L’avenir de l’élevage laitier français à tous les maillons
Lors des Rencontres
laitières du grand Ouest organisées
par le GIS Elevage Demain, le 4 juillet, les interventions ont montré à quel point la recherche de valeur ajoutée était nécessaire pour sauver l’ensemble de la filière laitière française.
Benoît Rubin, délégué régional région Bretagne, Pays de la Loire à l’Institut de l’élevage (Idele), est inquiet. «Ce n’est pas parce qu’il y a des choses à régler chez les éleveurs que la filière fait parfaitement son job», dit-il. Lors des Rencontres laitières du grand Ouest organisées par le GIS Elevage Demain, le 4 juillet, il pointait du doigt les écarts de résultats financiers entre producteurs laitiers et, surtout, les difficultés financières de ceux ayant récemment investi. «Le problème de la crise, c’est l’autre», ironisait-il. Les industriels inculpent les producteurs et la distribution, les producteurs accusent les industriels et la distribution, et cette dernière incrimine les industriels et les producteurs. Un jeu sans fin qui ne résout rien aux difficultés de chacun. «On ne s’en sortira pas sans valeur supplémentaire», insiste-t-il.
Un discours que Christophe Lafougère, consultant chez GiraFood, confirme par son analyse du marché laitier à l’horizon 2021. Il constate que les grands pôles de production resteront les Etats-Unis et l’Europe. La Chine devrait rester un marché porteur, mais pas pour la poudre de lait. Ainsi, d’après lui, le pays devrait voir ses importations de crèmes augmenter de 15 % et celles de fromages de 14 % d’ici 2021.
La Chine change sa consommation
Pour le beurre, Christophe Lafougère estime que les importations devraient progresser également sachant que ce produit est indispensable pour la pâtisserie et la croissanterie, un secteur qui se développe à grande vitesse dans le pays. A l’inverse, «seule une hausse de 1 % des importations de lait UHT est prévue», souligne-t-il. Durant les Rencontres laitières, il a mis en avant le fait que, vu les investissements effectués dans la poudre de lait infantile à travers le monde, «la Chine contrôle actuellement 100 % de ses importations».
La demande ne portera donc pas sur ces deux créneaux, mais bien sur les fromages de type mozzarella (industriel), cheddar ou sur la crème de type cream cheese. Tout ce que ne produit pas ou peu la France ! «Il ne faut pas espérer faire des mille et des cents avec le fromage à la française !», considère, de son côté, Antoine Meurisse, directeur des achats à l’international chez Sodiaal.
Christophe Lafougère s’interroge, lui, sur les orientations de production prises ou à prendre par les industriels. Sur certains marchés, les Français se retrouveront bientôt en concurrence avec les Chinois qui commercialiseront du lait produit en... France ! Et de souligner : «A l’heure actuelle, les Chinois n’ont pas investi dans la crème ou le beurre, mais jusqu’à quand ?»
Rôle des politiques publiques
«Le marché européen est un marché mature, il faut trouver de la valeur à l’export», martèle Christophe Lafougère. Stéphane Paillot, directeur des achats du groupe Bel, parle de segmentation : «Il n’y aura pas 50 000 modes de segmentation Il faut une segmentation suffisamment robuste pour desservir plusieurs pays.» Développer de nouveaux produits, segmenter, améliorer son efficience, certes, mais aussi «s’appuyer sur des politiques publiques pertinentes», analyse Benoît Rubin, sont les solutions avancées pour retrouver une filière laitière porteuse.
Et la distribution n’est pas en reste dans cette histoire. Heureusement, le groupe E. Leclerc a annoncé le 30 juin que les éleveurs «percevront 350 Ä/1 000 litres, quelles que soient les fluctuations du marché». L’enseigne compensera les écarts à chaque fois que les cours du lait n’atteindront pas ce niveau, promet-elle. «Cet engagement sera assuré jusqu’à fin 2017, en attendant les mesures de régulation des marchés par les pouvoirs publics», promet E. Leclerc, dont l’engagement de hausse des prix est arrivé après tous les autres distributeurs.
L’image de l’élevage laitier commence à baisser parmi les consommateurs
«Les consommateurs ont une très bonne image de l’élevage, mais cette dernière s’érode sur le long terme», observait Véronique Pardo, anthropologue à l’Observatoire Cniel des habitudes alimentaires (Ocha), le 4 juillet, aux Rencontres laitières du grand Ouest. Deux grands pôles d’inquiétude ressortent d’une enquête récente : le bien-être animal et l’industrialisation des élevages. Le consommateur s’interroge sur la sortie des animaux au pâturage, la séparation du veau de la mère, l’écornage sans anesthésie, l’attache des animaux, etc. «Ce ne sont plus seulement les bobos parisiens qui s’en inquiètent, souligne-t-elle. Cela doit amener à réfléchir sur une évolution de certaines pratiques.» Pour elle, le Français veut «un produit éthiquement responsable» plus que vegan. A tous les maillons de la filière d’entendre le message.