La filière lait face au défi de l’attractivité du métier d’éleveur
La France est un grand pays laitier, chiffres à l’appui. Néanmoins, le nombre d’exploitations laitières diminue progressivement, année après année. L’enjeu est de taille : comment attirer les nouvelles générations à exercer le métier d’éleveur laitier ?
Riche de terroirs différents, avec un climat tempéré propice à la prairie et aux cultures, la France est, par nature, un grand pays laitier. Les chiffres le prouvent : notre pays est, après l’Allemagne, le deuxième pays producteur de lait de vache, avec plus de 157 millions de tonnes de lait collectées en 2018.
Cette filière présente une dynamique non négligeable, puisque les éleveurs laitiers sont présents dans plus de 90 % des départements français. Leurs exploitations, qui comptent en moyenne soixante-trois vaches, sont pourvoyeuses d’emplois. Les activités des laiteries sont elles aussi ancrées en régions. Elles sont situées au plus près des producteurs de lait pour faciliter la collecte. En France, une douzaine de sociétés conditionnent du lait de consommation dans une trentaine de sites répartis dans tout le territoire.
Au total, la filière représente environ 24 000 emplois : 6 000 emplois directs et 18 000 emplois indirects. Chaque année, la collecte de lait est de plus en plus élevée : 22,6 milliards de litres avaient été collectés en 2000, en France, 22,7 milliards de litres l’ont été en 2010, et le chiffre a grimpé à 23,9 milliards de litres en 2018.
Et pourtant, le nombre d’éleveurs laitiers ne cesse de diminuer. 120 000 exploitations étaient recensées en 2000. Elles ne sont plus que 57 000 aujourd’hui. Le nombre de vaches laitières a aussi été considérablement réduit, avec 4,3 millions de têtes en 2000, contre 3,5 millions aujourd’hui. Leur rendement, lui, a explosé car, alors qu’une vache produisait en moyenne 5 400 kg par an, elle en produit aujourd’hui 6 800 kg. Quelles sont les causes de cette disparition progressive de l’élevage laitier ? Et que mettre en place pour tenter d’inverser la tendance ? Telles sont les questions que se pose la filière.
Difficile de parler de la filière laitière sans évoquer la fin des quotas laitiers en mars 2015 et la crise économique qui en a découlé. L’excédent sur le marché européen a provoqué une chute des prix, jusqu’à 260 €/1 000 l. Si bien que, pour la campagne 2016-2017, l’excédent brut d’exploitation (EBE) des exploitations laitières a atteint son niveau le plus bas depuis dix ans, à 130 €/ 1 000 l.
En six ans seulement, entre 2010 et 2016, 18 000 exploitations laitières ont mis la clé sous la porte, ou se sont reconverties vers d’autres productions.
Depuis, les prix du lait ont remonté (353 €/1 000 l au 30 avril 2019) et la loi Egalim semble avoir un impact positif pour le lait. Intermarché, Carrefour, U enseigne, Leclerc, Lidl… Les distributeurs multiplient les accords avec des acteurs de la filière pour revaloriser le prix versé aux producteurs. «Lorsque des accords affichent un prix à 370-375 €/1 000 litres, c’est un prix nettement meilleur que celui obtenu ces quatre dernières années», confie Dominique Chargé, président de Coop de France, à Agra Presse.
L’attractivité pour les coopératives
Mais ce prix, plus rémunérateur qu’à une époque, ne suffit pas à attirer les jeunes générations d’éleveurs laitiers. Une problématique sur laquelle les coopératives travaillent. «D’après une enquête que nous avons menée, 48 % de nos coopérateurs ont plus de cinquante ans. A nous de faire en sorte que la production puisse attirer les jeunes», annonce Jacques Quaeybeur, éleveur laitier à Clairfontaine (02), président de la coopérative Laitnaa.
Pour perdurer, le modèle coopératif doit aussi faciliter la transmission, d’où un travail particulier des coopératives laitières sur le sujet : développement de démarches innovantes d’accompagnement, indicateurs de suivi, guide de gouvernance, charte d’engagement signée avec Jeunes agriculteurs… Environ huit cents jeunes s’installent à travers les coopératives chaque année (soit 60 % des installations dans la filière laitière), pour une moyenne de 190 000 litres de lait et 160 millions de litres au total.
Néanmoins, la filière peine à recruter des salariés. Trois mille CDI sont proposés chaque année dans les coopératives laitières, mais 15 % des offres ne sont pas pourvues. Peut-être en raison de l’image «figée», «peu moderne» qu’elle conservent, témoigne Aurélie Bahon qui, avant d’être engagée en tant que responsable organisation industrielle à la Laiterie Verneuil, en Touraine, n’était pas attirée par ce secteur. A tort, estime-t-elle aujourd’hui, car «les coopératives sont vraiment des outils modernes, où tout évolue sans cesse».
Les éleveurs ont aussi bien conscience que leur métier séduit de moins en moins les jeunes. Certains tentent de faire évoluer leur système pour faciliter la transmission. «Les codes changent, et les jeunes expriment le besoin d’avoir des loisirs et des week-ends. Il faut adapter l’exploitation à cela, mais il faut aussi qu’elle soit viable économiquement et qu’elle permette de dégager un revenu», exposait dans L’Action agricole picarde du 28 décembre 2018 Jean-Marc Burette, éleveur à Fleurbaix (62), membre du réseau EuroDairy, qui travaille sur la notion de résilience. L’attractivité du métier est aujourd’hui la problématique n°1 de la filière…