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Laurent Degenne, président de la FRSEA, explique les raisons de l’appel à mobilisation

Après le vote de la loi issu des Etats généraux de l’alimentation, à l’Assemblée nationale, le 30 mai, qu’en pense la FNSEA et pourquoi appelle-t-elle à la mobilisation ? Eléments de réponse avec Laurent Degenne, président de la FRSEA Hauts-de-France et membre du CA de la FNSEA.

Laurent Degenne, président de la FRSEA Hauts-de-France :  «Pour faire une image footballistique, Macron veut qu’on soit des clubs locaux alors que nous on veut jouer en D1, et même à l’international.»
Laurent Degenne, président de la FRSEA Hauts-de-France : «Pour faire une image footballistique, Macron veut qu’on soit des clubs locaux alors que nous on veut jouer en D1, et même à l’international.»
© F. G.


Quelle a été l’implication de la FNSEA dans les Etats généraux de l’alimentation ?

La FNSEA a eu une entière implication dans les états généraux, et ce, jusqu’au bout. Elle s’est battue pour que soit intégrée la problématique de l’agriculture alors qu’au départ les états généraux ne concernaient que l’alimentation. Ensuite, en tant que premier syndicat des agriculteurs, on ne pouvait pas ne pas être autour de la table, car on se devait d’impulser notre vision de l’agriculture. Au cours de ces états généraux, on a fait prendre conscience aux consommateurs de la dégradation des prix payés aux producteurs en raison d’un système commercial très déséquilibré, ne rendant pas justice à notre travail de production. Même la grande distribution l’a reconnue, avouant que le pourcentage pris sur l’alimentation était bien plus élevé que sur les autres produits qu’elle vend, notamment l’électroménager ou les cosmétiques.

La loi finalement votée comprend-elle des avancées pour l’agriculture ?
Cette loi avance, en effet, dans le bon sens, tout d’abord sur la construction du prix. La loi a eu le mérite de révéler au grand jour un secteur de la production en grande souffrance. Nous sommes capables de produire et d’être compétitifs. Il y a des marges de manœuvre possibles pour rétablir l’équilibre dans les négociations commerciales, mais le problème est la répartition de la valeur. On a donc demandé la construction du prix à partir du coût de production, et que cela soit fait à partir des organisations de producteurs (OP). Une fois cela dit, ce n’est pas parce que l’amendement sur la construction du prix a été adopté, que les agriculteurs vont retrouver du prix. Pour qu’il en soit ainsi, il faut rester organisé au niveau des producteurs. La loi apporte un certain nombre d’outils qui permettent de le faire. A nous de savoir les saisir.
La lutte contre les prix abusivement bas a également été un cheval de bataille pour la FNSEA, et elle a obtenu satisfaction avec l’encadrement des promotions, y compris pour les marques distributeurs, et le relèvement du seuil de revente à perte. Il reste encore quelques points à améliorer au Sénat, comme le renforcement du rôle du médiateur pour lui permettre de saisir le juge en référé. Mais, globalement, ça va dans le bon sens.
Par ailleurs, sur le volet II de la loi, en lien avec le développement durable, un nombre d’amendements n’incluait que des contraintes pour la profession agricole. On a démontré tous les acquis de notre profession en matière d’environnement, au travers notamment des trois cents mesures du Contrat de solutions. Pour ne citer qu’un exemple, j’évoquerai l’ajout de l’amendement sur l’interdiction du glyphosate d’ici trois ans qui, finalement, n’a pas été adopté. Mettre cela dans la loi était une grave erreur, ne serait-ce que parce que cette question n’avait pas sa place dans ce cadre, puisque c’est un arrêté européen. Autre exemple : les zones non traitées à cent mètres des habitations que certains voulaient sanctuariser, gelant ainsi des terres agricoles. L’amendement a été rejeté.
On peut encore citer l’amendement portant sur la fin de la construction de bâtiments de poules pondeuses en cage à partir de l’entrée en vigueur de la loi, ce qui correspond à la réalité du terrain, contrairement à la position initiale qui concernait l’interdiction d’ici 2022 de la vente des œufs issus d’élevages de poules pondeuses en cage.
Autant d’acquis qui ont été obtenus souvent à l’arrachée. Une fois cela dit, les choses peuvent encore évoluer tant que la loi n’est pas complétement actée après son passage au Sénat. Il faut donc rester mobilisé.

Des acquis ont été obtenus, dites-vous. Pourtant, la profession agricole entre en résistance contre le gouvernement. Pourquoi ?
Emmanuel Macron cantonne l’agriculture à un aspect sociétal et environnemental, niant la puissance économique qu’elle peut représenter pour la France. Les avancées ne doivent pas en effet masquer l’absence de réponse au besoin de compétitivité des agriculteurs qui sont, chaque jour, un peu plus soumis à une concurrence déloyale de leurs productions. Notre ambition est donc de porter l’agriculture comme un secteur économique à part entière. Pour faire une image footballistique, Macron veut qu’on soit des clubs locaux alors que nous on veut jouer en D1, et même à l’international. Sa posture sur l’agriculture ne nous convient donc pas.

Soyez plus explicite sur cet aspect sociétal et environnemental dans lequel semble vouloir vous cantonner le gouvernement.
Sur le glyphosate, après avoir promis, lors de notre congrès de Brest, qu’il ne prendrait aucune mesure à ce sujet entraînant une distorsion de concurrence avec les autres pays européens, il revient sur sa promesse et propose une interdiction du glyphosate d’ici trois ans alors que, à l’échelle européenne, le délai retenu est de cinq ans. Et d’insister ensuite sur la nécessité pour l’agriculture de s’orienter vers les circuits courts et le bio, tout cela pour répondre de façon émotionnelle aux attentes sociétales. Autrement dit, pour lui, la compétitivité, il la réserve à d’autres secteurs que l’agriculture. Il utilise donc de l’agriculture pour servir des sensibilités sociétales et écologistes.
Ces mêmes distorsions de concurrence fragilisant l’économie de l’agriculture se retrouvent dans les accords du Ceta et du Mercosur. Et, à présent, le gouvernement veut favoriser l’importation d’huile de palme pour sa raffinerie de La Mède, qui va concurrencer les cultures françaises. Le gouvernement marche totalement sur la tête. D’un côté, il veut faire croire qu’il souhaite pour la France du vert, du sain, de l’environnemental et, de l’autre, il est prêt à autoriser l’entrée de 500 000 tonnes d’huile de palme. C’est une décision inquiétante pour l’environnement et pour les producteurs de colza, très présents dans les Hauts-de-France et la région Grand Est. Le gouvernement ne peut pas jouer sur les deux tableaux. C’est duper l’opinion publique. C’est pour cela que nous avons décidé d’agir et de bloquer, la semaine prochaine, les raffineries et les sites de stockage dans toute la France. C’est la seule manière de révéler les incohérences du gouvernement.

Craigniez-vous que l’opinion publique ne comprenne pas votre action ? Car, d’un côté, vous dites que la loi agriculture et alimentation présente de réelles avancées pour votre secteur et, de l’autre, que le gouvernement a une vision de l’agriculture tronquée.
Notre intention n’est pas de bloquer le pays. Les pompes à essence ne seront pas à sec dans les jours à venir. Ce que l’on veut faire comprendre, c’est l’écart qu’il y a entre le discours du gouvernement sur l’agriculture et la réalité de la place qu’il lui réserve au travers de ses décisions incohérentes. On ne veut pas être juste les jardiniers des campagnes. Qu’on se le dise.
Puis, on veut faire comprendre à l’opinion publique tout l’intérêt qu’il y a pour notre pays d’avoir une agriculture puissante et performante, parce qu’elle a un vrai rôle à jouer sur les territoires. Grâce à l’économie que l’on est en capacité d’y générer, on peut jouer un rôle sociétal et environnemental. Aussi est-il hors de question que l’agriculture soit la variable d’ajustement de la politique gouvernementale.

Autres points de satisfaction pour la FNSEA

«Dans la restauration collective, concernant l’engagement d’une augmentation de l’utilisation de produits bio et locaux, la définition retenue nous convient, notamment en termes d’analyse de cycle de vie», souligne Etienne Gangneron, vice-président de la FNSEA. Il se félicite également que les mentions carnées ne puissent être utilisées sur des produits végétaux, et que les menus végétariens dans les cantines n’aient pas été retenus. «Nous avons évité que notre grand pays d’élevage s’oublie par une non consommation de nos produits.»
De nombreux débats ont concerné la vidéosurveillance en abattoir. La FNSEA apprécie la position modérée du gouvernement et des députés, qui ont voté pour une expérimentation dans des abattoirs volontaires. Concernant l’étiquetage sur les produits alimentaires, des modes de production et du nombre de traitements, voté par les députés, Etienne Gangneron estime qu’il faudra «faire comprendre au Sénat que cela va à l’encontre de l’expérimentation européenne, en cours, sur l’étiquetage des produits alimentaires».

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