La HVE à l’aube de la «massification»
Le nombre d’exploitations certifiées Haute valeur environnementale (HVE) pourrait grimper en flèche dans les prochaines années. Pour accélérer
le décollage, le cabinet Deloitte Développement durable plaide pour un «plan de communication massif»,
de 5 à 10 millions d’euros sur cinq ans.
La Haute valeur environnementale (HVE) est «à un point de bascule», a expliqué Didier Livio, associé au cabinet Deloitte Développement durable, lors des premières rencontres nationales de la HVE, à Paris, le 13 février. «Nous vivons aujourd’hui le démarrage de la massification. Parmi nos dix grands clients (dans le secteur agricole et agroalimentaire, ndlr), tous ont un objectif d’approvisionnement à 100 % en HVE à l’horizon 2023. C’est inscrit !» Pour accélérer ce développement, le cabinet plaide pour un « plan de communication massif de 5 à 10 M€ par an, pendant cinq ans », qui serait financé sur fonds d’État, européens et privés.
Comme la bio, la HVE est un label public ; il correspond au troisième niveau de la certification environnementale, créé par la loi Grenelle II (2010), à la demande de FNE, la fédération d’associations écologistes. Seul ce 3e niveau est associé à un logo affichable sur les produits. À l’inverse de la bio, la HVE est basée sur des obligations de résultats, et non de moyens. Son développement reste encore confidentiel, et concentré en viticulture : il concerne aujourd’hui environ 1 500 exploitations, dont 90 % viticoles, «sans doute par l’importance du circuit court», explique François Champanhet.
Derrière le faible nombre de «pionniers» certifiés HVE, 12 000 exploitations sont aujourd’hui au niveau 2 de la certification. Une véritable armée de réserve pour la HVE. «Le nombre d’exploitations HVE double chaque année. Si nous continuons à ce rythme, nous atteindrons 50 000 exploitations en 2024», calcule François Champanhet, le président de la commission nationale de la certification environnementale (CNCE), pour le ministère de l’Agriculture.
Une alternative à la multiplication des cahiers des charges
Pour les intervenants, la HVE peut devenir un segment aussi important que la bio, et représenter à terme un tiers du marché alimentaire. En tous les cas, bio et HVE sont complémentaires dans leurs stratégies. Pour preuve, l’expérience des Vignerons indépendants qui font office de pionniers de la démarche : «Nous avions 27 % de vignerons en bio, nous savions que nous n’irions pas plus loin, retrace leur directeur général Jean-Jacques Jarjanette. Nous avons donc lancé une autre démarche, privée et donc peu connue. Nous nous sommes donc engagés dans la HVE ; l’idée était pour nous d’avoir à terme un label de notoriété égale à la bio.»
D’autres filières que la viticulture, s’y intéressent, énumère François Champanhet : les grandes cultures, l’arboriculture, l’horticulture et la polyculture élevage. Par exemple, la filière noisette française compte aujourd’hui quatre exploitations certifiées HVE, sur 450, et la moitié d’entre eux en niveau 2. Elle s’est fixé un objectif d’une quinzaine d’agriculteurs d’ici 2020, et de 80 % des surfaces d’ici 2030. «La HVE est l’occasion de mesurer ce que l’on fait, a témoigné Jean-Pierre Reigne, président de l’Association nationale des producteurs de noisettes. Une douzaine d’exploitations ont été récemment auditées pour savoir si elles pouvaient passer en HVE : sept sont certifiables dès aujourd’hui.»
Des demandes des distributeurs
Pour ces filières, la HVE a l’avantage de fédérer un ensemble des démarches environnementales mal coordonnées, de plus en plus nombreuses, et souvent en déficit de notoriété. «Nous avons de plus en plus de demandes de distributeurs. La HVE permettra, nous l’espérons, d’avoir une réponse unique, et d’éviter la multiplication des cahiers des charges», a témoigné un représentant de l’association nationale Tomates et concombres. Pour les industries de l’aval qui misent sur la HVE, la présence d’un logo public paraît cruciale : «Il n’y a qu’une chose qui m’intéresse, c’est le logo HVE», affirme sans ambages le patron d’AgroMousquetaires, Christophe Bonno. «Pour moi les deux étapes précédentes, ce sont des audits à blanc.»
Un cahier des charges «trop strict»
À l’occasion de ces premières journées de la HVE, Didier Marteau, élu en charge des questions d’environnement à l’APCA (chambres d’agriculture) a exprimé ses réserves concernant le niveau, selon lui, trop élevé requis par la HVE, qui freinerait son développement : «La HVE est trop élevée, il faut se poser la question de son accessibilité». Hors de question, ont répondu les parties prenantes présentes : «Cette question, on se la posait également dans la bio il y a 5 ou 6 ans. Aujourd’hui personne ne se la pose plus», a rétorqué le patron d’AgroMousquetaires, Christophe Bonno. Même son de cloche pour FNE, pour qui «reculer signifierait perdre le soutien de la société civile». Le représentant des Vignerons indépendants concède que son réseau a jusqu’ici «trouvé le temps long», étant donné le faible développement de la notoriété de la HVE, mais il veut voir le verre à moitié plein : «Il y a une dynamique exponentielle».