L’osier, de la bouture au panier à la vannerie du Boisle
Du temps des frères Candas, l’osier était cultivé autour des ateliers de la vannerie du Boisle. Quinze ans après l’abandon de la dernière oseraie, la vannerie relance la culture pour relocaliser toute la filière.
Du temps des frères Candas, l’osier était cultivé autour des ateliers de la vannerie du Boisle. Quinze ans après l’abandon de la dernière oseraie, la vannerie relance la culture pour relocaliser toute la filière.
Le saule a toujours aimé prendre racine dans la Somme. Avant 1940, cet arbre dont les jeunes pousses sont appelées osiers était à la source d’une activité importante de la région : la vannerie. «Cette tradition s’est perdue, et nous sommes contraints d’importer notre matière première d’Espagne et du Chili. Ces derniers temps, les prix s’envolent et nous avons du mal à trouver les références dont nous avons besoin», confie Xavier Quointeau, gérant de la vannerie Candas frères au Boisle, au nord d’Abbeville, une des dernières de France. L’idée lui trottait dans la tête depuis un moment et l’opportunité s’est présentée cette année. De l’osier a à nouveau été planté, dans l’idée de maîtriser le processus de A à Z.
«La première difficulté a été de trouver une parcelle. La commune voisine de Labroye nous a finalement proposé une ancienne prairie de 60 ares, à quelques centaines de mètres de la vannerie», se réjouit Xavier Quointeau. Deuxième enjeu : trouver les boutures, très onéreuses, à hauteur de 1 E chacune. «Grâce au bouche à oreille, nous avons retrouvé des veuves ou sœurs d’anciens vanniers aujourd’hui décédés, toujours propriétaires de parcelles d’osier. Elle nous ont autorisé à prélever des boutures.» Cinq-mille boutures de saule romarin, connu pour ses grosses tiges, de l’osier fort utilisé pour le batonnage, ont été plantées mi-avril, sur une surface de dix ares. La variété (il en existe deux-cent-cinquante) rouge bois, qui donne un osier plus long et plus fin, devrait bientôt être planté aussi. La vannerie espère pouvoir trouver du saule grisette, qui offre un parfait compromis de taille et de diamètre. Un petit pas vers l’auto-suffisance, sachant qu’un demi-hectare offre à un vannier un an de travail. «Nous passerons à la vitesse supérieure l’année prochaine», assure Xavier Quointeau.
Un vannier expérimenté
Pour ce qui est de la technique, l’équipe peut compter sur Jacques, le plus ancien des quatre vanniers de l’entreprise locale (dix salariés au total), qui a tressé ses premiers paniers en 1978. «On était vingt-sept vanniers à l’époque, et chacun gérait sa parcelle d’osier», se souvient-il. Les dernières tiges auraient été récoltées en 2007 au Boisle. Mais aujourd’hui, l’homme en est convaincu, «si on veut sauvegarder le métier, il faut cultiver à nouveau». Le sol a d’abord été préparé au rotovator, puis la plantation a été faite à l’aide d’une planteuse à pomme de terre. Un désherbage mécanique devrait être réalisé pour permettre la bonne pousse du saule. «Il faudra ensuite traiter contre la rouille, et surveiller la présence des pucerons, car leurs piqûres peuvent causer des nœuds dans le bois.»
L’hiver prochain, le saule devrait déjà présenter des tiges d’1 m à 1,20 m qui pourront être coupées. «On doit alors le “tiraner“ : on le trie par taille, tous les 20 cm, et on le range en bottes», explique Jacques. Une partie sera séchée pour obtenir de l’osier brut, une autre partie aura les pieds dans l’eau, pour provoquer une montée de sève et la formation d’une écorce plus épaisse. Lorsque les cimes de l’osier vert refeuilliront et comporteront des radicelles, les tiges seront écorcées pour obtenir un osier blanc. «Il va falloir remettre en route la décortiqueuse qui est à l’arrêt depuis près de quinze ans.» Les bottes seront ensuite stockées à l’abri de la lumière, tout en lui assurant une bonne ventilation.
Le savoir-faire perduré
Pour l’ensemble de l’équipe, le projet est captivant. «On a hâte de voir si ça va pousser et pouvoir faire la première récolte», confie Aurélien, plus jeune vannier de l’équipe. Lui a eu une révélation pour ce métier lors d’un stage de découverte à la vannerie, il y a neuf ans. Il a donc suivi une formation à l’École nationale d’osiériculture et de vannerie de Fayl-Billot, en Haute-Marne, la dernière du genre en France, avant de rejoindre la vannerie du Boisle. «Ce projet rend l’activité encore plus valorisante. Nous allons partir d’une bouture, et parvenir à la conception d’un panier grâce à nos mains uniquement», se réjouit-il.
De nouveaux marchés à conquérir
Nous équipons surtout des nouvelles boulangeries.» Ne pensez pas que les confinements, qui ont provoqué l’attrait des consommateurs pour leur boulangerie de quartier, ont fait bondir l’activité de la vannerie… Au contraire ! «Nous équipons notamment toutes les boulangeries Paul, ainsi que d’autres clients installés dans des lieux stratégiques comme les gares, les aéroports et les aires d’autoroute. Tous ceux-ci ont vu leur activité à l’arrêt total.» La crise sanitaire mondiale a aussi stoppé les imports de matière première et a forcé l’entreprise samarienne à placer une partie des dix salariés au chômage partiel.