A la Ferme de la Vallée Cailloux, le Savoir Vert est une religion
Anne-Sophie et Fabien Niquet ont intégré le réseau Savoir Vert en 2018. Ils accueillent à la Ferme de la Vallée Cailloux, située à Belloy-sur-Somme, des scolaires tout
au long de l’année.
L’attachement à la ferme et aux vaches laitières est viscéral chez Anne-Sophie Niquet. Pour le comprendre, il faut chercher du côté de son histoire familiale et de ses origines samariennes. C’est à Belloy-sur-Somme qu’Anne-Sophie a grandi dans la ferme familiale, comme Fabien d’ailleurs, entre cultures et élevage laitier. Alors quand son père lui demande de reprendre l’exploitation avant de prendre sa retraite en 2011, elle abandonne son laboratoire de l’Inra, à Estrées-Mons, pour revenir à la ferme. «Quand on a toujours vu des vaches à la ferme, on ne peut pas imaginer une ferme sans elles, ni la ferme familiale dans les mains d’un autre», confie-t-elle.
Celle qui scrutait en long, en large et en travers les petits pois d’hiver du temps de son travail à l’Inra, se retrouve désormais dans l’atelier lait à s’occuper des petits veaux et dans les champs si besoin est. A la tête, avec son mari, d’une exploitation de cent vaches laitières et de 170 ha (blé, maïs, orge, méteil, luzerne, prairies, avoine), le couple a décidé de se lancer dans la méthanisation après l’année catastrophique de 2016, tant en lait qu’en céréales, pour ne pas être tributaire des prix du marché. «Si on s’est lancés dans la méthanisation, c’est parce qu’on croit en l’élevage. Ne plus avoir de vaches, ce serait trop dur psychologiquement. Notre métier, on l’aime et on veut le défendre», explique-t-elle. Or, rien de mieux pour le défendre que de le faire découvrir aux autres.
Partager avant tout
En tant qu’adhérente de la FDSEA, Anne-Sophie participe à toutes les opérations «portes ouvertes» des exploitations, en accueillant des scolaires. «Je me suis aperçue que nos visiteurs se posaient beaucoup de questions, mais qu’ils avaient également des a priori et de fausses idées sur nos pratiques. On s’est alors rendu compte qu’ils étaient complètement déconnectés de l’agriculture, comme de ce qu’ils mangent. Face à ces constats, communiquer sur notre métier est devenu une évidence», raconte l’agricultrice. Mais l’opération «portes ouvertes», une fois par an, n’est pas suffisante pour faire connaître la réalité du métier.
Que faire d’autre ? Le déclic vient de la visite de la ferme pédagogique de la présidente du Savoir Vert, Chantal Legay. L’évidence s’impose. L’association correspond point par point à sa recherche de communication. Ne reste plus, avant d’aller plus loin, qu’à convaincre son époux d’intégrer la démarche. «Le projet doit être commun, sinon, cela ne peut pas fonctionner. Comme, pour mon mari, c’est aussi important de communiquer sur son métier, il a adhéré à la démarche rapidement», se souvient-elle. Et d’autant que l’un et l’autre sont animés par la même volonté : faire voir et comprendre aux autres pour que ceux-ci puissent se forger une opinion sur les pratiques des agriculteurs.
Le veau, la vache et le lait
Après l’agrément obtenu de ferme pédagogique du Savoir Vert, Anne-Sophie et Fabien reçoivent leurs premiers scolaires en avril 2018. A l’entrée de l’étable, ils installent des bancs et des panneaux explicatifs sur les activités de la ferme. Le thème retenu ? Le veau, la vache et le lait, ainsi que ce que l’on peut faire avec. L’enseignante qui accompagne la classe de CP accueillie n’est autre que la sœur d’Anne-Sophie. «Du coup, j’étais moins stressée, mais comme je suis perfectionniste, je ne suis jamais satisfaite», confesse-t-elle. Depuis, des classes de la maternelle au collège se sont succédé (quatre en 2018, vingt-sept depuis le début de cette année).
Désormais, le couple a trouvé son rythme de croisière et s’est organisé, privilégiant des visites de demi-journées plutôt que de journées entières. «Les enfants, surtout les petits, se fatiguent rapidement. Du coup, ils décrochent très vite. Or, nous, ce que l’on veut, c’est qu’ils repartent en ayant appris plein de choses, ainsi que les adultes qui les accompagnent», commente-t-elle.
Au programme : explications des activités de la ferme, des quizz, des visites de l’atelier lait et du robot de traite, des contacts avec les animaux. «On joue beaucoup sur le toucher des animaux avec les plus petits. On leur fait reconstituer du lait à partir de lait écrémé, puis on leur propose des jeux où ils doivent identifier les produits qui contiennent du lait», détaille-t-elle. La visite est toujours sur un mode interactif pour que les échanges soient les plus riches possibles. Et, comme les questions ne manquent pas, Anne-Sophie et Fabien créent continuellement de nouveaux panneaux. A chaque classe, des panneaux adaptés aux âges des élèves et à leur programme scolaire. Pas meilleure récompense pour eux que celle des gamins, qui savent, en quittant l’étable, comment le lait est fait et ce qui se vit chaque jour à la ferme, pour les hommes et leurs animaux.
INTERVIEW
Le Savoir Vert des agriculteurs : c’est quoi ?
L’association a été créée en 1992. Sa raison d’être et ses missions avec Margaux Duhamel, chargée de mission du Savoir Vert.
Quand est née cette association et qui en est à l’origine ?
Cette association est née en 1992 dans le Nord-Pas-de-Calais. Elle inclut désormais l’ex-Picardie depuis la fusion des régions. Elle est unique en France. Ce sont des agriculteurs, syndiqués à la FDSEA, qui l’ont lancée pour communiquer sur leur métier. Et rien de mieux, pour toucher les jeunes, que d’organiser des visites scolaires dans les exploitations prêtes à les accueillir et s’étant formées pour devenir fermes pédagogiques.
Combien de fermes pédagogiques ont intégré le réseau et qui est accueilli ?
Le Savoir Vert regroupe une centaine de fermes pédagogiques réparties sur tout le territoire (soixante-sept dans le Pas-de-Calais, trente-cinq dans le Nord, deux dans la Somme). L’essentiel des effectifs se trouve dans le Nord et le Pas-de-Calais, puisque ce sont dans ces départements que l’association a œuvré à ses débuts. Aujourd’hui, notre objectif est que des exploitations de l’ex-Picardie nous rejoignent.
Les classes accueillies vont de la maternelle au lycée. Plus de trois mille visites sont réalisées par an dans le réseau de nos fermes pédagogiques, soit plus de 60 000 enfants accueillis chaque année.
Quels sont les critères pour devenir ferme pédagogique ?
Il faut être agriculteur et vivre de son métier. Pour candidater, il faut présenter une lettre de motivation. Un comité de pré-visite du Savoir Vert des agriculteurs se déplace à la ferme candidate pour s’assurer que les visites des scolaires sont possibles. Ensuite, si le candidat est retenu, il doit suivre une formation de neuf jours (répartis sur plusieurs mois). L’entrée dans le réseau est validé une fois la visite d’agrément effectuée. Enfin, dans le thème de la visite retenu par le candidat, il doit correspondre à ce qui se fait sur sa ferme.
Dans tous les cas, si le candidat n’a pas une fibre pédagogique, ce n’est pas grave. Notre association est là pour l’accompagner, le former et l’encadrer. La formation de neuf jours balaie large : les attentes de l’inspection académique, le projet, ce que sera le fil conducteur des visites dans la ferme, la création de supports et une formation sécurité pour l’accueil du public. Par ailleurs, contrairement à ce que beaucoup croient, il n’y a aucune obligation à avoir des animaux dans sa ferme pour pouvoir candidater. Enfin, c’est l’agriculteur qui détermine le nombre de visites qui seront faites sur son exploitation.
En savoir plus : www.savoirvert.fr
Contacts : fermespedagogiques@savoirvert.fr ou au 03 21 60 57 20