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La culture du lin biologique : un avenir bien ficelé ?

Une forte demande, un savoir-faire technique plutôt bien maîtrisé... Les bases du développement de la filière lin textile bio sont solides. L’association Lin et chanvre bio espère le poursuivre.

En lin bio, la marge est supérieure de 30 % environ par rapport au lin conventionnel.
En lin bio, la marge est supérieure de 30 % environ par rapport au lin conventionnel.
© D. R.

«Les stocks de lin bio 2018 sont épuisés depuis plusiuers mois», assure Paul Boyer, de l’association Lin et chanvre bio. C’est donc une réalité : le demande est forte. Les premières parcelles en test de lin bio ont été semées en 2005, en France, et aujourd’hui, plus d’une trentaine de producteurs cultivent 500 hectares, principalement dans le pays de Caux (76) et au plateau du Neubourg (27). Une goutte d’eau, parmi la petite production nationale de lin conventionnel de 80 000 hectares environ. «Mais les surfaces bio ont tendance à doubler chaque année», précise Paul Boyer.
Pour l’association, créée en 2012 pour permettre aux agriculteurs de mutualiser les connaissances techniques et aider la filière à se développer, l’enjeu est de taille. «Le lin se cultive dans les meilleures terres de France. Ces exploitations, souvent compétitrices, sont moins tentées de se convertir en bio. Notre objectif, pour inciter ces producteurs, est donc de prouver que la culture de lin bio fonctionne bien, et qu’elle est rentable.»
Même non biologique, l’agriculture du lin est déjà sans comparaison avec l’agriculture conventionnelle du coton, particulièrement désastreuse pour l’environnement. «Le lin conduit en agriculture biologique ne fait donc qu’aller un peu plus loin dans cette logique d’excellence écologique, loin devant le coton bio, grâce à sa culture locale (la France est l’incontestable leader mondial) et son rouissage ne nécessitant aucune irrigation.»
A qualité équivalente, l’association assure que le prix payé à l’agriculteur pour la filasse de lin bio est supérieur d’environ 0,4 € à 0,5 €  par kilo, pour un prix moyen de la filasse de lin conventionnel autour de 2,4 €/kg. En résumé : une marge supérieure de 30 % environ en lin bio par rapport au lin conventionnel.
Le rendement, lui, est identique : «Bon nombre de producteurs de lin bio arrivent à produire le même tonnage qu’en conventionnel, voire même un peu plus», assure Paul Boyer. L’expérience accumulée depuis une dizaine d’années a montré des rendements en paille (4 à 8 t/ha) et en taux de fibre (15 à 23 %) similaires entre les agriculteurs bio et conventionnels d’un même terroir.
«Mais la difficulté est de gérer l’enherbement, qui induira une qualité plus ou moins bonne.» Certains teillages ont observé un risque supérieur de déclassement de la qualité des lasses bio en raison d’un plus grand salissement des cultures, venant légèrement diminuer l’avantage économique du bio, tandis que d’autres ont au contraire observé des résultats qualitatifs et quantitatifs parfaitement identiques entre bio et conventionnel, sans qu’il soit encore possible d’expliquer la raison de ces différences. Les étoupes de lin bio sont généralement moins bien valorisées qu’en conventionnel en raison d’un plus fort salissement. Mais le gros avantage du lin bio réside en la valorisation des graines. Celles-ci, notamment utilisées pour la consommation humaine, peuvent contribuer à améliorer significativement la marge, surtout lorsqu’on peut maximiser la récolte de graines en écapsulant au champ : jusqu’à 700 €/ha, estime Paul Boyer.

Un marché naissant
Les débouchés, eux, sont encore à petite échelle, mais pourtant suffisamment nombreux pour écouler toute la production. En France, huit entreprises de teillage sont certifiées Gots (Global Organic Textile Standard), qui certifie un produit textile biologique des matières premières au produit fini, et sont donc capables de valoriser le lin bio. Trois d’entre-elles sont basées en Hauts-de-France, dans le Nord : L.A. Linière à Bourgbourg, Van Robaeys Frères à Quesnoy-sur-Deûle et Lienard Frères à Caëstre. Trois filatures européennes sont ensuite certifiées Gots, dont l’entreprise Safilin de Sailly-sur-la-Lys (62). Ce label prend la suite du label AB, après la sortie de l’exploitation agricole. En France, il est délivré par l’organisme Ecocert.
Les collections de «mode éthique» sont souvent lancées par de petites marques de luxe. Mais certains plus grands noms saisissent l’opportunité, comme le Belge Libeco, l’un des plus grands tisseurs de lin, qui a lancé une gamme de lingerie maison haut de gamme bio. «Mais aujourd’hui, si Nike ou Adidas venaient à lancer une collection de T-Shirt en lin bio, nous n’aurions pas les moyens de leur fournir la matière. Il faut donc augmenter la production pour créer le marché

Attention : culture technique !
Attention toutefois, car «produire du lin n’est pas donné à tout le monde», prévient Paul Boyer. Si les recettes peuvent être extrêmement confortables les bonnes années, les charges opérationnelles sont toujours élevées (entre 1000 et 1500 €/ha), et lorsque la météo est capricieuse, la récolte peut être totalement perdue (en bio comme en conventionnel). «Aussi, cette culture très technique nécessite une bonne maîtrise du liniculteur.»

Un vêtement en lin bio = 10 m2 de culture bio

Avec un rendement de l’ordre de 1 tonne de fil par hectare cultivé en lin tous les sept ans, acheter un article de 150 g de lin biologique (un T-shirt ou une chemise) utilise la production annuelle de lin de 10 m2 de parcelles bio permettant dans le même temps la production, par exemple, de 1,3 kg de blé bio, 3 kg de pommes de terre bio et le fourrage nécessaire à la production de 1 l de lait bio (ou toute autre combinaison selon le type d’exploitation agricole).

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