Lactalis assure que la crise ne nuira pas aux éleveurs
Les producteurs, dont la responsabilité a été écartée, ne paieront pas la facture de la crise sanitaire.
L’affaire Lactalis n’a de cesse de faire la Une des médias depuis décembre dernier, à la suite de la présence de salmonellose détectée dans des laits infantiles, produits dans l’usine de Craon, du groupe Lactalis, en Mayenne. Trente-sept bébés ont été victimes de salmonellose, à ce jour, dans dix régions de France.
De douze lots de laits infantiles retirés de la vente, le 3 décembre dernier, ce sont aujourd’hui plus de 12 millions de boîtes de laits infantiles qui seront sorties du circuit dans les prochains jours, et ce, dans pas moins de 83 pays. Les distributeurs n’auront pas à trier entre lots soupçonnés de contenir de la salmonellose ou non. «Ils savent qu’il faut tout retirer des rayons», indiquait Emmanuel Besnier, le patron du numéro un mondial des groupes laitiers, dans une interview accordée au Journal du Dimanche, le 14 janvier.
La crise n’est pas limitée au marché français. Le 12 janvier, un cas de salmonellose a été détecté en Espagne. Un autre est suspecté en Grèce. D’autres cas risquent de se déclarer dans les jours suivants. En France, les tensions montent après les déclarations de plusieurs leaders de la grande distribution (Leclerc, Carrefour, Système U, Auchan, Cora et Casino), reconnaissant avoir vendu des produits infantiles, normalement interdits à la commercialisation depuis décembre.
Si l’image de qualité de l’agro-alimentaire français à l’étranger, comme dans l’hexagone, risque d’être sérieusement ternie par cette affaire, et le chômage technique des 250 salariés de l’usine de Craon, à l’arrêt depuis le 8 décembre, a toutes les chances de prolonger, les producteurs laitiers craignent, eux, d’être aussi des victimes collatérales.
Les syndicats exigent des garanties
S’inquiétant que les producteurs laitiers ne soient éclaboussés par le scandale, les présidents de la FNSEA, des JA et de la FNPL ont demandé à être reçus par le directeur général de Lactalis. Ce fut chose faite le 15 janvier. Au cours de leur rencontre, Emmanuel Besnier a assuré à la présidente de la FNSEA, Christiane Lambert, que la crise de la salmonellose n’aurait pas de conséquences sur les éleveurs en contrat avec le géant laitier. «Lors de notre réunion de travail avec le PDG de Lactalis, celui-ci nous a garanti que les éleveurs n’étaient pas responsables dans cette affaire. Nous avons aussi obtenu de sa part trois engagements importants pour les producteurs», a-t-elle déclaré, le 16 janvier, lors d’un déplacement au Sival, au lendemain de son rendez-vous avec Emmanuel Besnier.
Le premier engagement est que le PDG a assuré que la responsabilité des 600 producteurs livreurs de Lactalis n’était pas engagée. «Ce qui s’est produit n’est pas un problème dans l’élevage ou la livraison du lait. C’est un accident industriel dans l’entreprise», rapporte Christiane Lambert. Les producteurs sont donc mis hors de cause dans la contamination.
Second engagement : le maintien de la collecte de lait, en dépit de l’arrêt temporaire du site de Craon, et ce, quelle que soit la longueur de la crise, avant la remise en route de l’usine, le lait allant vers d’autres sites de transformation.
Troisième et dernier engagement : cet accident n’aurait pas d’incidence sur les prix payés aux 10 000 producteurs de Lactalis. Sujet d’inquiétude s’il en est pour ces derniers qui, durant l’été 2016, avaient engagé un bras de fer contre Lactalis pour réussir à faire remonter les prix d’achat du lait jugés trop bas. Enfin, les syndicats ont également eu la confirmation que «l’expertise et le nettoyage» de l’usine sont en cours, et que le groupe Lactalis a des «projets de travaux de modernisation et de rationalisation» pour que l’usine de Craon «reparte en transformation», a assuré la présidente de la FNSEA.
Pour les trois organisations syndicales, l’acceptation de ce dialogue franc et direct est le signe de la volonté d’Emmanuel Besnier de «rompre avec la culture du secret», qui colle aux basques du géant laitier. Une fois cela dit, les syndicats comptent bien rester en état de vigilance par rapport aux engagements pris le 15 janvier par l’industriel. Christiane Lambert a également affirmé que des rencontres se feront régulièrement avec les dirigeants de Lactalis pour suivre l’évolution de la crise. Autre round : la rencontre, ce mardi 16 janvier, avec le ministre de l’Agriculture, Stéphane Travert, pour faire le point sur cette crise et les conséquences sur le secteur.
Les propositions du gouvernement
Les entreprises auront désormais l’obligation de transmettre aux services de l’Etat le résultat des contrôles défavorables, «dès lors qu’ils peuvent avoir des conséquences sur la santé publique», a fait savoir le ministre de l’Agriculture. Les laboratoires seront également obligés de transmettre aux services de l’Etat les résultats défavorables portant sur les produits, et une assise légale sera par ailleurs donnée à la création de plates-formes de surveillance pour les denrées alimentaires. En outre, Stéphane Travert a annoncé un «plan de contrôle spécifique», mis en œuvre sous trois mois, sur la chaîne de production et les plans de maîtrise des risques des produits laitiers en poudre à destination des enfants. Le ministère va travailler avec l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) pour définir les critères scientifiques retenus, et plancher sur le mode de changement de ce cadre juridique : mesures réglementaires ou inscription de ces mesures dans une loi.
Enfin, un retour d’expérience sera demandé au Conseil national de l’alimentation, et l’ensemble des travaux seront intégrés dans la feuille de route des Etats généraux de l’alimentation. «J’en ai appelé à la responsabilité des acteurs de la filière laitière afin qu’ils enrichissent le volet sanitaire du plan de filière lait», a conclu le ministre.
«Il faut redoubler de vigilance et être encore plus performants», a commenté, de son côté, Thierry Roquefeuil, président de la Fédération nationale des producteurs de lait, présent à la réunion. Ce qui ne suscite, selon lui, «aucune réticence» de la part des professionnels. «Tout le monde travaille pour cette supériorité des produits laitiers», a-t-il ajouté, précisant que ces mesures constituaient «des contraintes supplémentaires, mais dans l’intérêt du consommateur».