Le volet agricole du plan d'investissement de cinq milliards
Lors du Conseil supérieur d’orientation de l’économie agricole du 2 mai, le ministère de l’Agriculture a dévoilé les derniers détails du volet agricole du Grand plan d’investissement.
C’est à un exercice de comptabilité pour le moins atypique que s’est livré le ministère de l’Agriculture pour atteindre le montant de cinq milliards d’euros, dont le candidat Emmanuel Macron avait promis de doter le volet agricole du Grand plan d’investissement (GPI). Depuis septembre, nous savons déjà, de la bouche de Jean Pisani-Ferry, chargé de l’élaboration du GPI, qu’un des cinq milliards proviendrait des fonds européens, mais c’est un mode de calcul avantageux dont les gouvernements sont coutumiers. Ils y ajoutent, en général, les fonds régionaux et départementaux, ce qui n’est pas le cas cette fois-ci.
Depuis le Salon de l’agriculture, les agriculteurs savaient que ce plan inclurait également les montants des prêts qu’ils pourraient obtenir grâce à la création de nouveaux «fonds de prêts» et de «fonds de garantie» dotés notamment par l’Etat. Il s’agissait déjà d’une étonnante innovation. Mais, depuis la réunion du Conseil supérieur d’orientation de l’économie agricole (CSO), le 2 mai, les représentants du secteur agricole savent désormais que le plan «d’investissement» contiendra aussi des «aides à la conversion bio» et les Maec de la période 2018-2022.
Fonds de prêts, fonds de garantie, Maec…
Ce volet agricole comprend donc trois parties : la première partie porte sur la «transformation de l’amont agricole». Associée à un montant de 2,8 Md€, elle comprend un «fonds de garantie» de 800 M€, une «subvention aux investissements matériels» de 500 M€, des budgets consacrés à l’«aide à la conversion bio» de 800 MÄ, et aux Maec de 540 M€, ainsi qu’un fonds de prêts à la méthanisation de 100 M€ et des soutiens aux investissements en forêt pour 140 M€. Les chiffres indiqués comprennent les financements de l’Etat et de l’Union européenne (Feader).
La deuxième partie du plan (1,7 Md€) porte sur «l’amélioration de la compétitivité de l’aval». Elle comprend un «fonds de prêts» de 1,4 Md€, une ligne de 200 M€ intitulée «fonds propres - montée en gamme», un budget de 5 M€ pour un «accélérateur PME agro-alimentaire», 25 M€ pour un «fonds de prêts participatifs pour les investissements innovants» et, enfin, un «fonds de prêts aval forestier». La dernière partie (500 M€) porte sur «l’innovation et la structuration des filières» et comprend des financements de type PIA3 ou Casdar, ainsi qu’un «fonds avenir bio».
Montant des investissements matériels
Sollicité, le ministère de l’Agriculture ne souhaite pas communiquer l’effort budgétaire supplémentaire réellement fourni par l’Etat au travers de ce plan de cinq milliards d’euros. Il ne précise pas non plus la part de plan qui relève de la programmation de la Pac 2014-2020, et de la suivante. Il indique toutefois que les fonds de prêts ou de garantie ont un effet levier estimé entre «un pour quatre» et «un pour huit» ; c’est-à-dire que pour un euro prêté par l’Etat, un agriculteur peut se voir prêter quatre à huit euros par ailleurs. C’est à cette valeur que correspondent les montants indiqués par le ministère de l’Agriculture concernant les fonds de prêts ou de garantie.
Par ailleurs, la promesse d’un «plan Marshall pour l’agriculture» et d’une «multiplication par quatre des aides à la modernisation», promise par Olivier Allain, alors conseiller agricole du candidat Emmanuel Macron, semble s’être réduite comme peau de chagrin à l’épreuve du gouvernement. En effet, la ligne «subvention aux investissements matériels» (500 M€) correspond à l’actuel Plan pour la compétitivité et l’adaptation des exploitations agricoles (PCAEA), ces fameuses «aides à la modernisation». Il s’agit donc d’un plan à 125 M€ par an (hors financements régionaux), à comparer au PCAEA de Stéphane Le Foll, qui s’élevait à 200 M€ par an (comprenant les fonds régionaux).
«Il faut regarder les choses globalement»
Pour le ministère de l’Agriculture, comparaison n’est pas raison. «Il faut regarder les choses globalement, indique-t-on. Avec Stéphane Le Foll, il n’y avait pas la diversification des outils que nous avons mis en place. Les deux politiques ne sont pas comparables.» Par diversification, le ministère entend la mise en place des fonds de prêts et de garantie : «Ces instruments permettent d’aider les agriculteurs qui ont des difficultés à accéder à certains outils de financement.» Le fonds de garantie permet notamment à des jeunes agriculteurs de lever la barrière de la garantie personnelle qui est, de plus, souvent un frein aux projets d’investissement ou de reprise, explique le ministère.
Plan d’investissement : le Modef dénonce un «cadeau de 2,2 Md€» aux industriels
Réagissant à la présentation du volet agricole du Grand plan d’investissement, le 2 mai, le Modef dénonce dans un communiqué un plan «peu ambitieux» et conteste les «axes prioritaires» du gouvernement, notamment un «cadeau de 2,2 Md€ aux industriels et à l’agro-alimentaire». Le syndicat minoritaire dénonce également la création d’un fonds de prêts à la méthanisation, craignant «que l’agriculture devienne un sous-produit de l’énergie». Le Modef rappelle toutefois qu’il est favorable à des méthaniseurs «à taille humaine » utilisant du fumier et des déchets de collectivités. Par ailleurs, le Modef se félicite de «l’accent» mis sur certaines mesures du second pilier (aides à la conversion, Maec), tout en regrettant une «enveloppe trop faible pour espérer un changement de pratiques agricoles».