L’abattoir de Forges, outil tant attendu des éleveurs locaux
Après des années de bataille judiciaire avec la société Bigard, ancienne occupante des lieux, et des travaux conséquents, l’abattoir de Forges-les-Eaux (76) s’apprête à rouvrir. Une nouvelle opportunité pour
les éleveurs locaux qui misent sur le circuit court.
Après des années de bataille judiciaire avec la société Bigard, ancienne occupante des lieux, et des travaux conséquents, l’abattoir de Forges-les-Eaux (76) s’apprête à rouvrir. Une nouvelle opportunité pour
les éleveurs locaux qui misent sur le circuit court.
Jean-Marie Herment ne sera soulagé que quand le premier animal sera abattu. Mais sa fierté est déjà lisible. «Enfin ! C’était une honte de laisser un si beau site fermé», scande le président. L’histoire de l’abattoir de Forges-les-Eaux, en Seine-Maritime, s’est arrêtée en 2011, suite au départ de l’entreprise Bigard. «Nous, les éleveurs, nous sommes tout de suite mobilisés pour reprendre l’activité. L’ancien maire, Michel Lejeune, vétérinaire de métier, m’a alors confié le dossier. Voilà dix ans que je me bats pour cela, dont six ans de procédure judiciaire avec Bigard, qui ne voulait pas rendre les clés», raconte l’éleveur dans l’âme, aussi ex-directeur du marché aux bestiaux de la ville. Un lourd dossier ICPE (Installations classées protection de l’environnement), de laborieuses démarches administratives, une enquête publique, et une pandémie de Covid plus tard, l’heure est enfin aux derniers coups de vis. L’ouverture est prévue ce mois d’avril.
L’abattoir se dit un outil «par et pour les éleveurs». Il se démarque notamment des géants agroindustriels par sa forme juridique : une Sic (Société d’intérêt collectif), sous le nom Coopérative d’abattage du pays de Bray. «Ce statut nous était cher. La Sic est un modèle assez fréquent pour les abattoirs de ce calibre, et cela tourne bien», assure Jean-Marie Herment. Le fonctionnement consiste en une prestation de service. La part sociale est fixée à 150 €/t abattue. 73 % des profits seront réinvestis dans l’outil de travail, le reste sera redistribué aux détenteurs de parts sociales. Au total, 3 M€ ont été déboursés pour réaliser ces travaux. «Quand on a sollicité la banque, au début, c’était niet. Et puis un prêt de 250 000 € à taux zéro de la Région Normandie a permis de débloquer le dossier.»
2 500 t par an
Le résultat est à la hauteur des espérances. Une chaîne d’abattage de porcs et une autre pour les ovins toutes neuves ont été installées. La chaîne bovin, elle, a été révisée. «Elle servira surtout aux éleveurs qui font de la vente directe et aux bouchers, qui veulent de plus en plus acheter des carcasses entières.» Les réfrigérateurs ont bénéficié d’un coup de neuf. Un nouveau groupe froid a aussi été installé. «Il nous restera à équiper l’atelier de découpe. Nous déposerons son agrément fin avril, pour une mise en service prévue au début de l’été.»
L’abattoir est pourvu d’un agrément de 7 800 t par an, mais se limitera à 2 500 t (65 % de porcs, 30 % de bovins et 5 % d’ovins). «La station d’épuration n’est plus viable, et elle est requise au-delà de ce volume.» Des prochaines aides, peut-être de la Région Hauts-de-France, pourraient permettre les travaux nécessaires à cette station d’épuration à l’avenir. Le président prévient : «il y a de place, mais on va vite monter en volume. Cent-vingt à cent-trente éleveurs ont manifesté leur intérêt.»
Bien-être et circuit court
Pour l’heure, une quinzaine de salariés s’activeront. Les effectifs devraient monter à vingt lors de la mise en route de la découpe. «Nous n’avons pas eu de mal à recruter. Plusieurs personnes travaillaient dans cet abattoir avant qu’il ne ferme. D’autres sont des professionnels du milieu, et nous ont rejoint parce qu’ils trouvent ici de bonnes conditions de travail.» Le respect des Hommes va en général de pair avec celui des animaux.
Ce bien-être animal est d’ailleurs au cœur des préoccupations. «En 2011, déjà, on sentait une pression sur ce sujet. On a donc souhaité équiper le site de treize caméras, installées du débarquement à la caisse d’abattage en passant par la bouverie.» Qui dit abattoir de proximité dit aussi moins de transport pour les animaux, donc un confort amélioré et, en prime, une réduction de charges pour l’éleveur et d’émission de CO2. «On n’a pas attendu la Covid pour parler de circuits courts. Et on ne s’est pas trompé, les gens veulent savoir ce qu’ils mangent. Ici, la traçabilité est parfaite.»
Contact : 02 77 70 70 77 ; abattoirsforges76@gmail.com
Premiers coups de pelle à Gauchy (02)
Il n’y a pas que des mauvaises nouvelles pour les abattoirs des Hauts-de-France. Dans l’Aisne, celui de Gauchy, qui doit remplacer l’outil vétuste du Nouvion, est sur la bonne voie pour une ouverture début 2023. Pour rappel, après des années compliquées, l’abattoir du Nouvion renaissait en 2013 sous la forme d’une Scop, grâce à la persévérance de ses salariés. Moins de dix ans plus tard, trente personnes y débitent du cochon à tour de bras, mais les bâtiments s’usent et le site nécessite une station d’épuration. Après de longues discussions, décision est prise de reconstruire à Gauchy, près de Saint-Quentin. «Les travaux de terrassement ont débuté en février. Début 2023, la chaîne porcs, calibrée pour 16 000 t par an, devrait être opérationnelle», assure Arnaud Laplace, président de la Scop Abattoir de l’Aisne. Quelques porcelets y seront aussi abattus.
10 M€ ont été nécessaires pour un tel projet, réalisable grâce à plusieurs coups de pouces publics, comme une subvention d’un montant de 1,3 million d’euros de la Région Hauts-de-France, et une aide du même montant de l’État, dans le cadre du plan France Relance.