L’économie du secteur bovin viande : défis et perspectives
Les Chambres d’agriculture de l’Oise et de la Somme, avec la Cobevial, organisaient le 14 janvier, la journée viande bovine. Au menu : l’intervention de Vincent Chatellier, directeur du Lereco de l’Inra, à Nantes, sur la compétitivité
du secteur.
La crise ne date pas d’hier, mais a redoublé d’intensité ces six derniers mois. Si les éleveurs de vaches laitières sont en première ligne, les éleveurs de bovins-viande subissent aussi la volatilité des prix et une forte concurrence, tant à l’échelle européenne qu’internationale. Reste que pour l’économiste et chercheur de l’Inra, Vincent Chatellier, il y a des raisons d’espérer en des jours meilleurs à condition de bien cibler les perspectives.
Ainsi, bien que la France ait perdu sa position leader en Europe dans l’exportation de produits agroalimentaires, ses exportations augmentent depuis 2010, n’enregistrant qu’un léger fléchissement en 2014 (56,5 milliards d’euros contre 59,3 milliards d’euros en 2010). Ses clients sont principalement des pays européens (Allemagne, Belgique, Royaume Uni, Italie, Espagne, Pays-Bas), mais des pays à la croissance démographique nulle et saturés sur le plan de la consommation. Inutile donc d’espérer un développement futur dans cette zone.
L’avenir est donc à chercher du côté des Etats-Unis (premier client à l’international), de l’Algérie ou encore de la Chine. «Il y a également des pans entiers de pays où la France n’a jamais rien vendu, tel le Nigéria où la population est trois fois plus importante que celle de la Russie. Il faut s’intéresser à tout prix aux pays en développement, comme aux mégapoles, là où la population est dense. Ce qu’il faut bien comprendre c’est que seuls les marchés extérieurs à l’Europe seront véritablement en progression. Il faut réviser notre vision du monde et s’internationaliser dans nos têtes en France pour trouver des relais de croissance», insiste Vincent Chatellier.
Pour être dans la course, les coûts de production doivent diminuer sur toute la chaîne de la filière bovine viande, et ses atouts consolidés en rendant ses produits difficilement inimitables et en utilisant des ressources intransférables (AOC). «Pour conserver notre avantage compétitif, il faut également innover et réinvestir les marges pour assurer la différenciation», dit-il.
Le marché de la viande bovine
Là encore, il y a des raisons d’espérer, ne serait-ce qu’en regardant l’évolution démographique de la population mondiale. «Celle-ci augmente de 232 000 habitants par jour. Quant à la consommation de viande (porc, volailles, bovins), elle est passée de 24 kg par habitant dans les années 1960 à 43 kg par habitant. D’ici dix ans, il faudra produire 13 % de plus de viande bovine dans le monde», commente l’économiste.
Or, l’Union européenne n’arrive qu’en troisième position sur la production de viande, devancée par le Brésil et les Etats-Unis. «Depuis des lustres, le cheptel de vaches allaitantes en Europe est de 12 millions. La production diminue, ainsi que la consommation, et l’on n’exporte rien alors que nous sommes les troisièmes producteurs de viande», note Vincent Chatellier.
A l’échelle de la consommation intérieure, l’un des enjeux d’avenir est incontestablement la restauration hors domicile, puisque y sont consommées essentiellement de la viande de transformation d’origine européenne et de la viande brute d’importation. La viande de transformation d’origine française représentant, elle, la portion congrue. Et l’économiste de pointer aussi le nombre insuffisant d’ateliers d’engraissement, qui permettrait de mieux valoriser la production bovine.
Les clés de la réussite
Certes, la consommation individuelle s’inscrit à la baisse, les exploitations sont fortement dépendantes des aides directes, la rentabilité des capitaux est faible, ainsi que le secteur industriel, et l’exportation de bovins vivants (broutards) limitent le potentiel d’abattage. Si les faiblesses du secteur ne manquent pas, les consommateurs français sont attachés à la qualité de la viande bovine française, et il existe un véritable savoir-faire dans la filière allaitante traditionnelle. Par ailleurs, les ressources fourragères et coproduits sont en abondance et le potentiel de développement des activités d’engraissement est réel sur la région.
La réussite passera, selon l’économiste, par la maîtrise technique des éleveurs, une bonne réactivité et un opportunisme économique, des investissements centrés sur la création de valeur, une dilution systématique des coûts fixes, une bonne anticipation des facteurs de risque, et, surtout, une stratégie claire et stable sur le mode de valorisation des produits d’aval. Sans plan stratégique d’exploitation, point de salut pour les éleveurs. Si les décisions de développement de l’exportation à l’international, planche de salut d’après l’économiste, leur échappent totalement, leur appartient celle de choisir les élus et groupements capables de relever ce challenge comme il se doit.