Le bail rural dans tous ses états !
L’exploitant doit faire reposer le support de son activité sur
des bases juridiques. C’est pourquoi, le bail rural tient une importance cruciale dans le cadre des exploitations agricoles. Faisons le point des questions que l’on rencontre et que l’on se pose. Revue de détail.
La signature d’un bail rural entre un propriétaire appelé bailleur et un fermier appelé preneur fait naître, pour chacune des parties, des droits et des obligations conformément au statut du fermage selon les articles L 411-1 et suivants du Code rural.
Le preneur doit payer au bailleur un loyer appelé fermage, à une date fixée dans le contrat de bail, bien souvent le 25 décembre de chaque année. Mais le contrat de bail peut prévoir une date différente. Le preneur doit effectuer les petites réparations (par exemple, l’entretien des clôtures), entretenir et exploiter personnellement le fonds loué suivant la destination prévue par le bail. Le preneur conduit l’exploitation du bien loué selon sa convenance. Toutefois, il doit préalablement obtenir un accord du bailleur pour procéder à un changement de méthode culturale non prévu par le contrat de bail (par exemple, retournement des parcelles en herbe en terre labourables ou l’inverse). Le bail se renouvelle automatiquement tous les neuf ans au profit du preneur. De plus, il a le droit de percevoir une indemnité versée, à l’expiration du bail, par le bailleur, s’il a amélioré le fonds. En cas de vente par le bailleur, le preneur bénéficie d’un droit de préemption. Ainsi, il a le droit d’acheter les terres en priorité, sauf cas particuliers.
Le bailleur a l’obligation de faire jouir paisiblement le preneur du fonds loué. Ce qui signifie, notamment, qu’il ne peut pas, pendant la durée du bail, modifier unilatéralement les conditions matérielles du bail. Il doit, en outre, prendre en charges les grosses réparations. Le bailleur bénéficie d’un droit de reprise, c’est-à-dire qu’il peut mettre un terme au bail rural, mais dans des conditions prévues par la loi : délai, procédure et motif.
Échange de cultures
L’échange de parcelles en jouissance, ou encore appelé «échange de cultures» est un échange entre fermiers qui ne porte que sur l’utilisation des parcelles échangées. Ainsi, chacun des agriculteurs exploite tout ou partie des parcelles de l’autre fermier co-échangiste, tout en restant titulaire de son bail. L’échange a pour objectif d’assurer une meilleure exploitation du fonds. Il peut porter sur tout ou partie des parcelles du bail sous condition de superficie. C’est la commission consultative départementale des baux ruraux fixe et l’autorité administrative du département publie par arrêté, pour chaque région agricole, la part de surface de fonds loué susceptible d’être échangée. Cette part peut varier en fonction de la structure des exploitations mises en valeur par le preneur. L’échange peut ainsi porter sur l’ensemble des biens loués si la surface louée à un même bailleur n’excède 1/5 du seuil déterminé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles. Chaque co-échangiste doit notifier préalablement à son propriétaire l’échange, par lettre recommandée avec accusé de réception. Le propriétaire peut s’y opposer en saisissant le tribunal paritaire des baux ruraux dans un délai de deux mois à compter de la réception de la notification. Si le preneur ne respecte pas les conditions, le bailleur peut demander la résiliation du bail au tribunal paritaire des baux ruraux s’il a subi un préjudice de son fermier.
L’échange en jouissance entraîne le changement d’exploitant, mais pas le changement de preneur, ni de bailleur. Chaque bail rural se poursuit et, c’est pourquoi, l’échange est temporaire et lié à la durée la plus courte des deux baux en cours. Ainsi, le fermier reste titulaire de son bail et des obligations qui en découlent. Il est donc responsable des éventuels manquements de son co-échangiste à la bonne exploitation du fonds loué.
Changement de destination
Le propriétaire bailleur peut résilier à tout moment le bail rural pour changement de destination. Il s’agit bien souvent des parcelles agricoles, objet du bail, situées en zone urbaine (U) aux termes d’un PLU (plan local d’urbanisme) et, donc, devenues constructibles.
Pour cela, le bailleur doit notifier au preneur un congé par voie d’huissier. Le congé doit identifier le bailleur, le preneur et le bail concerné ainsi que l’engagement du bailleur de changer la destination du bien conformément au PLU dans un délai de trois ans qui suit la réalisation du bail. Il prend effet un an à compter de la notification. En outre, la notification doit être accompagnée d’un certificat d’urbanisme attestant du classement en zone U ou, selon le cas, une copie de l’autorisation préfectorale. Si le congé lui semble infondé, il peut le contester dans le délai de quatre mois devant le tribunal paritaire des baux ruraux qui suivent sa réception. En cas de résiliation partielle, le preneur peut exiger la résiliation totale de ses biens loués, si l’équilibre économique de son exploitation se voit compromis par cette résiliation partielle.
Le preneur a le droit de percevoir une indemnité pour compenser la perte d’exploitation, mais seulement s’il se trouve dans l’obligation de quitter les lieux avant la date d’expiration du bail. Il doit être indemnisé de l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain, qu’il subit du fait de son éviction. En pratique, il est fait référence au protocole d’indemnisation de la chambre d’agriculture.
Le bail cessible
La cession du bail rural est interdite sauf au profit du conjoint ou d’un descendant avec l’autorisation écrite du bailleur. Ainsi, le bail cessible a été mis en place pour que le preneur puisse céder son bail à tout exploitant extérieur à sa famille et moyennant une contrepartie financière. Le bail cessible est un bail à long terme de dix-huit ans minimum. Il se renouvelle pour une durée de neuf ans à défaut de congé délivré dix-huit mois avant la fin du bail par acte d’huissier. Le loyer peut être majoré de 50 % du maximum prévu dans l’arrêté préfectoral qui fixe les valeurs locatives pour chaque région. Le bailleur bénéficie également d’exonération fiscale en cas de donation, de succession et de déclaration à l’IFI, comme les baux classiques d’une durée minimum de dix-huit ans. Certaines dérogations existent par rapport aux baux classiques, c’est le cas où le bailleur peut donner congé sans motif et sans faute du preneur. Dans ce cas, il doit verser au preneur une indemnité évaluée en fonction du préjudice causé par le défaut de renouvellement. Toutefois, si le congé est fondé sur une faute du preneur (non-paiement du fermage, mauvaise exploitation du fonds…), l’indemnité n’est pas due. Et autre cas, si le bail a plus de trois ans, le preneur, dans le cadre de son droit de préemption, ne peut pas demander la révision du prix de vente des biens loués et le droit de préemption de la Safer ne peut s’appliquer.
Dans le cas d’une cession, le preneur doit, sous peine de nullité de la cession, informer le bailleur de la cession, trois mois au préalable par lettre recommandée avec accusé de réception. Le bailleur peut s’y opposer en justice, s’il justifie d’un motif légitime (par exemple, la garantie financière du nouveau fermier).
Le bail verbal
Ainsi, à défaut d’écrit, les baux conclus verbalement sont censés être faits pour neuf ans aux clauses et conditions fixées par le contrat type départemental. Pour que ce bail verbal soit soumis au statut du fermage, il est impératif que la surface exploitée dépasse un certain seuil minimum fixé par arrêté préfectoral, souvent fixé à cinquante ares.
En deçà de ce seuil, les parcelles exploitées sont soumises au bail «des petites parcelles» ce qui conduit à une non-application du statut du fermage au preneur en place (par exemple : pas de droit de préemption, pas de droit au renouvellement, loyer libre…). De même, les reprises des parcelles inférieures à ce seuil peuvent être reprises sans conditions particulières. En principe, un courrier recommandé envoyé six mois avant la reprise est suffisant.
La parcelle de subsistance
La parcelle de subsistance est la superficie que peut conserver un exploitant à la retraite sans pour autant perdre le droit de percevoir son avantage vieillesse. La parcelle de subsistance peut être en propriété ou en fermage. Le retraité doit poursuivre la mise en valeur de sa parcelle pour la satisfaction de ses besoins personnels, notamment l’autoconsommation. La limite maximale est fixée en fonction d’un arrêté préfectoral qui tient compte d’un quotient appliqué sur la surface minimale d’assujettissement (SMA), sinon le versement de la retraite est «bloqué». Cette parcelle doit être déclarée à la MSA. Le bailleur peut refuser le renouvellement au preneur ayant atteint l’âge de la retraite retenu en matière d’assurance vieillesse. Toutefois, si l’exploitant exploite une surface correspondante à la parcelle de subsistance, ce droit de reprise ne peut s’exercer et, dans ce cas, le bailleur ne peut pas invoquer l’âge du locataire pour refuser le renouvellement du bail qui se poursuit. Il est important de préciser que le propriétaire bailleur ayant atteint lui-même l’âge de la retraite peut reprendre la parcelle pour se constituer son exploitation de subsistance. Dans ce cas, en principe, le droit du bailleur prime sur celui du preneur.