«Le gibier de chasse est une filière d’excellence»
Après la dernière assemblée générale du Syndicat national des producteurs de gibiers de chasse (SNPGC), à laquelle le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie a adressé un message de soutien et d’encouragement, son président, Jean-Christophe Chastang, fait le point sur cette filière méconnue et pourtant leader européen dans son domaine.
Après la dernière assemblée générale du Syndicat national des producteurs de gibiers de chasse (SNPGC), à laquelle le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie a adressé un message de soutien et d’encouragement, son président, Jean-Christophe Chastang, fait le point sur cette filière méconnue et pourtant leader européen dans son domaine.
Quelle est aujourd’hui la situation du gibier d’élevage ?
Nous avons traversé une année 2020 particulièrement compliquée, rythmée par trois crises : le Brexit, l’influenza aviaire et, naturellement, la crise du Covid. Ces trois actualités se sont conjuguées et ont fait souffrir nos élevages. Le Brexit a ainsi particulièrement touché les accouveurs qui sont spécialistes de la reproduction de nos espèces (faisans et perdrix essentiellement) et qui produisent des poussins d’un jour. La fermeture des frontières avec le Royaume-Uni leur a été préjudiciable, en raison des contraintes administratives. Ce sont plusieurs millions d’œufs qui ont été détruits fin mars 2020. C’est une perte sèche de plusieurs millions d’euros pour une centaine d’élevages spécialisés qui n’ont bénéficié d’aucun accompagnement.
Vous évoquiez la crise du Covid. En quoi et comment a-t-elle affecté votre filière ?
Elle nous a affectés de deux périodes : printemps 2020 : sur l’amont : secteur de l’accouvage (producteurs d’œufs à couver et de poussins) ; sur l’aval à l’automne 2020 et printemps 2021 pour le secteur des producteurs d’oiseaux adultes. L’impact du Covid a été important sur la remise en nature en période de chasse à l’automne. Nous nous sommes retrouvés avec près de 4,5 millions d’oiseaux bloqués dans les volières alors même que c’est à cette époque que nos élevages se vide rapidement et que les conditions climatiques rigoureuses rendent beaucoup plus difficile leur maintien en volière. Nous avons travaillé d’arrache-pied auprès des pouvoirs publics dont le ministère de l’Agriculture, accompagné par nos partenaires : l’interprofession chasse, la Confédération française de l’aviculture (CFA), l’Itavi, la FNSEA et la FNC pour trouver une solution et nous avons demandé à ce que la chasse fasse partie des activités autorisées en plein air. Les possibilités de reports de remise en nature du gibier dès la chasse ouverte n’ont pas permis de réduire nos stocks de gibiers pour différentes raisons. C’est pourquoi nous avons proposé un plan national de repeuplement au printemps 2021 avec la FNC, qui nous a été refusé par les pouvoirs publics pour des raisons réglementaires liées à la crise sanitaire H5N8.
Comment la filière s’en sort-elle financièrement ?
Grâce au travail que nous avons effectué avec l’interprofession chasse, la FNSEA, la CFA, FNC, - j’ai personnellement assisté à plus de 300 réunions entre novembre 2020 et mars 2021 - nous avons pu obtenir un plan d’accompagnement économique qui, même s’il ne couvrira pas l’ensemble de pertes que nous avons subies, doit être salué et considéré comme une marque de confiance de la part du ministre de l’Agriculture. Ce plan comporte deux volets. Le premier est conjoncturel avec le déblocage d’un fonds de solidarité spécial gibier. Les dépôts de dossier sont ouverts jusqu’au 30 juin. Ils permettront aux éleveurs de bénéficier d’une aide pour les pertes économiques de plus de 80 % au mois de novembre 2020, variant de 1 500 à 10 000 E, au prorata de leur chiffre d’affaires. L’enveloppe globale de ce premier volet devrait atteindre environ 2,5 millions d’euros. Le second volet se veut plus structurel et couvrir les pertes économiques de plus de 30 % de CA sur la période de novembre 2020 à février 2021 qui ont pu être enregistrées. Mais l’indemnisation devrait être plafonnée à 50 %.
Les dossiers devraient être ouverts à partir de septembre prochain auprès de FranceAgriMer et les premières indemnités devraient arriver en novembre 2021. Le ministère a annoncé sur ce second volet une enveloppe de 6,5 millions d’euros.
Après cette année compliquée et les difficultés administratives rencontrées, le SNPGC a-t-il identifié des pistes de réflexion, d’amélioration ?
Nous travaillons avec le ministère de l’Agriculture sur le volet sanitaire, en particulier sur le volet «repeuplement» en cas de crise sanitaire. En effet, au moins deux éléments militent pour une remise en nature : tout d’abord la faible densité des animaux par rapport à l’étendue des terres sur lesquelles ils sont relâchés. Par ailleurs, nous pouvons dire en toute humilité et en conservant une vigilance accrue sur la biosécurité dans nos élevages que nous n’avons pas constaté, à ce jour, de cas avérés d’influenza aviaire chez les faisans et les perdrix remis en nature et présents sur les territoires. D’une manière générale, nous travaillons de manière étroite avec l’Institut de l’aviculture (Itavi) et la direction générale de l’Alimentation (DGAL) sur la biosécurité des élevages. Nous souhaitons aussi que la DGAL communique de manière plus positive en période de crise et qu’elle annonce, par exemple, qu’il est possible de repeupler la nature à des fins cynégétiques et sous forme dérogatoire plutôt que d’affirmer que, dans un premier temps, c’est interdit puis autoriser sous forme dérogatoire. Cela induit trop le doute chez les acteurs cynégétiques.
Comment voyez-vous l’avenir dans dix ans ?
Je pense que l’administration va renforcer la réglementation, dans un champ de proximité, afin de mieux encadrer la gestion des risques. Nous allons aussi continuer et développer des programmes d’innovation. Je pense à celui sur l’épigénétique de la perdrix rouge. Nous sommes d’ailleurs revenus à la souche pure de la perdrix rouge. Nous travaillons maintenant à l’amélioration comportementale, c’est-à-dire à une meilleure adaptation au milieu naturel et sauvage ainsi qu’à une meilleure résistance à la prédation. Aujourd’hui, la moitié du gibier remis en nature est prélevé. Le quart disparaît par la prédation entre autres et le quart restant va à la reproduction ce qui contribue au renouvellement naturel des espèces. Les éleveurs de gibier de chasse restent toujours soucieux d’améliorer leurs pratiques d’élevages et la qualité de leur gibier. Nous sommes leaders européens et enviés par de nombreux pays voisins notamment l’Angleterre, l’Italie, l’Espagne. Le gibier de chasse Français est une filière d’excellence qui mérite d’être soutenue.