Les betteraviers mobilisés devant l’ambassade d’Allemagne
Ils ne lâchent rien. Les betteraviers se sont à nouveau mobilisés, ce 7 mai en fin de matinée, devant l’ambassade d’Allemagne, à Paris, pour protester contre les fermetures des sucreries Saint Louis Sucre de Cagny et d’Eppeville.
Depuis que Südzucker a annoncé la restructuration de son activité sucrière en France, en février dernier, avec la fermeture des usines d’Eppeville (80) et de Cagny (14), les syndicats betteraviers et les planteurs se mobilisent. Manifestations devant les sucreries des deux départements, puis devant le siège du groupe Südzucker à Mannheim (Allemagne) et, ce mardi matin, devant l’ambassade d’Allemagne, dans le 16e arrondissement de Paris.
Le but : sauvegarder les sites industriels et pérenniser la production de betteraves dans les territoires. Autrement dit, faire plier Südzucker pour qu’il accepte un plan de reprise.
Un peu plus de deux cents personnes avaient fait le déplacement et se sont fait entendre, même si, avec la présence des CRS, il était impossible d’approcher l’ambassade de très près. Un coup de communication plutôt réussi, puisque les médias (télévision, presse écrite, radio) étaient présents en nombre.
Le message qu’il ont fait passer était le suivant : «Nous demandons à l’ambassadeur d’Allemagne de faire pression auprès des dirigeants de Südzucker, pour qu’ils se mettent en négociation avec nous, explique Patrick Dechaufour, président de la CGB du Calvados. Nous l’interpelons aussi au sujet des élections européennes. Comment voulez vous que nous, planteurs, nous nous retrouvions dans ces élections européennes, quand un groupe allemand se comporte de telle manière, en pratiquant du capitalisme sauvage ? Nous demandons aux politiques de prendre leurs responsabilités.»
L’étape de ce mardi matin était une étape symbolique : «Manifester à Paris, devant l’ambassade d’Allemagne, la veille des élections européennes, ce n’est pas rien, déclare Franck Sander, président de la CGB. Si nous devons convaincre les agriculteurs à attendre encore plus de l’Europe, il faut que la France et l’Allemagne assument leurs responsabilités et qu’ils puissent nous prouver que l’axe franco-allemand est un axe très fort, que l’on doit continuer à travailler.»
Prochaine rencontre le 15 mai
Le syndicat avait rencontré Südzucker le 22 mars et compte bien réitérer les échanges, le 15 mai prochain, lors d’une rencontre à Strasbourg avec les dirigeants du groupe. «Nous espérons que les discussions s’ouvriront entre les planteurs, les élus et le groupe sucrier. Nous viendrons avec une offre de reprise rentable pour les deux sucreries. Nous saurons prouver que les chiffres négatifs qu’ils annoncent sont faux !» Pour Franck Sander, pas de doute, si les usines étaient cédées, «nous saurions sauvegarder des emplois solides et apporter de la valeur ajoutée aux exploitations betteravières.»
Dominique Fievez, président de la CGB de la Somme, ajoute : «Nous avons fait réfléchir Südzucker sur leur stratégie : baisser la production française ne va pas faire remonter le marché européen. Ils commencent à l’entendre. La France ne doit pas être la variable d’ajustement !» Et de menacer : «Südzucker doit revenir sur sa décision. Sinon, avec vous, planteurs, nous ferons en sorte que la production pour le groupe Saint Louis Sucre baisse fortement.»
Les syndicats des salariés des usines, eux aussi, ont leur mot à dire. Ils dénoncent notamment des manquements aux règles : «Saint Louis Sucre se méprend de toutes les règles légales, déplore Loïc Touzé, délégué FO de l’usine de Cagny. L’inspection du travail a diligenté un contrôle le 29 avril et a découvert énormément de choses illégales. Ils oublient, par exemple, de déclarer des salariés intérimaires sur le registre unique.»
Loïc Touzé témoigne également de conditions difficiles pour les grévistes : «Saint Louis a tout fait pour empêcher les salariés d’être grévistes aujourd’hui. Mais l’inspection du travail a ordonné à Saint Louis Sucre de liquider l’usine à partir de dimanche soir. Nous avons donc cinquante personnes aujourd’hui.» Les salariés veulent frapper fort. «Avec huit grévistes dans l’usine, on a réussi à l’arrêter. Nous avons fait 1 200 t de sucre en une semaine au lieu de 1 500 t par jour.» Les salariés d’Eppeville devaient aussi entrer en grève deux heures par poste, dès ce 9 mai.
Les élus mobilisés
Depuis le début de la bataille avec le groupe sucrier, de nombreux élus ont témoigné de leur soutien aux planteurs. Laurence Dumont, députée du Calvados, avait fait le déplacement jusqu’à Paris. «Il y a une pétition qui circule. Des communes prennent aussi des motions contre la fermeture de la sucrerie de Cagny, insiste-t-elle. Il va falloir tordre aimablement mais fermement le bras des Allemands. Nous devons entretenir cette mobilisation !» Prochaine étape le 15 mai…
Plan de reprise en cours
A la demande des planteurs, la CGB, appuyée par l’expertise de cabinets extérieurs spécialisés, travaille depuis deux mois sur un plan de reprise. En phase de finalisation, ce projet s’inscrit avec un investissement en capital des planteurs de betteraves. Il sera présenté, débattu et expertisé par l’ensemble des acteurs et partenaires : planteurs, banques, services économiques des régions, etc… Ce plan de reprise sera ensuite présenté et proposé lors d’une réunion fixée le 15 mai, à Strasbourg, avec les dirigeants de Südzucker.