Les plantes aromatiques s’épanouissent en plein Santerre
À Lihons, Audrey et Laurent Massot cultivent des plantes aromatiques bio qu’ils transforment en huiles essentielles et en hydrolat. Une diversification originale, mais un pari osé.
À Lihons, Audrey et Laurent Massot cultivent des plantes aromatiques bio qu’ils transforment en huiles essentielles et en hydrolat. Une diversification originale, mais un pari osé.
En ce mois de juillet, les plantes sont des plus épanouies : la lavande a revêtu son manteau violet vif, tandis que l’hélichryse italienne a sorti ses fleurs jaunes d’or, et que la Camomille Romaine est couverte de pompons blancs crémeux. Un véritable paradis des insectes pollinisateurs. Il ne s’agit pas d’un paysage provençal, mais bien du Santerre, à Lihons.
Dans cette parcelle bio d’environ 1 ha, Audrey et Laurent Massot ont planté les premiers pieds de lavandin en 2018, puis ont diversifié les espèces des plantes chaque année : hélichryse, lavande fine, menthe douce et poivrée, mélisse, camomille romaine, sauge sclarée, thym et sarriette. «J’ai repris l’exploitation de céréales et betteraves d’une cinquantaine d’hectares au départ à la retraite de mon père, explique Audrey. Il fallait trouver une activité qui dégage une valeur ajoutée pour pouvoir en vivre pleinement.» Son cousin, installé en Ardèche, avait des pieds de lavandin disponibles. L’occasion à saisir.
En créant leur mini-entreprise Disti’Flore, le couple mise sur une production originale : celle de la distillation pour l’obtention d’huiles essentielles, d’hydrolat (eau aromatique résiduelle obtenue après avoir séparé le produit de la distillation) et de tisane. Le pari était osé. Un investissement de près de 20 000 E au total a été réalisé pour mener à bien le projet : achat des plants, d’un alambic, de matériel de désherbage mécanique (bineuse) et d’une coupeuse à lavande pour la récolte. Pour ces plantes pour la plupart pérennes (une estimation de sept à huit ans), la récolte représente d’ailleurs le pic d’activité.
De la fleur à l’huile via l’alambic
Fin de semaine dernière, elle n’attendait que quelques rayons de soleil pour pouvoir débuter. La partie s’annonçait plus délicate que la première, réalisée l’année dernière en pleine canicule. «Les conditions étaient optimales. Cette année est beaucoup plus compliquée avec la météo humide. Plus il y a de soleil, plus il y a de rendement, et meilleure est la qualité», précise Laurent. Même le thym, habituellement cueilli vers le mois de juin, était encore en terre le 16 juillet. Quelques espèces pourraient être affectées par le mauvais temps. «Nous n’avons pas le droit à l’erreur pour la sauge, par exemple. Sa floraison est très courte. À quelques jours près, c’est foutu.» Si la plupart des variétés peuvent se récolter mécaniquement, certaines, comme la camomille romaine, se cueillent à la main. «Heureusement qu’on a des amis courageux», sourit Audrey. L’enjeu : préserver les fleurs le plus possible.
Direction ensuite la ferme, à quelques centaines de mètres, où l’alambic a été installé. «On essaie de tout transformer au fur et à mesure pour conserver le maximum de qualité.» Les fleurs sont alors tassées dans le corps de l’alambic. De l’eau est versée dans la chaudière qui la transforme en vapeur et est envoyée dans l’alambic. Puis celle-ci, chargée d’essence, passe dans un serpentin qui baigne dans de l’eau froide. À la sortie, le liquide est recueilli dans un vase de décantation. L’huile essentielle, plus légère, va se séparer de l’eau de distillation appelée hydrolat. «Les jours les plus intenses, on parvient à réaliser quatre distillations entre 8h et 20h.» Impossible pour le couple d’estimer la quantité de produit fini qu’ils vont pouvoir obtenir. «Tout dépend du poids récolté selon la plante et de sa qualité. Pour la menthe, par exemple, on compte 20 à 30 kg pour 250 ml d’huile essentielle.»
Savoir séduire les clients
Une fois cette récolte et la transformation réalisées, les producteurs endossent la casquette de commerçants pour le restant de l’année. «Nous multiplions les marchés : Chaulnes, Rosières-en-Santerre, Méharicourt, le marché sur l’eau d’Amiens… Et nous misons sur les revendeurs locaux, comme Biocoop ou au Bon endroit, à Roye.» Le challenge est alors de faire découvrir leur produit au public. «Il n’y a pas de grosse demande, car les gens connaissent peu l’intérêt des huiles. Nous devons donc prendre le temps d’expliquer chaque utilisation ! (cf. encadré)» Ceux qui se laissent tenter reviennent en général conquis. Autre difficulté : «L’huile essentielle s’utilise avec parcimonie. Donc nous ne vendons pas au même client chaque semaine comme un marchand de légumes.»
Jusqu’ici, Disti’Flore ne permet pas au couple de vivre pleinement de l’activité. Tous deux sont double-actifs : Audrey est responsable d’audits dans le milieu agricole, et Laurent est frigoriste. Mais le développement doit leur permettre de dégager un salaire plein à l’avenir. Les idées fusent déjà pour diversifier la gamme. «Les tisanes, que nous avons testées l’année dernière, ont cartonné. Nous en ferons plus cette année. Nous voulons aussi proposer des aromates et des sirops.»