Les territoires ruraux seront-ils encore représentés politiquement demain ?
La décentralisation s’accélère et les rôles entre l’Etat et la Région se redéfinissent.
La décentralisation, le rôle croissant de la Région sur les plans politique et économique, tel était le thème central de la session de la chambre régionale d’agriculture qui s’est tenue le 31 mars dernier à Amiens.
L’aménagement du territoire, le développement économique et la formation : ce sont les principales compétences attribuées à la Région par la loi de décentralisation de 1982. Cependant, aucune tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre n’a été prévue. «Une collectivité ne peut pas imposer aux autres un mode de fonctionnement, d’où le millefeuille administratif», a expliqué Serge Camine, président du conseil économique, social et environnemental de Picardie. Et de ce millefeuille découlent des contradictions que le monde agricole dénonce dans son domaine depuis bien longtemps.
"Le local peut-il répondre au mondial "?
Jean-Pierre Balligand, ancien député de l’Aisne, intervenant à cette session, a donné son point de vue : «notre pays est depuis longtemps très organisé, très centralisé, et il a été très efficace, mais la mondialisation de l’économie a complexifié la société et ce n’est pas l'administration telle qu'elle était jusqu'alors organisée en France qui va régler cela». Pour l'ancien député, la question est donc «comment le local, à savoir, la Région, peut-il répondre à du mondial ?».
La réforme de 2012 sur la décentralisation repose sur trois textes. En premier lieu, la loi «métropole», votée en janvier dernier, sur la modernisation de l’action publique territoriale. Ensuite, deux projets de loi, l'un sur la mobilisation pour la croissance et l’emploi, l'autre sur le développement des solidarités territoriales, qui ont été présentés le 2 avril 2014.
La loi métropole prévoit huit dispositions impliquant de nouvelles compétences pour la Région. En effet, «la Région s’occupe désormais de la protection de l’environnement (préservation de la biodiversité, climat, énergie,…) et du développement économique (le soutien à l’innovation, aux entreprises, et les modes de transports)», a indiqué Serge Camine. Pour le monde agricole, la Région est désormais l’interlocuteur pour les fonds européens du deuxième pilier de la Pac.
Métropole contre Région
Mais si le poids de la Région grandit, cet échelon est désormais en concurrence avec les métropoles qui contestent le leadership des Conseils régionaux sur l’économie. Or, pour des régions comme la Picardie, où la ruralité prédomine, les enjeux des territoires ruraux pourraient bien être ignorés si les Régions ne se font pas les muscles. La Picardie ne risque-t-elle pas d'être pas à terme d'être démantelée au bénéfice des métropoles environnantes. Le gouvernement ne parlait-il pas récemment de réduire le nombre des régions françaises, la Picardie étant citée dans le lot de celles qui devraient disparaître ?
«Les métropoles sont des lieux de création de richesse : capitaux, recherche/développement, amas de compétences diverses et variées, des lieux à ne pas négliger donc. Elles ne laisseront pas de place aux dynamiques et problématiques rurales si l’on ne prend pas garde à armer la Région d’un vrai pouvoir intérieur pour piloter l'économie de son territoire», a estimé Jean-Pierre Balligand. Il a conclu : «la concurrence région-métropole, c’est pourquoi il faut se battre pour un statut de la Région. C’est dans l’intérêt du territoire national !».
La Région doit accompagner son agriculture
Christophe Buisset, président de la chambre régionale, a interpelé Claude Gewerc, président du Conseil régional, présent à cette session, sur le besoin d’accompagnement de la Région pour l’amélioration des conditions de travail en particulier en élevage, sur la nécessité de soutenir les agriculteurs innovants, d'encourager la recherche et l’agriculture de précision, enfin sur l'appui aux nouveaux projets de l’agriculture picarde : méthanisation, chimie verte… Claude Gewerc a répondu que le Conseil régional était sur la même longueur d’ondes car «l’histoire de la Picardie est marquée par l’alliance de l’industrie, de l’agriculture et du territoire». Le machinisme agricole, l’alimentaire, les molécules de demain… autant de sources d’activités économiques, issues de l’agriculture que le Conseil régional reconnaît comme un pilier fort de la Picardie de demain.