Le Sénat fait tomber «l’emprisonnement de la nature»
Le Sénat a adopté le 10 janvier à l’unanimité une proposition de loi visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et protéger la propriété privée. Il revient désormais à l’Assemblée nationale de se pencher sur ce sujet qui divise.
Le Sénat a adopté le 10 janvier à l’unanimité une proposition de loi visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et protéger la propriété privée. Il revient désormais à l’Assemblée nationale de se pencher sur ce sujet qui divise.
Ce n’est pas cela qui fera tomber toutes les clôtures de Sologne – il en existe aussi ailleurs – , mais elle devrait au moins limiter le phénomène. La commission des affaires économiques d’abord, puis le Sénat ont en effet adopté mi-janvier la proposition de loi du sénateur du Loiret Jean-Noël Cardoux visant à «limiter l’engrillagement des espaces naturels et protéger la propriété privée». Rien qu’en Sologne, pourtant la plus grande zone Natura 2000 de France selon le Sénat, on estime qu’entre 3 000 et 4 000 kilomètres de grillages entravent la circulation des animaux et défigurent le paysage. Selon la présidente de la commission des affaires économiques du Sénat, Sophie Primas, cette loi doit mettre un terme à «l’emprisonnement de la nature derrière des grillages».
Un samarien rapporteur de la loi
Depuis quelques années, les reportages dénonçant l’installation de clôtures par des propriétaires privés, comme la pratique de la chasse dans des enclos, étaient pléthores. Et s’il est un sujet qui fait consensus au sein de la classe politique, c’est bien celui de la lutte contre l’engrillagement des territoires. Ces derniers temps, plusieurs membres du gouvernement avaient fait part de leur indignation. En décembre dernier, la secrétaire d’État chargée de la Biodiversité, Bérangère Abba avait ainsi déclaré son soutien à la proposition de loi présentée au Sénat : «Ruptures de continuités écologiques, problèmes sanitaires, absurdité des lâchers quand on sait nos besoins de régulation et que dire de l’éthique de ces chasses qui n’en sont pas. Oui, ces pratiques doivent cesser». Porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal a de son côté déclaré «qu’il faut mettre fin à la chasse en enclos, dans laquelle les animaux n’ont aucune chance». Avant l’adoption du texte par les sénateurs, son rapporteur le samarien Laurent Somon (LR) avait souligné que «la multiplication des clôtures doit non seulement être stoppée», et qu’il est nécessaire de «restaurer les paysages». Au sein de la commission des affaires économiques du Sénat, on estimait que l’engrillagement «pose des problèmes de sécurité incendie et de sécurité sanitaire, empêche la libre circulation de la faune et nuit au développement du tourisme rural». Chez les chasseurs en revanche, les avis sont plus partagés entre ceux qui fréquentent des propriétés de chasse closes et ceux qui les dénoncent au moment où le Sénat reconnait lui aussi que nombre de ces enclos sont «érigés pour développer le tir de gibiers dans un milieu artificialisé». Mais Jean-Noël Cardoux l’assume : «À l’opposé des affichages médiatiques proposant des solutions inapplicables», le Sénat a adopté un texte que l’on pourra qualifier de pragmatique, «favorisant la biodiversité tout en garantissant les libertés fondamentales». Pour le président du groupe «chasse» au Palais Bourbon, il s’agit d’une «évolution irréversible (…) pour mettre fin aux pratiques cynégétiques privilégiant le tir et la quantité des tableaux, au détriment d’une chasse authentique».
Sept ans pour se mettre en conformité
Concrètement, la proposition de loi veut limiter les grillages à une hauteur de 1,20 m, faire disparaître les clôtures non conformes postérieures à 2005 avec la possibilité de les remplacer par des haies ou des clôtures séparées de 30 centimètres du sol et également supprimer des «privilèges» liés aux enclos de chasse (chasse toute l’année, la non-participation à l’indemnisation des dégâts ou dérogation à l’obligation d’avoir un plan de chasse). Les propriétaires de parcelles clôturées qui ne respecteraient pas les règles imposées par ce texte de loi devront se plier à la réglementation de sept ans. Le délai initial était de dix ans. Si l’on retient d’abord de ce texte une volonté de freiner l’engrillagement, une seconde partie fixe des règles nouvelles en matière de répression des intrusions dans les propriétés privées. En effet, la proposition de loi créée une contravention de 5e classe pour pénétration dans une propriété privée rurale ou forestière. Comme s’il s’agissait d’un moyen de «compenser» l’abaissement des clôtures ou leur remplacement par des dispositifs moins restrictifs de la liberté de circuler des animaux d’un territoire à l’autre.