Objectif +1,5°C «seulement» pour limiter le réchauffement climatique
Un rapport rédigé par la Giec compare les conséquences
d’un réchauffement de 2°C à celui de 1,5°C.
Le 8 octobre, le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), a rendu un rapport sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5°C. Il avait été commandé à l’occasion de la Cop21.
Dans cette publication, les auteurs comparent les effets d’un réchauffement de 2°C à celui de 1,5°C, sur l’augmentation du niveau des océans, les écosystèmes, les systèmes agraires, la pauvreté, la famine… Selon ce rapport de quatre cents pages, établi par près d’une centaine d’auteurs de quarante pays sur la base de plus de six mille études scientifiques, au rythme actuel du réchauffement, le seuil de 1,5°C sera franchi entre 2030 et 2052. Ils proposent donc des pistes pour limiter ce réchauffement à 1,5°C. D’après le rapport, les activités humaines ont entraîné une augmentation de 1°C de la température depuis la fin de l’ère pré-industrielle.
En introduction, Panmao Zhai, coprésident du groupe de travail l du Giec, précise que «les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1°C sont déjà bien réelles, comme l’atteste l’augmentation des extrêmes météorologiques, l’élévation du niveau de la mer et la diminution de la banquise arctique». Ainsi, un réchauffement de 2°C augmente significativement les menaces qui pèsent sur les petits territoires insulaires et les côtes, mettant ainsi en danger les écosystèmes, mais aussi les populations qui y habitent.
Si le réchauffement était limité à 1,5°C, d’ici à 2100, au niveau planétaire, le niveau de la mer serait inférieur de 10 cm à ce qui serait enregistré avec un réchauffement de 2°C. De plus, la probabilité que l’océan arctique soit libre de glace en été, serait d’une fois par siècle si le réchauffement est limité à 1,5°C, mais d’au moins une fois tous les dix ans s’il est limité à 2°C. Avec un réchauffement de 1,5°C, 70 à 90 % des récifs coralliens disparaîtraient, alors qu’avec un réchauffement de 2°C, la quasi-totalité (> 99 %) serait anéantie.
Réduire les événements climatiques extrêmes
Le rapport met également en avant les dangers liés au changement climatique. Ainsi, les risques de sécheresse et de déficit de précipitations sont plus importants avec un réchauffement de 2°C que de 1,5°C. Les auteurs font le même constat pour les risques de très fortes pluies associées à des cyclones tropicaux.
Un réchauffement de 1,5°C entraînerait aussi la disparition de 6 % des espèces d’insectes, de 8 % des espèces de plantes et de 4 % des espèces vertébrées, alors qu’un réchauffement de 2°C serait responsable de l’extinction de 18 % des espèces d’insectes, de 16 % des espèces de plantes et de 8 % des espèces vertébrées.
De plus, d’autres dangers pour la biodiversité, comme les feux de forêts ou les invasions d’insectes ravageurs, seront moins fréquents si le réchauffement se limite à 1,5°C et non à 2°C. Une augmentation des températures de 2°C et non de 1,5°C met également plus en danger la santé humaine, la sécurité alimentaire, l’approvisionnement en eau, la sécurité des populations… Ainsi, limiter le réchauffement climatique à 1,5°C pourrait réduire le nombre de personnes exposées aux risques climatiques, mais aussi à la pauvreté. De plus, cela permettrait de limiter l’impact négatif de ce réchauffement sur les rendements de maïs, de riz et de blé en Afrique Subsaharienne, en Asie du Sud-Est et centrale et en Amérique du Sud, mais aussi sur les qualités nutritionnelles du riz et du blé.
L’impact sur les stocks mondiaux de nourriture serait également plus restreint en cas d’élévation des températures de 1,5°C. Limiter le réchauffement climatique pour «un monde sûr et durable». Le Giec appelle donc à un sursaut pour limiter le réchauffement planétaire à 1,5°C et non à 2°C, car cela «minimiserait les effets, lourds de conséquences, sur les écosystèmes, la santé et le bien-être des populations, et il serait ainsi plus facile d’atteindre les objectifs de développement durable définis par les Nations unies», précise Priyardarshi Shukla, coprésident du groupe de travail III. «Les décisions que nous prenons aujourd’hui sont indispensables si l’on souhaite assurer à chacun d’entre nous un monde sûr et durable, aujourd’hui comme demain», souligne Debra Roberts, coprésidente du groupe de travail II. «Les années à venir seront sans doute les plus importantes de notre histoire», ajoute-t-elle.
Pour que ce réchauffement se limite à 1,5°C, le rapport indique qu’il est nécessaire d’effectuer des transitions «rapides et de grande envergure dans les domaines de l’aménagement du territoire, de l’énergie, de l’industrie, du bâtiment, du transport et de l’urbanisme». Les émissions mondiales de dioxyde de carbone (CO2) d’origine anthropique devraient être réduites d’environ 45 % par rapport aux niveaux de 2010 d’ici à 2030, et il faudrait atteindre un «bilan nul» des émissions aux alentours de 2050, ce qui signifie que les émissions restantes devraient être compensées en éliminant du CO2 de l’atmosphère.
Les auteurs indiquent également que, pour limiter l’élévation des températures, il est indispensable de réduire les émissions de carbone noir et de méthane d’au moins 35 %.
L’agriculture en première ligne
Une hausse de 1,5°C de la température de la planète aura des conséquences en chaîne sur la production agricole, prévient le Giec dans son rapport. En Europe, les agriculteurs du bassin méditerranéen manqueront d’eau : le groupe d’experts prévoit que, dans cette région, les périodes sèches dureront en moyenne cinq mois par an, contre trois mois aujourd’hui. Les précipitations pourraient, quant à elle, diminuer de 10 %. Au delà de 2°C de réchauffement, un «effet de seuil» pourrait être franchi en matière d’extrêmes climatiques. Grêles, inondations, sécheresses, orages : «ces événements rares deviendront la norme», prévient Joël Guiot, paléoclimatologue au CNRS, qui a contribué au rapport. Le Giec préconise de développer les techniques de stockage du carbone dans les sols afin de diminuer l’impact des émissions de CO2 sur le climat. Un rôle dévolu, entre autres, à l’agriculture, à condition de «supprimer les engrais chimiques» qui ne «permettent pas ce stockage», remarque Joël Guiot. Ces techniques doivent cependant «s’améliorer pour trouver des moyens d’empêcher totalement que le carbone ne se libère plus tard», complète-t-il. Une reforestation massive est également préconisée par le Giec, les forêts étant, elles aussi, des puits à carbone efficaces.