Les bailleurs : incontournables dans le débat du foncier
La section départementale des propriétaires ruraux a tenu son assemblée générale jeudi dernier. Les sujets sont vastes et il y a nécessité à réformer le statut du fermage, pour qu’il soit toujours un outil qui régit les règles entre les bailleurs et les fermiers.
L’intervention de Laurent Janocka, avocat, a permis de faire le point sur les actions en répétition de l’indu.
Une trentaine de personnes avaient fait le déplacement à la Maison des agriculteurs pour assister à l’assemblée générale des bailleurs. Le président des bailleurs, Jean-Marie Turlot, a retracé l’actualité et les faits qui ont marqué la vie de la section au cours de l’année 2017, dont les rencontres régulières avec les fermiers. Il n’a pas manqué d’évoquer les problèmes liés au statut du fermage, la baisse du loyer, la réforme du statut de l’agriculteur, les ventes aux enchères, la désignation des assesseurs aux tribunaux paritaires, le contrôle des structures… Beaucoup de sujets dans le vif de l’actualité qui met les bailleurs toujours autour d’une table et qui essayent de faire avancer les choses. Comme l’a souligné Bernard Cannesson, «on ne peut pas éviter les évolutions, mais à un moment ou à un autre, il faut prendre le taureau par les cornes, pour que cela avance». Et de souligner, quand il y a des discussions avec les fermiers, «il y a des sujets qui fâchent, mais aussi des sujets qui nous rassemblent». Enfin, pour terminer ces propos, Jean-Marie Turlot rappelle : «fermiers et propriétaires sont forces de propositions, mais pas de décisions».
Certains bailleurs n’ont pas manqué de faire part du travail à façon réalisé par certains prestataires, notamment les belges, sans les citer. Des entreprises belges viennent produire des pommes de terre et des pois de conserve dans le département, moyennant une somme versée au propriétaire des parcelles. Bien entendu, il y a lieu de rappeler que la sous-location est interdite par le statut du fermage. Mais, ce qui interroge le plus les bailleurs, c’est qu’ils viennent avec leurs propres plants et leurs produits phytosanitaires. D’où une crainte de l’aspect sanitaire des parcelles que cela pourrait engendrer sur des terres «saines» des exploitations de notre département. Pourquoi, comme le disent certains bailleurs, «faudrait -il prendre des dispositions pour éviter ce genre de méthode ou de procédé ?
"Si cela continue, cela risque de devenir une véritable bombe à retardement et certains exploitants ne pourraient plus produire certaines cultures», en raison de l’utilisation de certains intrants qui sont hors norme française ou encore d’un défaut sanitaire. Evidemment, l’ensemble de ces intrants utilisés par les belges, génèrent une «concurrence déloyale» à l’égard de ce qu’ils produisent pour des industriels du département. Mais c’est surtout l’affaire des fermiers avant tout, à eux de mesurer les conséquences de ces contrats avec ces prestataires qui, à moyen terme, créeront des problèmes sanitaires.
Répétition de l’indu au cœur des débats
Laurent Janocka, avocat spécialisé en droit rural, a dressé un panel de mesures de droit rural, notamment celles édictées par la loi d’Avenir de 2014, que ce soit, le bail environnemental, le décès de l’exploitant, les baux copreneurs, à qui il reproche au législateur d’avoir «mal rédigé le texte» et qui laisse beaucoup d’interrogations sur certaines situations. L’état des lieux, aussi, un document que beaucoup de bailleurs et fermiers ne rédigent pas, alors qu’il est bien prévu par le Code rural pour les baux à long terme. Ce défaut d’état des lieux engendre, au moment de la sortie du fermier, des difficultés à justifier des améliorations ou des dégradations faites au cours du bail et des baux renouvelés. Ou encore, le bail cessible et le contrôle des structures.
Sujet phare et d’actualité depuis quelques années, et qui ne cesse d’évoluer, la répétition de l’indu engendre des décisions qui sont souvent source de lourdes sanctions financières. Ces montants financiers sont surtout générés par les intérêts qui sont calculés depuis la loi d’Avenir d’octobre 2014, selon le taux légal majoré de trois points. Evidemment, plus la durée est longue, plus le montant sera élevé. Comme le rappelle Laurent Janocka, l’action en répétition de l’indu peut se faire au cours du bail initial et des baux successifs, même jusqu’à dix-huit mois après la résiliation du bail. Quelquefois, cela arrive plus de trente ans après, ce qui, dans certaines situations, concerne les héritiers, car les cédants bailleurs sont décédés. Evidemment, ce genre de procédure arrive quand un conflit naît entre le fermier et son bailleur et, le plus souvent, lorsque le fermier essaye de récupérer ses terres.
Comme le rappelle l’article L 411-74 du code rural : «sera puni... tout bailleur, tout preneur, sortant ou intermédiaire, qui aura directement ou indirectement, à l’occasion d’un changement d’exploitant, soit obtenu ou tenté d’obtenir une remise d’argent ou de valeurs non justifiée, soit imposé ou tenté d’imposer la reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci… l’action en répétition peut être exercée dès lors que la somme versée a excédé ladite valeur de plus de 10 %...».
Au travers de cet article, il est strictement interdit de valoriser «le droit au bail» ou de survaloriser des biens mobiliers (matériels…) au-delà de 10 % de la valeur vénale. A défaut, le fermier pourra intenter une action en répétition de l’indu.
Une réflexion urgente s’impose sur la valorisation de l’entreprise agricole, afin de sortir de toutes ces situations parfois dramatiques. Affaire à suivre et peut-être au cours d’une loi foncière prévue cette année, il serait bon que le législateur pense à légiférer dans le bon sens.
Section des bailleurs : reconduction du président
Président : Jean-Marie Turlot
Vices-présidents : Gilles Dhiers, Bernard Longuet et Pierre Constant
Secrétaire : Anne-Marie Tabuteau
Membres : Bernard Cannesson, Claude Desailloux, Gérard Desmarest, Jean-Jacques Hermant, Joseph Normand, Jean-Paul Delavenne et Pierre Mille.