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«Les circuits courts sont une opportunité à ne pas laisser filer»

Jean-Michel Serres, agriculteur et élu régional depuis janvier 2016, nous explique les raisons de son engagement et revient sur les sujets d’actualité agricole régionaux.

© AAP


Avant d’être un élu régional, vous êtes un agriculteur. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours agricole ?
Je suis natif du Lot, puis j’ai vécu à côté de Toulouse où mon père avait une exploitation. Les hasards de la vie m’ont conduit à m’installer en tant qu’agriculteur à Montdidier, dans la Somme, sur la ferme des parents de mon épouse. A partir de 1992, j’en ai fait une exploitation spécialisée puisque 85 % du chiffre d’affaires provenait de la production porcine. Je l’ai cédée en août dernier à des agriculteurs du Nord.
J’ai également été président de la FDSEA de la Somme pendant neuf ans, jusqu’en 2006, et président de la Fédération nationale porcine (FNP) pendant neuf ans également, jusqu’en 2014.

Pourquoi avez-vous souhaité devenir conseiller régional ? Je trouve que c’est un bon échelon pour gérer un certain nombre de dossiers, notamment économiques. Mon mandat à la FNP, avec notamment les discussions à Bruxelles, a été une bonne expérience. La majorité actuelle m’a fait confiance. Je suis arrivé à la Région avec une bonne connaissance technique, ainsi qu’une bonne connaissance des Hauts-de-France.

Quel est votre sentiment sur la situation de l’agriculture régionale après plus de deux ans de crise ? Il faut d’abord rappeler que c’est un secteur essentiel pour la Région : près de 130 000 emplois dépendent du secteur agricole et l’agriculture occupe entre 60-70 % du territoire selon les départements. Il y a une part des agriculteurs qui restent dans des situations fragiles, notamment en production laitière. Face à ça, la Région continue d’accompagner les restructurations bancaires et les investissements. On reste à l’écoute des agriculteurs. A mon sens, il y a encore des économies d’échelle à aller chercher sur les exploitations par une meilleure mise en commun des moyens de production. L’idée n’est pas forcément d’accompagner les structures individuellement, mais d’accompagner les efforts de rationalisation.

Où en sont les différents dossiers «abattoirs régionaux» ? La Région a principalement vocation à intervenir auprès des abattoirs qui sont dans une logique de circuits courts. La présence d’outils d’abattage est une condition à leur développement. Concernant l’abattoir de Fruges (62), étant donné la vétusté des locaux, il fallait construire un nouvel abattoir. La Région s’est engagée à hauteur de 1 million d’euros pour financer le projet au côté de la communauté de communes. Depuis, d’autres communautés de communes se sont engagées ainsi que les apporteurs d’animaux. Le projet est vraiment très bien parti. Sa finalisation sera peut-être pour début 2020.
Nous avons aussi été sollicités pour l’abattoir de Valenciennes (59). La Région s’est engagée à accompagner le projet sous réserve que les apporteurs d’animaux se fédèrent. Nous prévoyons aussi d’accompagner un petit abattoir avec une activité intense, à Zegerscappel (59), où un groupe d’agriculteurs, qui travaillent en circuits courts, voudrait reprendre l’outil dans la perspective du départ à la retraite des propriétaires.
Il y a aussi un abattoir à Montdidier (80), qui connaît une situation similaire à celle de Fruges. La logique serait aussi de faire un outil neuf mais, pour que la Région apporte son aide, les apporteurs d’animaux doivent s’engager.

Qu’en est-il des objectifs du Conseil régional par rapport aux circuits courts  ? Nous avons voté un objectif de 70 % d’approvisionnement local dans la restauration collective qui dépend de la Région, notamment dans les cantines des lycées. Sur ce point, je souhaite interpeller les organisations agricoles. Les agriculteurs vont devoir s’organiser pour assurer les volumes à approvisionner. Il faut une organisation collective pour que ça fonctionne. Il existe déjà des choses, mais des efforts sont encore à faire. C’est une condition pour que la Région mette des moyens et accompagne les projets. Je suis convaincu que les circuits courts sont une opportunité à ne pas laisser filer.

Comment analysez-vous le manque de projets de nouveaux outils de transformation dans la région ? Alors que nous sommes d’excellents producteurs de matières premières agricoles, nous sommes à la peine en ce qui concerne les outils de transformation. C’est avant tout un problème de distorsions de concurrence dues aux lourdeurs administratives et aux surtranspositions de directives européennes. C’est une des actions prioritaires en ce début d’année : il faut regarder de très près comment la Région peut accompagner les organisations professionnelles et les entreprises pour limiter au maximum ces distorsions. Notre région a un fort potentiel, c’est regrettable d’être pénalisé par une administration qui freine les projets alors que nous sommes leader dans certaines productions. Résultat : de nombreux industriels font le choix de s’installer en Belgique, juste de l’autre côté de la frontière.

Depuis deux ans, la Région est maître d’œuvre dans la gestion des aides du 2nd pilier de la Pac (Feader). Comment le dossier est-il géré ? Nous sommes maître d’œuvre, mais sans avoir toutes les manettes. C’est à se demander si l’Etat n’a pas mis en place un système qui lui permet de garder la main. Nous n’avons notamment pas de système informatique adapté pour gérer les aides du Feader.
Autre problème : les programmes des deux anciennes Régions vont perdurer jusqu’en 2020. C’est ingérable ! Dans le Nord-Pas-de-Calais, les aides à l’investissement avaient largement été sous-estimées par nos prédécesseurs. Il nous faut donc voir avec quels moyens on va prendre le relais pour continuer à aider les investissements des exploitations dans le cadre du prochain appel à projets en 2018.

Dates clés

1992

Jean-Michel Serres fait de la production porcine la spécialité de son exploitation, à Montdidier.

1997

Il est élu président de la FDSEA de la Somme. Il quittera ce poste en 2006.

Mars 2005

Il est élu président de la FNP (Fédération nationale porcine) et le sera pendant neuf ans.

Janvier 2016

Il devient conseiller régional des Hauts-de-France et président de la commission Agriculture et agroalimentaire.

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