Le caractère trempé d’une pêcheuse à pied
Pêcheuse à pied en Baie de Somme, Reinette Michon s’est imposée dans «un monde d’hommes». À l’occasion d’une table ronde sur les femmes du monde agricole et de la pêche engagées dans des démarches de production durable, elle est revenue sur son parcours en début de semaine.
Pêcheuse à pied en Baie de Somme, Reinette Michon s’est imposée dans «un monde d’hommes». À l’occasion d’une table ronde sur les femmes du monde agricole et de la pêche engagées dans des démarches de production durable, elle est revenue sur son parcours en début de semaine.
Lundi dernier, à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, Reinette Michon s’est échappée quelques instants de son quotidien de pêcheuse à pied pour livrer ses conseils à d’autres femmes et témoigner de sa combativité lors d’une table ronde organisée par le collectif «Troisième voie en agriculture». Son témoignage s’est croisé avec celui d’Aurélie Lézé, agricultrice engagée dans la démarche CRC, de Florence Haffner, éleveuse adhérente de la démarche Blanc Bleu Cœur, d’Élodie Dézé, viticultrice, partie prenante du label Vignerons engagés ou encore d’Emmanuelle Roze-Chapuzet, productrice de légumes et membre de Demain la terre. Cette table ronde avait ainsi pour objectif de «mettre en lumière les femmes dans un secteur où elles sont encore peu valorisées et de découvrir leur quotidien et leurs engagements», selon Sophie Franco, co-fondatrice de La Food Locale et le Collectif de la troisième voie des filières responsables. Dans le même temps, il aura été question de leur parcours ainsi que «de leurs victoires, leurs erreurs, les obstacles qu’elles ont surmontés».
De longues journées de travail
Du courage d’abord, il en faut pour celle qui a élevé quatre femmes tout en se rendant chaque jour à la mer pour pêcher des coques, des vers ou encore ramasser des végétaux de mer. Lorsque la saison de pêche bat son plein, la journée-type de Reinette débute vers quatre heures : «Les plantes marines doivent se récolter avant le lever du soleil. Quand la mer est haute, je fais le tri, je prépare mes livraisons avant d’y retourner à marée basse. Une journée peut ainsi durer jusqu’à douze heures». La vie de famille, notamment, en prend un coup, mais la pêcheuse a tenu bon : «Mes enfants ont rapidement compris pourquoi je me levais tôt. Cela les a appris à être autonome rapidement.» Avant elle, ses parents exerçaient le métier de pêcheurs à pied. Ses enfants n’ont, quant à eux, «pas suivi».
Un métier de plaisir
Pour s’imposer au sein de sa profession, Reinette Michon l’admet sans détour : il lui a fallu «s’investir». Quand elle «débarque» de Normandie – c’est sa région natale – en Baie de Somme, la pêcheuse «va au contact». «J’ai démarré par la pêche de vers avant de m’ouvrir à d’autres métiers. Pour m’intégrer, j’ai adhéré à des associations locales, j’ai participé à des réunions de professionnels pour me faire connaître et montrer ma motivation.» Cet engagement lui vaut de siéger au conseil de gestion du parc naturel marin des estuaires picards et de la mer ou encore d’occuper la présidence de l’association des ramasseurs de salicornes. Ce métier, réputé difficile, Reinette le vit encore avec passion : «Il faut pas mal de caractère pour en vivre. Cela reste un métier très masculin puisqu’on ne compte que 10 % de pêcheuses». La pêche à pied se vit également «avec les saisons», mais Reinette n’en démord pas : «Si on veut réussir, il faut le faire d’abord avec plaisir.» Et la pêcheuse de l’affirmer : «Il y a encore beaucoup à faire pour qu’il soit reconnu à sa juste valeur.» Adhérer à la démarche «Mister Good Fish», ce programme qui encourage une consommation responsable et durable des produits de la mer, n’est que la partie immergée de l’iceberg.