Miscanthus : la perle rare pour diversifier ses cultures ?
Une plante très productive, dotée d’un itinéraire cultural écologique, qui permet de dégager une valeur ajoutée séduisante. Le miscanthus en a des qualités ! Celles-ci étaient exposées lors d’un colloque qu’organisait la FDSEA,
ce 24 juin.
Vous l’avez déjà sûrement aperçue dans la campagne samarienne, cette graminée pérenne de la famille des poacées, dont les cannes peuvent atteindre 4 m de hauteur. Il s’agit du miscanthus giganteus, communément appelé miscanthus, et semblerait être une opportunité à saisir pour les polyculteurs. «Les demandes sociétales et les évolutions agricoles nous poussent à nous diversifier. Il semblerait que le miscanthus puisse répondre à ces changements, tout en nous offrant des débouchés. Nous avons voulu apporter des informations plus concrètes aux agriculteurs», expliquent Denis Bully, président de la FDSEA, et Romain Dubois, président de la commission développement de la valeur ajoutée, ce 24 juin, en ouverture du colloque consacré à ce sujet.
6 000 ha sont aujourd’hui cultivés en France, principalement au nord de la Loire, et 500 ha de plus devraient l’être l’année prochaine. Car, même si le marché du miscanthus est encore une niche, il se développe de manière exponentielle. «Cette culture devrait prendre, dans quelques années, une importance similaire à celle du lin», affirme Alain Jeanroy, président de France miscanthus. La Somme, avec 342 ha, fait partie des départements les plus importants. Certains agriculteurs se sont spécialisés dans cette culture, comme Philippe Colin, installé à Hangest-sur-Somme.
La plante, un hybride naturel et stérile, se développe à partir de rhizomes non invasifs. Elle se récolte sèche à la fin de la sénescence, entre mars et avril, lorsque l’humidité est inférieure à 17 %. Le miscanthus est réputé pour ses vertus agronomiques et environnementales : les pertes d’azote par lixiviation sont faibles, ce qui rend l’implantation du miscanthus intéressante dans les zones de captage, pour faire face à des problèmes de qualité d’eau. Il réduit le ruissellement grâce à l’amélioration de la structure du sol et à l’augmentation de teneur en matière organique et il couvre le sol en permanence.
Il constitue aussi un habitat pour la petite faune. Attention toutefois aux sangliers qui aiment aussi s’y réfugier. «L’idéal est de laisser des bandes d’accès à l’intérieur de la parcelle pour que nous puissions les traquer», préconise la Fédération des chasseurs de la Somme.
Une plante autonome
Pour les novices, l’entreprise Novabiom, qui se consacre depuis 2006 au développement et aux valorisations du miscanthus, propose un accompagnement technique et financier.
«Comme c’est une graminée, il faut choisir une parcelle propre pour l’implanter», précise Caroline Wathy, ingénieur agronome chez Novabiom. La préparation du terrain est similaire à l’implantation de la pomme de terre : un ameublissement de 15 cm au moins et un décompactage si nécessaire. Un labour d’automne ou d’hiver est conseillé, puis un passage de herse rotative avant la plantation, qui se fait en avril-mai. «La plante met quinze jours à un mois à lever. C’est une période un peu stressante pour l’agriculteur, car c’est long, et elle ne lève pas forcément de manière homogène.»
Un désherbage chimique est réalisé la première année (le miscanthus est assimilé à du maïs), en pré et post-levée. Il peut être associé à un désherbage mécanique : faux-semis, herse étrille, houe, puis bineuse. Le désherbage est parfois encore nécessaire en deuxième année, mais ensuite, le miscanthus ne nécessite plus aucun produit phytosanitaire, ni apport d’engrais, et se régénère de lui-même.
Quelle marge ?
La plante est productive pendant vingt à vingt-cinq ans. La récolte, pour un rendement plein, se fait dès la troisième année, au mois d’avril, avec une ensileuse à maïs. Et le rendement est souvent au rendez-vous : entre 10 et 20 t/ha.
Comptez 3 000 €/ha pour l’implantation, et deux années sans revenu, le temps à la plante de se développer. Il est ensuite valorisé entre 75 et 200 € la tonne, selon le débouché. «Chez Novabium, nous nous engageons à acheter le miscanthus de l’agriculteur pendant plusieurs années, jusqu’à dix-huit ans. Mais si l’agriculteur trouve une valorisation plus intéressante, libre à lui de vendre à qui il le souhaite.»
Les débouchés sont variés : biocombustion (140 à 160 €/t rendue), litières pour bovins, chevaux ou volailles (150 €/t non dépoussiérée et 300 €/t dépoussiérée), paillage horticole (entre 250 et 500 €/t selon le packaging). Le seuil de rentabilité est en fait atteint, pour l’agriculteur, à partir de 90 ou 100 €/t (marge lissée sur quinze ans).
L’agriculteur doit néanmoins avoir le souci du stockage : «Comptez 30 m2 sur 4 m de haut pour stocker 1 ha. Nous nous engageons à libérer votre espace avant la récolte suivante», assure Caroline Wathy. «La construction d’un bâtiment est rentable à partir de 50 ha», ajoute Alain Jeanroy.
Précautions juridiques
Planter du miscanthus ? Oui, mais en respectant certaines règles, si vous êtes locataires de vos terres. «Le miscanthus n’est pas évoqué dans le Code rural, il faut donc se référer à la jurisprudence», explique Fanny Godart, juriste à la FDSEA. L’article L.411-29 notifie que «le preneur peut, afin d’améliorer les conditions de l’exploitation, procéder soit au retournement des parcelles de terres en herbe, soit à la mise en herbe de parcelles en terres, soit à la mise en œuvre de moyens culturaux non prévus au bail». Il faut néanmoins prévenir le propriétaire un mois avant l’implantation, par lettre recommandée. Le propriétaire dispose de quinze jours pour s’y opposer au tribunal.
Si le bail de la parcelle venait à ne pas être renouvelé, alors que la culture y est implantée, aucune indemnisation n’est prévue pour l’exploitant. Le coût d’implantation peut cependant être pris en compte dans le cadre d’une transmission d’exploitation.