Les (trop) nombreux touristes, amis ou ennemis de la Baie de Somme ?
Sous son image de nature à perte de vue, la Baie de Somme est en réalité de plus en plus peuplée de touristes, souvent mal éduqués au respect du territoire. La gestion des flux est un enjeu de taille.
Sous son image de nature à perte de vue, la Baie de Somme est en réalité de plus en plus peuplée de touristes, souvent mal éduqués au respect du territoire. La gestion des flux est un enjeu de taille.
Du sable à perte de vue, de vastes espaces, refuges d’une biodiversité préservée, des villages pitoresques, le tout labellisé Grand site de France. Voilà la description qui est faite de la Baie de Somme. C’est cependant occulter quelques détails d’importance. La Baie de Somme, c’est aussi 180 000 visiteurs en 2020, soit 45 % de plus qu’en 2000, 90 000 vélos qui ont sillonné les lieux phares de Saint-Quentin-en-Tourmon, Quend, le Crotoy et le Hourdel en juillet et août 2020, des files d’attente dans les sites touristiques tel que le parc ornithologique du Marquenterre, des hébergements saturés, des plages bondées et une nature dérangée. «La surfréquentation de certains sites représente un réel danger pour le territoire, s’inquiète François Bergez, directeur de Somme tourisme. Nos sites naturels qui font notre attractivité peuvent être dégradés.» Quelles solutions pour fluidifier les flux, préserver les espaces et favoriser l’expérience du visiteur ? Telle était la question posée lors d’un webinaire à l’initiative de Somme Tourisme ce 15 juin.
De tristes constats sont déjà faits. Les impacts de cette affluence touristique sont de plusieurs ordres. Yann Dufour, directeur environnement du Syndicat mixte Baie de Somme Grand littoral détaille : «au niveau du paysage, nous pouvons citer l’érosion, la pollution liée à la circulation, et l’accumulation de déchets. La biodiversité trinque, avec le piétinement de la flore, le dérangement de la faune, et même la destruction de certaines espèces. Le cadre de vie des locaux est largement dégradé. Et la qualité des visiteurs eux-même s’en fait ressentir.»
Les phoques dérangés
Parmi les exemples de dérangement de la faune, celui des phoques est très parlant. «Le Hourdel est le sport favori des amateurs de phoques, qui n’hésitent pas à franchir les 300 m de distance que nous recommandons. Ils sont, en plus, particulièrement sensibles en période de mise bas, l’été, en pleine saison touristique.» Qui dit présence de touristes dit également business d’activités toujours plus originales, mais parfois peu soucieuses de l’environnement. «Par exemple, le FatBike, ces vélos dotés de gros pneus et désormais électriques permettent de s’aventurer dans les dunes jusqu’ici inaccessibles. Les dommages sont énormes.»
Jean-Luc Boulin, conseiller en tourisme, ne peut qu’acquiescer face à cette réalité. «La crise sanitaire a développé de nouvelles pratiques touristiques chez les citoyens, avec l’envie de nature. De nombreux sites en France souffrent de surfréquentation.» L’expert présentait une liste de solutions. «Certains territoires pratiquent le démarketing. Le département des Bouches-du-Rhône veut, par exemple, décourager les amateurs de calanques avec la diffusion de plages surfréquentées.» L’aménagement de l’espace (parkings, tables de pique-nique avec poubelles, multiplication des sentiers de randonnée balisées et des lieux de visite) est souvent payant, mais onéreux et se réfléchit à long terme.
«Un travail collectif»
La technologie, qui permet entre autres la réservation en ligne, permet de fluidifier les flux. «La région a contractualisé avec Waze pour informer sur les alternatives de stationnement ou pour orienter les visiteurs vers des sites moins fréquentés en cas de trop forte affluence.» La législation est également un outil. «L’ascension du Mont-Blanc n’est autorisée que pour 214 personnes par jour, avec réservation obligatoire dans les refuges d’altitude.» La médiation est enfin une solution à privilégier, avec l’éducation aux enjeux du tourisme durable et sur le vivre ensemble. «C’est une problématique globale et durable qui ne peut se résoudre qu’avec le travail en collectif, avec les acteurs du tourisme local et les habitants.»
Google, l’allié de Somme Tourisme
Celle-ci veut prétendre être un «local Google guide». La pointe du Hourdel a ainsi été identifiée sur Google en 2017 comme spot d’observation des phoques. «Cela évite que les gens se perdent et tournent en voiture.» Un gros travail a été effectué sur les parkings. «Nous avons référencé les parkings payants et avons mis en avant les parkings extérieurs, gratuits, qui permettent de désengorger les villes.» Les points d’entrées des randonnées sont aussi indiqués. «Nous pouvons ainsi valoriser le tourisme samarien ailleurs qu’en Baie de Somme.» La randonnée de la montagne de Guizancourt a, par exemple, récolté quatre-vingt avis de googliseurs. Dans le même esprit, depuis juillet 2020, Somme Tourisme s’est lancé dans la prise de vue à 360° immersive des pistes cyclables et activités autour de la vallée de la Somme. «Ça nous permet aussi de contrôler l’image numérique des sites de la Somme.» En tout, les médias de Somme Tourisme ont récolté plus de 50 millions de vue. «Toutes ces fiches nous permettent de créer des listes pratiques personnalisées et facilement partageables pour mettre en avant nos sites.»
Les dernières évolutions de la fiche Google my Business sont intéressantes pour l’agence. «Dernièrement, nous pouvons renseigner les horaires d’affluence. Pour le Parc du Marquenterre, par exemple, nous avons indiqué que la réservation était vivement conseillée. Mieux vaut privilégier le début de semaine pour une visite, car l’affluence est moindre.» Google devrait permettre prochainement de renseigner des zones d’affluence délimitées, et donc d’orienter le visiteur vers des sites moins fréquentés, des itinéraires moins polluants ou encore des vues live à l’échelle d’une ville.