La baguette Avocette, une histoire locale croustillante
De la graine au pain, la baguette de tradition Avocette est une création 100 % de la Somme, née en 2004. Son croustillant, sa mie moelleuse et sa saveur font de plus en plus d’adeptes chaque année.
De la graine au pain, la baguette de tradition Avocette est une création 100 % de la Somme, née en 2004. Son croustillant, sa mie moelleuse et sa saveur font de plus en plus d’adeptes chaque année.
Sa croûte croustille à souhait dès le premier contact avec la dent, puisqu’elle a été cuite dans un four à sole. Sa mie, alvéolée et aérée grâce au façonnage à la main, fond en bouche. Toute sa saveur, développée grâce à la fermentation lente et naturelle, envahit les papilles. C’est à ces critères que l’on reconnaît la baguette de tradition l’Avocette, 100 % samarienne, de l’épi de blé qui a poussé en Baie de Somme à l’artisan boulanger qui l’a créé, en passant par les coopératives agricoles (Noriap et Calipso, ex-Ucara), et par le Moulin Riquier, à Cahon, qui transforme le grain en farine.
La pépite est née d’une volonté commune des différents maillons de la chaîne qui souhaitaient valoriser les savoir-faire locaux et, surtout, des mains de Jean-Jacques Hébert, artisan-boulanger à Flixecourt. «Il m’a fallu six mois (seulement) de travail pour créer cette baguette. Elle a tout de suite plu», raconte l’homme, désormais à la retraite. Toute l’histoire de la baguette est soigneusement conservée dans un dossier qu’il ouvre volontiers aux curieux. La première photo classée est celle du lancement officiel de la marque, lors du traditionnel festival de l’oiseau, en 2004. «L’avocette élégante est un oiseau emblématique de la Baie de Somme, d’où son nom». Le petit échassier limicole se reproduit d’ailleurs dans les marais arrières littoraux… Comme le blé.
Aujourd’hui, la baguette locale a pris de l’ampleur. «Elle connaît une progression régulière chaque année, assure Olivier Faict, agriculteur à Ercourt et président de l’association l’Avocette. 980 quintaux de farine ont été produits en 2020.» Environ 35 boulangers ont sorti
480 000 Avocettes de leurs fours. La marque a même su convaincre de gros faiseurs, comme la boulangerie amiénoise Nature de pain. En termes de blé, cela représente 130 t, pour 15 à 20 ha. «C’est toujours une niche, mais l’image de la qualité de l’agriculture locale est véhiculée», note Christian Lesenne, ingénieur-conseil qui suit le dossier.
Quand à la variété ? Une réflexion est en cours sur le sujet. Historiquement, seule la Camp Rémy, variété ancienne reconnue pour ses qualités boulangères et meunières exceptionnelles, était utilisée. «C’est elle qui donne à la mie de l’Avocette sa couleur crème si particulière», assure Benjamin Hébert, qui succède à son père. Mais ce blé s’avère onéreux à cultiver, faute de rendements suffisants. «Quand les autres variétés font 100 quintaux, la Camp Rémy en fait 70», avoue Christian Lesenne. Décision a donc été prise de mélanger la Camp Rémy avec de la Fructidor, plus productive. «La qualité est ainsi préservée. Nous étudions toujours l’opportunité d’une variété remplaçante.»
Nature, aux graines, aux salicornes…
Cette qualité séduit toujours la fidèle clientèle de la maison Hébert. «Chez nous, l’Avocette a beaucoup de concurrence, car nous proposons de nombreux pains spéciaux. Pourtant, elle a toujours du succès», assure Benjamin Hébert. Elle est déclinée sous plusieurs formes : baguette nature ou aux graines, en boule, ou encore aux salicornes, en période estivale. «Les gens se tournent de plus en plus vers les saveurs anciennes.» Le boulanger met un point d’honneur à ce que l’Avocette soit «irréprochable». «Le pain est fait en direct, pour être le plus frais possible et rester bon même le lendemain.»
Jean-Paul, venu acheter son Avocette ce mercredi matin, comme chaque jour de la semaine, ne dira pas le contraire. «Je suis chauvin, alors j’ai trouvé géniale l’idée d’une baguette locale. Une fois que j’ai croqué dedans, je n’ai plus su m’en passer !»
La baguette inscrite au patrimoine de l’Unesco ?
Roselyne Bachelot, la ministre de la Culture, a tranché ce vendredi 26 mars entre ce dossier, celui des toits de zinc de Paris, ou de la fête traditionnelle du Biou d’Arbois, dans le Jura. Un comité de l’Unesco décidera ensuite de le valider ou non. La baguette pourrait donc rejoindre la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, aux côtés de la pratique de l’alpinisme, du couscous du Maghreb ou de l’art du pizzaïolo de Naples, en Italie. Tout le savoir-faire des 33 000 artisans-boulangers serait alors mis en avant. Une telle inscription pourrait également déclencher des envies de devenir boulanger, à l’heure où, en France, 9 000 postes sont à pourvoir dans le secteur de la boulangerie-pâtisserie. Un petit coup de pouce aussi pour notre Avocette samarienne.