La Commission européenne signe la fin de l'utilisation du mancozèbe (fongicide)
Un vote au sein d'un comité spécifique de la Commission européenne, le ScoPAFF, s'est prononcé il y a quelques jours pour une interdiction de l'utilisation du mancozèbe en protection fongicide des légumes, et en particulier de la pomme de terre.
On le savait depuis quelque temps sur la sellette mais la Commission européenne a tranché. Un vote qui a lieu le 23 octobre au sein du ScopPAFF met fin à l'utilisation du mancozèbe, un fongicide notamment utilisé pour protéger la pomme de terre contre le mildiou, mais aussi plus largement en cultures légumières. L’autorisation actuelle de l’UE pour le mancozèbe expirera donc le 31 janvier 2021.
Le 21 octobre, le député européen (PS) et membre de la commission de l'Environnement Eric Andrieu appelait de ses vœux (une nouvelle fois) une interdiction de l'utilisation du mancozèbe au sein de l'Union Européenne, expliquant « qu'il est grand temps que ce produit disparaisse de la circulation. Le danger immense qu'il représente pour la santé des citoyens européens doit le disqualifier définitivement ». Deux jours plus tard, le 23 octobre, sur son compte Twitter, le même élu se félicitait du vote : « VICTOIRE !!! La nouvelle vient de tomber : le 3ème pesticide le + utilisé en Europe sera interdit! L’Europe a enfin refusé de renouveler l’autorisation du #Mancozebe, #pesticide reconnu comme cancérigène probable par les scientifiques européens ! »
Eric Andrieu souligne que, « après le glyphosate et le prosulfocarbe, ce fongicide occupe la troisième place des pesticides les plus utilisés sur notre continent ». Et de poursuivre : « Classé cancérigène depuis près de 30 ans, reconnu comme hautement toxique en Europe, pouvant provoquer de graves troubles reproductifs, pour la thyroïde, le système nerveux, les yeux ou la peau des êtres vivants, ce produit aurait déjà être hors circuit depuis longtemps ».
Ce vote intervient en même temps que la Commission européenne met en avant son « Green Deal » et sa volonté de « verdir » la Politique agricole commune (PAC), notamment en passant par une réduction drastique de l'utilisation des produits phytosanitaires.
En France, un avis de l'Anses daté du 14 avril dernier recommandait à la Commission européenne de ne pas renouveler l'autorisation de mise en marché du mancozèbe « au regard de son niveau de danger et des données de phytopharmacovigilance ».
Coup de poignard dans le dos
« Cette décision de retrait de l’autorisation du mancozèbe en Europe est une très bonne nouvelle car ce pesticide est très préoccupant pour la santé humaine et l’environnement. En effet le mancozèbe est suspecté être toxique pour la reproduction humaine et répond aux critères européens des perturbateurs endocriniens » a réagi François Veillerette, porte parole de l'association Générations Futures. « Ce retrait du mancozèbe est une belle victoire pour les ONG qui se sont battues depuis longtemps pour obtenir son retrait » ajoute t’il.
Les réactions du monde professionnel agricole sont quant à elles plus nuancées, voire carrément hostiles à cette interdiction. Suite à cette annonce par le député Eric Andrieu, de nombreux commentaires d'agriculteurs-utilisateurs font en effet état d'une absence d'alternatives raisonnables et/ou efficaces.
Installé à Arry, dans la Baie de Somme, Emmanuel Trouart regrettait ainsi une décision qui devrait, selon lui, « faire payer les pommes de terre (et les frites) plus chères... », à moins qu'il s'agisse plus simplement d'une manière de tirer un trait sur la production de pommes de terre françaises. Pour Romain Dubois, un autre agriculteur samarien, il s'agit « d'un coup de poignard dans le dos des producteurs français de légumes ». Pour une autre, « la catastrophe sur la betterave n'a pas suffi », en référence à l'interdiction de l'utilisation des néonicotinoïdes et ses conséquences sur les rendements 2020. Un autre enfin se demande si la réciprocité de cette décision sera l'interdiction de « toute importation de légumes traités avec du mancozèbe ». Si tel n'était pas le cas, « votre victoire sera la destruction de la production maraîchère française ». Mais les jeux ne sont-ils pas déjà faits ?