face à un président extrêmement concerné et à l’écoute, de l’avis même des professionnels rencontrés, la FNB a également attiré son attention sur le fait qu’on «allait vers une tromperie des consommateurs si l’on signait l’accord de libre-échange UE-Etats-Unis en l’état». Autres sujets critiques pour la FNB : la problématique des bâtiments d’élevage pour loger le cheptel nécessaire à garder de la compétitivité, le plan protéine pour aller vers l’autonomie et la demande à l’État d’ouvrir une négociation avec ERDF dans le cadre du plan photovoltaïque. «Je suis heureux car ça marche bien pour moi, j’ai 60 ans et je vais transmettre mon élevage à mon fils mais en même temps je suis triste car je ne sais pas du tout comment ça va se passer pour lui» confie au chef de l’Etat un éleveur de Haute-Garonne, mettant en avant ainsi un autre dossier sensible : les difficultés d’assurer la transmission dans de bonnes conditions. «Il faut absolument faire plus au niveau de la formation initiale pour attirer des jeunes, les inciter à aller dans les fermes» insiste cet éleveur. Nouvel arrêt, chez les éleveurs ovins cette fois : le président écoute toujours, extrêmement sérieux, ces éleveurs qui souhaitent, eux aussi, que l’on trouve des moyens pour attirer des jeunes. Pour cette filière, la mise en place du bouclage électronique serait sûrement un plus et la présence et le développement du loup marquent très fort les esprits. La visite se poursuit par la filière porc, qui souffre terriblement de l’embargo décrété par la Russie sur le porc européen. «L’État doit intervenir au plus haut niveau. Le Premier Ministre danois a envoyé un courrier à Vladimir Poutine sur ce sujet. La France doit faire la même chose. Les trésoreries ne pourront pas tenir 3-4 mois de plus. Sinon on avance plutôt bien sur le dossier des installations classées et nous voulons travailler le sujet du né, élevé et abattu en France» a dit Jean Michel Serres au président.
Détente
Le chef de l’État a rejoint aussi le stand d’Interbev qui met en avant la viande française et a ainsi pu savourer quelques brochettes et autres petites tranches de viandes grillées, pour une première pause détente. Il s’est félicité au passage de l’excellence du travail du secteur de la boucherie, secteur toujours à la recherche de bras nouveaux.François Hollande a ensuite visité les stands du Cirad, de l’Inra, de La Criée et du ministère de l’Agriculture, pour un autre moment sourire avec des enfants en plein atelier cuisine qui permet de vérifier ses connaissances pour éviter le gaspillage. Pour Xavier Beulin, président de la Fnsea, «cette visite est constructive. Le président a beaucoup parlé de recherche et d’innovation. Nous lui avons rappelé que nous avions demandé très tôt que ces sujets soient partie intégrante de la loi d’avenir. Ce n’était pas le cas en première lecture, nous attendons donc le deuxième passage de la loi au Parlement mais nous pensons que la recherche et développement seront plus présents. Le fait que le pacte de responsabilité s’applique aussi à l’agriculture nous va très bien et nous sommes bien d’accord aussi sur le fait qu’il faut agir sur le coût du travail, sur l’installation des jeunes ou encore sur la simplification des normes, notamment en matière de mise en cohérence avec les normes européennes. On a souvent surtransposé les textes de Bruxelles en droit français».Chasser le sérieux, il revient au galop ! Le président de la République et les trois ministres qui l’ont accompagné pendant la visite inaugurale repartent avec un panier plein… de travail.
Jean-Marc Ayrault : «plus de marges pour les agriculteurs»
Lors de sa visité au SIA le 24 février le Premier ministre a évoqué la nécessité d’une agriculture avec «davantage de compétitivité, ce qui signifie plus de marge pour les agricultures, permettant d’investir et innover». Ce qui signifie pour Jean-Marc Ayrault un besoin accru de formation et d’organisation professionnelle. Il a garanti que le gouvernement est engagé dans la bataille de la simplification afin que ceux qui veulent se développer et innover ne soient pas découragés. Le premier ministre ne veut «pas opposer la performance économique et la qualité environnementale, ne pas opposer le bio et l’industrie agroalimentaire, ne pas opposer le marché français et l’exportation».