Pac : FDSEA et FRSEA montent au créneau
Une surprise à l’ouverture de votre dossier Pac ? C’est normal… Du moins, selon le ministère ! La FDSEA et la FRSEA demandent à corriger le tir.
Cela fait à présent trois semaines que les dossiers Pac 2019 sont accessibles sur Telepac, et bon nombre d’agriculteurs découvrent avec surprise la nature des travaux opérés par les services de l’Etat sur instruction ministérielle concernant notamment les prairies permanentes, et le positionnement des cours d’eau.
Premier élément de tension, le sujet des prairies : chacun le sait, depuis le début de cette programmation de la Pac, le retournement des prairies permanentes est très encadré. La France a fait le choix de piloter cet indicateur par le calcul annuel du taux de dégradation du ratio régional des surfaces en prairies sur la SAU. Ce ratio, après avoir mis deux ans à sortir, et après une première édition totalement fausse de la part du ministère est à présent stabilisé entre 4 et 5 %, ce qui permet encore la mobilité des prairies, mais amène des contraintes fortes.
Dès lors, et la profession partage cet objectif, l’idéal est de retrouver des marges de manœuvre. Mais la philosophie pour y parvenir est diamétralement opposée : là où la profession propose d’intégrer (même partiellement) les prairies temporaires ou autres surfaces fourragères pluriannuelles, l’administration fait le choix de requalifier de force des surfaces qui ont été déclarées autrement qu’en prairies permanentes, mais qui, aux yeux de l’Etat, pourraient bien en être.
Partant du principe qu’une prairie est une surface herbacée, et qu’elle est permanente au bout de cinq années consécutives de présence, la machine à requalifier s’est mise en marche avec un effet domino : certaines déclarations, comme les fourrages annuels, ont été considérées comme espèces herbacées, une succession de J6S (jachère de plus de six ans utilisée en SIE) et de J5M (jachère mellifère de moins de cinq ans) ont été considérés comme J6P (jachère de plus de six ans sur une parcelle de prairie permanente), ou encore, une prairie temporaire «dont le statut était théoriquement gelé» durant une phase de MAE, redevient prairie permanente, parce qu’elle l’était il y a bien longtemps, puis a été intégrée à la rotation et qu’elle a été ensuite de nouveau utilisée en prairie temporaire.
«C’est une présomption de culpabilité», a commenté Denis Bully, président de la FDSEA, lors de la rencontre qu’il a déclenchée avec Edouard Brunet, président des JA, Marie-Françoise Lepers et Simon Catteau, avec Pascal Henry et Jean-Luc Becel, directeur adjoint et chef du service économie agricole de la DDTM de la Somme.
A l’insu de leur plein gré
Sur les situations remontées par la FDSEA, l’administration départementale a reconnu des points discutables, et considère que tout agriculteur apportant les éléments de clarification sera pris en compte… Insuffisant pour les responsables, et ce, pour une raison simple : comme le souligne Camille Lefranc, responsable Pac à la FDSEA, «aucun agriculteur n’a eu l’information des modifications réalisées, et donc il ne peut pas forcément être réactif au sujet. Et quand on considère que les déclarations font foi, on peut s’attendre à ce que les agriculteurs déclarent à nouveau des anomalies à leur insu en 2019.»
Autre sujet qui fait bondir et qui, pour le coup, interpelle vivement la DDTM : la requalification de terres arables en prairies permanentes, dans un contexte de retournement très encadré, entrave totalement l’évolution de l’exploitation, mais dégrade aussi fortement la valeur du foncier concerné, qu’on soit propriétaire exploitant ou fermier. Bref, FDSEA et JA ont demandé deux points incontournables : informer tous les agriculteurs des modifications portées, et prendre la même initiative pour corriger les requalifications qui n’ont pas lieu d’être.
Des cours d’eau «biscornus»
Deuxième élément majeur de désaccord, le fond de carte de cours d’eau disponible sur Telepac. «Il y a tout et n’importe quoi», commentent Edouard Brunet et Simon Catteau, qui, preuve à l’appui, ont présenté des tracés de cours d’eau qui traversent des parcelles, ou dans lesquels il n’y a pas d’eau, et regrettent que la directive «ne fasse pas figurer les cours d’eau reconnus au titre des BCAE et reconnus en 2015-2016 par les administrations (la Dreal, l’Onema et la DDTM)».
Là encore, beaucoup de difficulté, côté administration, à trouver une explication, sauf que l’enjeu est fort : ou c’est un cours d’eau avéré, et il faut le border d’une bande tampon, ou ce n’est pas le cas, et l’agriculteur n’en a même pas conscience au champ, et l’analyse informatique des dossiers fera ressortir un problème. «Que fera-t-on en cas de contrôle ? Qu’est-ce qui fera foi ? Faudra-t-il faire un recours pour dire qu’on n’a pas de cours d’eau alors que c’est manifeste sur le terrain ?», demande Simon Catteau.
Un second élément à éclairer au plus vite. Côté DDTM, on a conscience des points à éclairer, mais on reporte aussi la capacité à décider sur l’analyse régionale. C’est pourquoi suite à cette rencontre (et à d’autres contacts dans les différents départements des Hauts-de-France), une rencontre analogue a eu lieu entre la FRSEA, la Draaf et l’ASP. A l’heure où nous bouclons cette édition, le retour des demandes formulées n’est pas encore connu. Cependant, l’urgence grandit : les dossiers Pac devront être signés au 15 mai, et les agriculteurs devront avoir une doctrine claire de déclaration, et les syndicats sont prêts à agir.
REACTION de Denis Bully, président de la FDSEA
«Si l’administration est claire, on fera ce qu’on a à faire !»
Nous avons fait des demandes à la DDTM et à la Draaf. Bon nombre de situations sont des anomalies créées de toutes pièces par l’Etat et ses services. Cela doit être résolu. Nous devons avoir d’ici la fin de cette semaine les idées claires, pour être franc avec les agriculteurs. Si on a la sensation qu’il y a un loup, il faudra agir, et ce, par tous les moyens. Le bureau de la FDSEA se réunit le 6 mai, et selon les décisions de l’administration, il y aura du recours «physique» ou juridique. On voit que l’Etat remet des déclarations en cause parfois (six ou sept ans après), alors, on ne peut pas rester dans un flou, même s’il semble nous arranger sur le moment. Cela devient beaucoup trop sérieux, et les engagements verbaux, ou les solutions «de dépannage» ne suffisent plus. Que l’administration soit claire, et on fera ce qu’on a à faire.