La filière viande bovine s’engage sur les prix
A l’issue du blocage de 18 abattoirs pendant quatre jours, les éleveurs bovins
ont arraché une revalorisation progressive des prix, lors de la table ronde du 17 juin qui a réuni l’ensemble de la filière bovine, sous l’égide du ministre
de l’Agriculture.
La mobilisation syndicale a payé. Quatre jours après le blocage des abattoirs, la grande distribution et les industriels de la viande se sont engagés à revaloriser les prix aux producteurs. «Une revalorisation de 5 cts par kilo par semaine tant que les coûts de production ne seront pas couverts», a assuré Jean-Pierre Fleury, le président de la Fédération nationale bovine, à l’issue de la table ronde qui a réuni l’ensemble des familles professionnelles de la filière autour du ministre de l’Agriculture, le 17 juin, à Paris.
Cette avancée ayant été considérée comme satisfaisante par les quelques 4 000 éleveurs mobilisés sur les sites, les blocages des 18 abattoirs ont été levés dans la foulée.
Entre les coûts de production estimés à 4,50 €/kg et les prix de marchés à 3,70 €/kg, le retour à une situation «normale», prendra donc quelques semaines.
Interrogé à l’issue de la réunion, Gilles Gauthier, le nouveau président de la Fédération nationale des industries et du commerce en gros des viandes, a confirmé cet engagement. A condition bien entendu que les grandes surfaces jouent le jeu.
De même que Dominique Langlois, le président d’Interbev qui a lui aussi souligné que «les grandes surfaces se sont également prononcées pour la revalorisation». Tout en précisant que «les transformateurs étaient libres d’appliquer le niveau de hausse qu’ils souhaitaient», l’essentiel étant toutefois «que le dialogue soit renoué dans la filière».
Coop de France a également confirmé la répercussion des hausses des prix aux éleveurs. Quelques instants plus tôt, le président de la Fnsea, Xavier Beulin, avait jugé «cette réunion positive», se félicitant «du signal fort sur les prix» qui a été donné.
Allègement des cotisations MSA
Quant au ministre de l’Agriculture, il s’est félicité de cet accord et de l’engagement de la filière sur «une remontée progressive des cours des bovins». Il a également annoncé lors de la table-ronde un doublement de l’enveloppe MSA pour un allègement des cotisations MSA. Lors de la table ronde du 12 mai dernier, une première enveloppe de 3,5 millions d’euros avait été décidée pour le report ou l’effacement des cotisations MSA ainsi que 2 millions d’euros sur le fonds d’allègement des charges.
Enfin et pour soutenir l’exportation de bétail et viandes bovines, le ministre s’est engagé sur la création d’une plate-forme d’exportation, «pour coordonner et répondre aux appels d’offre». L’idée est d’associer pouvoirs publics et entreprises, notamment les PME, pour qu’elles puissent saisir les opportunités dès qu’elles se présentent. A l’image de ce qui se pratique dans de nombreux pays comme aux Etats-Unis, en Australie et en Irlande.
Côté filière, les grandes enseignes de la distribution ont promis d’étendre à l’ensemble des produits nationaux, le logo Viande de France qui donne la garantie au consommateur que la viande qu’il achète est issue d’animaux nés, élevés, abattus et transformés en France.
Sur le long terme, à la demande de la FNB, l’interprofession viande va ouvrir de nouveaux chantiers susceptibles de conforter le maillon amont dans la filière. Le premier sur le steak haché avec la création d’un indicateur, le steak haché représentant «50 % de la consommation de viande bovine», selon Jean-Pierre Fleury, le second sur l’amélioration de la qualité et la segmentation des marchés pour mieux valoriser les races à viande.
Egalement au menu de l’interprofession, l’amélioration du système des cotations de la filière bovine et l’encadrement des promotions.
Rendez-vous est pris «mi-juillet» pour «vérifier l’application des accords» a indiqué Stéphane Le Foll. En attendant, la FNB maintient la pression.
Quinze recommandations pour la viande bovine
Ala veille de la table ronde sur la filière bovine, le 17 juin, le ministère de l’Agriculture a publié sur son site web le rapport de la mission sur la situation de la filière française des bovins viande que Stéphane Le Foll avait confié à Yves Geoffroy et Michel Reffay, du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, début 2015.
Sans surprise, les auteurs soulignent que «le secteur de la viande spécialisée va mal» et que les revenus des éleveurs «se sont dégradés de -20 % à -40 % en 2014». Ceci étant, ils ne sont pas tendres sur le diagnostic reprochant au secteur d’être resté à une économie de cueillette, peu structurée et organisée, sans anticipation sur les marchés.
Ils observent que «le faible revenu des éleveurs de bovins à viande tient à une production de viande très segmentée (races, types, terroirs…) et soumise à une forte concurrence». Par exemple, la banalisation du produit (par le haché notamment) fait peu de cas des typologies amont. Sans parler des réformes laitières qui «viennent encore pénaliser la situation», la viande bovine d’origine laitière représentant pratiquement la moitié de la consommation de viande en France.
En outre, l’abandon des quotas laitiers va naturellement conduire à une alternance entre les phases de conservation de vaches laitières en production (capitalisation) et des phases de réduction du cheptel laitier (décapitalisation), qui ne sera pas sans incidence sur les cours des viandes bovines, estiment les auteurs.
Parmi les solutions proposées, les auteurs encouragent les professionnels à avoir «une attitude plus conquérante» sur le marché intérieur, en privilégiant l’origine française, à être plus offensifs à l’exportation,«pour établir de nouveaux marchés de maigres, de gras ou de viandes», notamment sur le pourtour méditerranéen.
La mission préconise également «des initiatives fortes pour se doter d’outils modernes de mise en production et de mise en marché (contractualisation, regroupement de l’offre…)».
Surtout les auteurs insistent en conclusion sur le fait que «l’essentiel des suggestions formulées s’inspire de la nécessité pour la filière de mieux organiser son dialogue interne et à se doter d’outils d’anticipation et d’accompagnement». Une évolution que les pouvoirs publics doivent encourager sans oublier d’alléger les difficultés des exploitants en situation précaire.