La pomme de terre s’invite au repas des bovins
Comme en 2011, 2014, 2017 et maintenant 2020 la surproduction de pommes de terre ou plutôt la
déstructuration du marché donne des disponibilités
importantes de tubercules qui sont dirigées vers quelques méthaniseurs, mais surtout vers l’alimentation animale.
Intégrer la pomme de terre dans la ration d’un animal destiné à l’engraissement, c’est d’abord lui apporter de l’énergie. La pomme de terre contient en effet 70 % d’amidon, ce qui explique sa richesse en énergie. Cette particularité en fait un aliment d’exception pour l’engraissement en accélérant les croissances. De plus, cet amidon se dégrade lentement, ce qui permet une bonne assimilation. Riche en potassium comme toutes les racines (betteraves et endives), il faut veiller à compenser cela avec un apport de sel de l’ordre de 40 g par tête. Elle est aussi riche en fer, en iode et en vitamine C. Compte tenu que la pomme de terre est laxative, il faudra néanmoins compenser par un apport de fibres dans la ration et augmenter le paillage.
En engraissement, une valorisation facile
L’association pulpe surpressée –pommes de terre est parfaite puisque la pulpe, même si elle est riche en énergie, est totalement démunie d’amidon. Dans ce cas, les pommes de terre permettent d’améliorer la qualité de la ration et de gagner en croissance. Avec le maïs ensilage déjà riche en amidon (30 %), l’apport de pommes de terre contribue à augmenter encore cette concentration. Les recommandations de l’Inra conseillent de ne pas dépasser les 40 % d’amidon. Plus on dépasse ce seuil, plus l’acidose s’installera facilement si l’apport de fibres et l’équilibre azote soluble et azote fermentescible ne sont pas respectés.
Pour les vaches allaitantes, avec modération
Même si les vaches allaitantes sont actuellement à l’herbage, la pomme de terre est aussi appréciée des vaches allaitantes... à condition de limiter son apport. Au stade lactation, les vaches ont tendance à maigrir, mais la pomme de terre aide les animaux à garder de l’état. Le maïs ou la pulpe surpressée sont des aliments riches pour des vaches allaitantes ; il est donc indispensable d’en limiter la distribution, a fortiori encore un peu plus avec l’ajout de pomme de terre.
L’ensilage de pommes de terre
Les pommes de terre peuvent être ensilées en lits alternés de 10 à 15 cm avec un fourrage humide (ensilage d’herbe, drêches de brasserie, cultures dérobées, pulpes surpressées ou maïs fourrage). Il est important de bien tasser le mélange, d’assurer un bon contact entre pommes de terre et fourrage. L’emploi d’un conservateur n’est alors pas nécessaire. Le mètre cube de pomme de terre pèse 650 à 700 kg. Le processus de fermentation avec échauffement du silo aura pour effet de «confire» plus ou moins la pomme de terre au sein du fourrage. Comme les pommes de terre ne subissent pas de fermentation lactique, ce sera le fourrage avoisinant qui acidifiera le milieu. 30 % de pommes de terre dans le mélange est un bon compromis, mais on peut aller jusqu’à 50 % sur des ensilages conséquents. La présence de terre sera source de fermentation butyrique et de mauvaise conservation si elle est en excès.
Quelques points à maîtriser
- Qualité des tubercules : le verdissement et les germes ne posent pas de problème en petite quantité mélangée à l’ensemble de la ration. Cependant, le verdissement correspond à la présence d’alcaloïdes toxiques pour les animaux.
- Les étranglements : à quoi bon diminuer le coût alimentaire si les pertes d’animaux augmentent ? C’est bien l’un des freins importants à l’utilisation des pommes de terre crues. Ce risque est minimisé en plaçant les pommes de terre au pied des animaux. Le danger, c’est la fausse route qui peut arriver lorsque l’animal relève la tête en mangeant, d’où l’utilité d’une barre au garrot ou le blocage au cornadis. Il est préférable aussi que tous les animaux aient une place à l’auge. Ils sont très friands et trient la ration pour manger les tubercules en priorité. Pour une sécurité maximum, il est préférable de distribuer cet aliment broyé.
- Les transitions alimentaires : les ateliers d’engraissement sont la cible principale pour écouler les pommes de terre invendues. Néanmoins, un changement alimentaire est souvent synonyme de baisse de croissance parce que la transition alimentaire n’est pas respectée. Il faut trois semaines pour habituer les animaux c’est-à-dire créer la flore intestinale adéquate à la digestion. Il faut donc s’assurer d’une régularité de l’approvisionnement en frais et augmenter de 3 à 5 kg par animal et par semaine la quantité.
- L’acidose : avec 70 % d’amidon, c’est de la «dynamite». Assurez-vous que vos animaux ruminent, observez l’état des bouses et de l’agitation du troupeau. S’il y a problème, il faudra diminuer les quantités apportées et revoir l’apport de paille dans la ration. Si le problème persiste, réétudiez l’équilibre de la ration avec votre technicien.
Quel intérêt économique ?
Parce que l’élimination des pommes de terre est coûteuse et polluante, la destination en alimentation animale est intéressante pour celui qui en est encombré. Parce que la marchandise est propre et saine, l’éleveur peut y trouver un intérêt. Les stocks alimentaires sont prévus jusqu’à la prochaine récolte de maïs ensilage ou de livraison des pulpes. La faible teneur en matière sèche (20 %) de la pomme de terre réduit la valeur alimentaire et augmente le coût de transport. Au-delà de 20 €/t rendu on dépasse les 100 €/t de matière sèche ce qui correspond au prix de la pulpe surpressée. Si tout repose sur l’offre et la demande, le prix de la pomme de terre ne peut pas s’imposer en force.
L’utilisation des pommes de terre en élevage laitier
La pomme de terre contient environ 20 % de matière sèche. C’est un produit appétant qui peut trouver sa place dans les rations de vaches laitières en manque d’énergie. Avec 1,20 UFL et un amidon plutôt lent, elle s’intègre aussi bien dans les rations à base d’ensilage d’herbe ou de maïs. On ne dépassera pas 10 kg/vache/jours, car la pomme de terre est assez laxative de par sa richesse en eau et sa teneur en potassium. On veillera tout de même à ne pas dépasser 25 % d’amidon total dans la ration. Elle peut être distribuée telle quelle dans la ration. Il faut stocker les pommes de terre dans un endroit frais, idéalement sur une dalle béton et à l’abri de la lumière. Le paillage du tas sera préféré à la bâche en plastique qui ferait pourrir les tubercules. La pomme de terre peut être ensilée en sandwich dans de l’ensilage de maïs ou d’herbe. Elle va alors cuire pendant la fermentation de l’ensilage. Dans ce cas, on utilisera des pommes de terres lavées pour éviter les fermentations butyriques dans le silo. Pour être intéressante économiquement, il ne faut pas que la pomme de terre dépasse 100 €/tonne de MS, soit 20 € la tonne brute rendu élevage.
Anthony Chemin