Optimiser sa récolte de maïs ensilage
Après la qualité du maïs, la récolte a un impact déterminant sur la valeur alimentaire de l’ensilage. Avenir conseil élevage organisait une journée technique à Huchenneville, le 27 août, pour donner des clés de réussite.
Des maïs hauts de plus de deux mètres, avec des épis grassouillets et bien remplis... La parcelle de Valentin Crimet, éleveur laitier à Villers-sur-Mareuil (Huchenneville) en a impressionné plus d’un. Rendez-vous était donné au Gaec de la Panneterie par Avenir conseil élevage, afin d’envisager au mieux sa récolte de maïs ensilage.
Dans cette ancienne prairie, à l’abri du vent, qui a bénéficié d’un peu de pluviométrie à des stades clés, l’ensilage devrait être de qualité. Mais en général, cette campagne est délicate : le manque d’eau au printemps et le vent d’Est désséchant ont impacté la pousse du maïs. Résultat : «Beaucoup de parcelles présentent des maïs petits, parfois déjà secs, avec un rendement en grains très bas, car les épis ne sont pas fécondés jusqu’en haut», résume Dominique Manneville, conseiller ACE.
Plus que jamais, la campagne d’ensilage est donc à déterminer avec soin. Il en va d’une année entière d’alimentation du troupeau. Les chantiers devraient débuter autour du 15 septembre à l’Ouest de la Somme. Premier point de vigilance : «l’observation au champ est primordiale pour déterminer la date de récole», assure Dominique Manneville. Les grains des couronnes centrales sur plusieurs épis successifs doivent être étudiés pour observer l’état de l’évolution de la matière sèche (MS) des grains. Le premier stade est l’apparition de la lentille vitreuse sur les grains, ce qui correspond au stade 23 à 24 % de MS.Ce 27 août, le maïs de Valentin Crimet était estimé à 25 % de MS.
En théorie, le stade optimal de récolte de l’ensilage de maïs correspond à l’apparition des trois types d’amidon dans le grain : un tiers laiteux, un tiers pâteux et un tiers vitreux, soit 32 - 33 % de MS. «Mais il vaut mieux un grain un peu plus sec plutôt que l’inverse, conseille Dominique Manneville. Il faut viser 34 % de MS minimum, car un maïs sec est plus facile à corriger avec un peu d’azote qu’un maïs trop humide.» Même sur un maïs peu développé, qui présente déjà des tiges sèches, le conseiller préconise de repousser un peu la date d’ensilage pour laisser le temps aux épis de se remplir de grains. «C’est le grain qui apporte la valeur nutritive à l’ensilage».
Une machine bien réglée
Une fois la date de récolte définie, le réglage de l’ensileuse est à appréhender avec soin. La hauteur de coupe a son importance. «Beaucoup d’éleveurs veulent maximiser le rendement en coupant la tige assez basse. Mais nous voulons alerter : la partie basse de la tige est sèche, donc pauvre en éléments nutritifs. Les feuilles mortes du bas et la terre projetée par la pluie ne sont pas désirables.» En clair, récolter en-dessous de deux nœuds ne fera que de diluer la valeur alimentaire de l’ensilage.
L’éclatage des grains, lui, peut faire toute la différence : «comptez moins d’1 UF (unité fourragère) dans le rumen si le grain est entier, et 1,32 UF lorsque le grain est réduit en farine». D’où l’importance de rouleaux éclateurs efficaces. Les couteaux de la machines doivent aussi être régulièrement aiguisés pour assurer une coupe nette de la tige. Enfin, «on cherche une cohérence entre la quantité d’éléments très fins, fins, intermédiaires et grossiers. Il faut entre 5 et 10 % d’éléments grossiers, soit de plus de 20 mm». 10 % d’élé- ments grossiers au maximum sera envisagé lorsque le maïs est encore assez vert ou que les grains sont forts broyés.
Appréhender la prochaine campagne
Sitôt récolté, il faut déjà réfléchir à la prochaine campagne de maïs ensilage. Dans la parcelle de Valentin Crimet, deux types de variétés ont été semées : du denté farineux, à l’indice FAO assez élevé (270-280), et facilement assimilable par le rumen, et du corné denté, à l’indice FAO plus faible (240-250), dont l’amidon se dégrade moins facilement, mais plus précoce. «Le mélange de variétés permet d’assurer le rendement, car chaque variété va réagir dif- féremment aux conditions climatiques», préconise-t-on chez ACE.
La date de semis, elle, dépend de la météo. «Il faut une terre suffisamment réchauffée, entre 11 et 13°C, et un sol ressuyé. Mais il vaut mieux semer assez tôt au printemps.» Le précédent a donc son importance. «Semer après un méteil, par exemple, est compliqué, car cette culture est récoltée fin mai-début juin. Trop tard. S’il s’agit d’un ray-grass, nous conseillons de le mettre à terre entre le 10 et le 15 avril, au stade épis 12 cm : c’est le meilleur compromis entre valeur alimentaire et rendement. De plus, s’il monte à graine, il pompera l’eau du sol dont le maïs a besoin pour lever.» Y’a plus qu’à...
Agriculture de conservation : des éleveurs en conversion
Pourquoi labourer des sols légers ? Ne serait-il pas plus opportun de garder la fraîcheur de la terre et de limiter les charges liées au travail du sol ? Voilà la réflexion de Frédéric Richard, polyculteur éleveur à Bourseville. Cette année, il a franchi le cap : après la moisson 2019, les couverts ont été semés en direct, puis du fumier a été épandu. 11 ha de maïs fourrage, sur 28 au total, ont ensuite été semés au strip-till fin avril.
La machine, qui ne travaille que la ligne de semis, a été louée aux établissements Guilbart, à Vironchaux, pour l’occasion. «Le maïs semé en strip-till a eu une meilleure levée que celui en labour, constate Frédéric Richard. Mais il a souffert de la sécheresse du printemps ensuite. Aujourd’hui, les deux techniques aboutissent au même résultat, plutôt médiocre cette année.» À la différence que la structure du sol a été préservée, et que le temps passé au champs a été réduit.
Frédéric Richard a même poussé le bouchon un peu plus loin. Avec Jérôme Devillers, agriculteur à Woignarue, ils ont investi dans un semoir pneumatique à dents Kuhn Megant 400, utilisé pour semer des céréales en parcelles caillouteuses ou en chantiers décomposés. «Nous voulions un semoir qui nous permette de semer à la fois les céréales et les couverts, alors nous l’avons fait modifier.» Leur volonté : une arrivée de la graine au plus proche derrière la dent, pour une bonne couverture et un travail du sol le plus fin me possible. «C’est un bon compromis, même si on bouge un peu plus de terre qu’avec un semoir de semis direct de couvert.» Il n’y a pas de réussite sans essai.