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La FNB exhorte la filière bovine à s'organiser

Lors du congrès de la FNB (éleveurs bovins) les 5 et 6 février à Anse (Rhône), un consensus a émergé autour du projet de structuration porté par le syndicat. D'abord centré sur le Label rouge, ce projet d'AOP vise à regrouper l'offre pour gagner de la valeur. Un chantier titanesque pour une filière minée par la concurrence entre metteurs en marché.

L'AOP serait-elle la dernière chance de la filière bovine ?Oui, à en croire Didier Guillaume.
L'AOP serait-elle la dernière chance de la filière bovine ?Oui, à en croire Didier Guillaume.
© J.-C. Gutner

«Changer de logiciel», et vite. Tel était le mot d'ordre martelé lors du congrès de la FNB (éleveurs de bovins viande), les 5 et 6 février à Anse, dans le Rhône. La branche bovine de la FNSEA s'est lancée dans un projet ambitieux : structurer la filière autour d'une association d'organisations de producteurs (AOP). Le but ? Aller chercher de la valeur en organisant l'offre en amont. Un chantier titanesque dans une filière bovine en proie au marasme économique et réputée pour son manque d'organisation. Pourtant, lors du congrès, les discussions - parfois «viriles» - ont fait émerger un consensus. L'initiative de la FNB a ainsi reçu le soutien de Didier Guillaume. Le ministre de l'Agriculture était venu clore les travaux en s'engageant à «organiser une réunion au ministère sur ce sujet après le Salon». L'AOP «est une solution simple qui peut générer de la valeur et qui a le mérite de fédérer et de mutualiser les moyens», a défendu Bruno Dufayet, président de la FNB.  Autre argument largement répété : l'AOP se superposerait aux structures existantes, sans les supprimer. Par exemple, la fédération Elvéa (créée par la FNB et regroupant une trentaine d'OP non commerciales) joue en partie un rôle similaire. «Nos adhérents vont se positionner pour créer une AOP», a d'ailleurs indiqué son président Philippe Auger lors du congrès. Et de préciser : «Si par la suite il y a deux AOP, nous pourrons discuter.»

«L'AOP va vendre du contrat»
Dans un premier temps, l'AOP voulue par la FNB pourrait «regrouper tous les opérateurs qui font du Label rouge», explique Emmanuel Bernard, vice-président de la FNB. L'interprofession a misé gros sur ce segment de marché en fixant dans son plan de filière l'objectif de 40 % de la production sous label en 2023 (contre 3 % en 2017). La contractualisation y a été récemment rendue obligatoire (accord interprofessionnel du 22 mai 2019, étendu le 10 décembre). Concrètement, «l'AOP va vendre du contrat, résume Emmanuel Bernard. Les OP feront l'inventaire et l'AOP permettra de discuter calendrier, planification.» Ce regroupement de l'offre vise notamment à freiner la concurrence interne qui mine la filière depuis des années. «Les relations sont terribles», résume Emmanuel Bernard. Egalim ou pas, 2020 ne fait pas exception à la règle : «Une grosse coopérative de l'Ouest a baissé ses tarifs de 80 centimes le kilo pour remporter un marché face à une autre OP, déplore un responsable professionnel. Pourtant, le distributeur, Carrefour, n'avait rien demandé !» Un contexte qui explique pourquoi la coopération - bien que favorable au projet d'AOP - a été particulièrement chahutée par les éleveurs présents à Anse... Quoi qu'il en soit, les coopératives seront un acteur incontournable de la future AOP, car «elles font 70 % des volumes de Label rouge au niveau national», rappelle Bruno Colin, président du pôle animal de la Coopération agricole (ex-Coop de France).

Les metteurs de marché se regardent en chiens de faïence
Pour s'imposer, l'AOP va sûrement devoir franchir une barrière que les OP n'arrivent pas à franchir jusqu'ici : la formalisation des relations commerciales avec l'aval. «Demain, j'enverrai une note à nos adhérents pour qu'ils proposent des contrats tenant compte des coûts de production et qu'ils envoient une proposition à leurs clients», a lancé le représentant des coopératives dans une tentative d'apaiser une salle remontée. Alors qu'il reste moins d'un mois pour boucler les négociations commerciales, aucune proposition de vente n'aurait été envoyée aux acheteurs en filière bovine. Une étape pourtant indispensable à l'activation de la clause de prix abusivement bas, prévue par la loi Egalim. Les acteurs rencontrés au congrès décrivent des metteurs en marché qui se regardent en chiens de faïence, personne n'osant dégainer le premier. Le même risque pèse sur le projet d'AOP. «Certaines OP de petite taille ne se sentent pas assez solides et ont peur de subir la pression de la concurrence, explique Bruno Dufayet. Et quelle que soit leur taille, elles ont peur d'être seules, de prendre le risque d'être la première. » «La FNB saura les accompagner», rassure-t-il.
Le consensus autour du projet de la FNB semble reposer sur un constat partagé: il y a urgence, car la filière bovine est au bord du gouffre. «En 2018, le revenu moyen des éleveurs était de 13 800 E par an, rappelle M. Dufayet. Et pour 2019, il est encore attendu en baisse de 20 %.» Sur cette somme, les aides couplées de la Pac représentent 8 000 E, symptôme d'une filière sous «perfusion», alerte Aurélien Clavel, vice-président des Jeunes agriculteurs (JA). Prix au ras des pâquerettes et sécheresses à répétition ont provoqué une décapitalisation historique: le cheptel allaitant a perdu 183 000 têtes entre 2016 et 2019, selon l'Idele.

Dernière chance pour la filière viande bovine ?
«Tout peut s'écrouler comme un château de cartes», prévient l'ancien président de la FNB, Jean-Pierre Fleury. Pour cet éleveur nivernais, la filière est dans la même situation que «la viticulture il y a trente ans» : «Le volume, c'est fini.» Des craintes naissent sur l'approvisionnement des abattoirs et sur le développement des importations, qui occuperaient la place laissée vacante par la viande française. Et le principal opérateur du marché lui-même y aurait intérêt : «Bigard a besoin de maintenir des élevages autour de ses abattoirs, car ils ne seraient pas compétitifs en fonctionnant avec des animaux importés vifs», explique Guillaume Gauthier, secrétaire général adjoint de la FNB. «Je ne vois pas pourquoi on s'opposerait au projet d'AOP, a d'ailleurs réagi Dominique Guineheux, représentant de Bigard au congrès. Nous n'avons pas à nous immiscer sur le dossier amont.» L'AOP serait-elle la dernière chance de la filière bovine ? Oui, à en croire Didier Guillaume, qui ne rate pas une occasion d'exhorter la profession à s'organiser : «Si nous bougeons pas, on va dans le mur.»


Vers une prolongation du relèvement du SRP et de l'encadrement des promotions


Mesure phare de la Loi Egalim, l'expérimentation de deux ans du relèvement du seuil de revente à perte (SRP) et de l'encadrement des promotions tant en volume qu'en valeur, doit se terminer en décembre 2020. Mais «la durée de deux ans est insuffisante pour observer l'impact sur le revenu des agriculteurs», assure le gouvernement dans l'étude d'impact du projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique (PJL Asap). Aussi, le gouvernement, dans l'article 44 du texte se donne-t-il la possibilité de prolonger, par voie d'ordonnance et pour une durée maximale de trente mois, les mesures relatives au relèvement du SRP et l'encadrement des promotions prévues par la loi Egalim. Cette habilitation prévoit également la possibilité «d'aménager ces dispositions dans l'objectif de rétablir des conditions de négociation plus favorables pour les fournisseurs, d'assurer le développement des produits dont la rentabilité est trop faible, et (d'améliorer) l'équilibre dans les filières alimentaires». En effet, le gouvernement relève que des PME «pour lesquelles la promotion, sous la forme d'annonces de réduction de prix, demeure un vecteur de commercialisation important» ont pu constater des «effets négatifs» sur leurs chiffres d'affaires. La filière foie gras, qui accuse une baisse de 10 % de ses ventes en volume en 2019, assure avoir été touchée de plein fouet par l'encadrement des promotions. Elle demande, dans un communiqué du 10 février, «des décisions immédiates» pour mettre fin à «la limitation à 25 % des volumes vendus sous promotion». Plus généralement, de nombreux acteurs des filières de produits festifs et saisonniers - qui ne sont pas mentionnés dans l'étude d'impact - demandent régulièrement la levée de l'encadrement en volume des promotions. Le PJL sera discuté au Sénat en séance publique le 3 mars.

Négociations commerciales : le gouvernement sanctionne et maintient la pression

La DGCCRF a annoncé le 11 février, sanctionner trois distributeurs pour non-respect de la «règle fixant la date butoir au 1er mars pour la signature des conventions annuelles» lors des négociations commerciales 2019. «Le respect du formalisme des négociations commerciales [...] est nécessaire pour garantir la transparence et l'équilibre des relations commerciales entre les distributeurs et leurs fournisseurs. Le fait de ne pas avoir signé la convention dans les délais impartis est susceptible de renforcer le rapport de force en faveur du distributeur», justifie la Répression des fraudes qui assure maintenir ses contrôles pour les négociations commerciales en cours. Les enseignes concernées sont Carrefour (sanctionné à hauteur de 2,90 MEUR pour 157 manquements à son obligation de signature des conventions conclues avec ses fournisseurs au plus tard le 1er mars de l'année de leur application), Système U (1,10 MEUR pour 140 manquements) et Intermarché (211 000 EUR pour 30 manquements). Ces montants sont proportionnés au nombre et à l'importance des retards, ainsi qu'au chiffre d'affaires prévisionnel concerné. «Une procédure de sanction fondée sur des manquements similaires a par ailleurs été initiée pour une autre enseigne», assurent également Didier Guillaume, ministre de l'Agriculture et Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Économie le 12 février, suite à la réunion du comité de suivi des négociations commerciales. Au cours de cette réunion, les ministres ont souligné une série d'améliorations lors des négociations commerciales actuelles : un climat plus apaisé, des évolutions positives en lait, porc et viande bovine, l'augmentation du taux de signature, ou encore le traitement différencié des PME. Mais ils assurent rester «vigilants» aux demandes et pratiques des distributeurs. Les contrôles de la DGCCRF et la menace de sanctions assorties d'un name and shame restant leurs moyens de pression pour «veiller à ce que toutes les dispositions relatives à l'encadrement des négociations commerciales soient respectées».

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