Pacte Dutreil : l’administration a assoupli ses positions
Le Pacte Dutreil est un outil patrimonial qui permet de bénéficier en cas de donation de parts d’une société agricole ou d’entreprise individuelle d’un abattement de 75 % sur l’assiette de vos droits de succession ou de donation. Il nécessite de remplir plusieurs conditions. L’administration fiscale avait adopté une approche extrêmement stricte. Heureusement, elle s’est ravisée de son positionnement. Explications.
Le Pacte Dutreil est un outil patrimonial qui permet de bénéficier en cas de donation de parts d’une société agricole ou d’entreprise individuelle d’un abattement de 75 % sur l’assiette de vos droits de succession ou de donation. Il nécessite de remplir plusieurs conditions. L’administration fiscale avait adopté une approche extrêmement stricte. Heureusement, elle s’est ravisée de son positionnement. Explications.
Pour l’application de ce dispositif, il est nécessaire qu’un engagement collectif de conservation d’une durée d’au moins deux ans et portant sur au moins 34 % des droits de vote et 17 % des droits financiers. Cet engagement peut être souscrit par un seul associé ou par une collectivité d’associés.
À l’expiration de l’engagement collectif, le bénéficiaire des parts doit conserver individuellement les titres, pendant une durée de quatre ans.
Il convient également d’exercer une fonction de direction durant l’engagement collectif et trois après la transmission.
Le pacte réputé acquis
Côté pratique, dans un certain nombre de situations, on s’aperçoit qu’au moment de la transmission, les parents n’ont pas rédigé d’engagement collectif, et ne souhaitent pas bloquer les titres pour leurs enfants, durant une période minimum de six ans (engagement collectif + engagement individuel).
Il est possible d’orienter les donateurs sur l’application d’un pacte Dutreil réputé acquis, celui-ci nécessitant que vous ayez détenu seul ou en couple au moins 34 % des droits de vote et 17 % des droits financiers, pendant une période de deux ans. Il est également nécessaire que vous ayez exercé une fonction de direction ou votre activité professionnelle à titre principale, selon le régime fiscal de la société. Une fois la transmission effectuée, l’enfant doit conserver à titre individuel les titres durant quatre ans et exercer la fonction de direction.
L’administration fiscale, dans le cadre de commentaires administratifs non définitifs publiés en avril 2021, avait durci l’application de ce régime. Elle exigeait que les parents cessent leur fonction de direction dans la société. Autrement dit, seul l’enfant bénéficiaire des titres devait exercer la fonction de direction. Il était donc impossible pour les parents d’exercer après la transmission une co-direction avec l’enfant bénéficiaire de la transmission, sauf à perdre le bénéfice de l’abattement de 75 % sur les droits de mutation à titre gratuit.
Heureusement, l’administration fiscale dans le cadre de commentaires publiés le 21 décembre 2021 a abandonné cette position.
Il est de nouveau permis aux parents d’exercer une fonction de direction, sous réserve que l’enfant bénéficiaire de la donation des parts l’exerce également. Pour autant, après la transmission, il est impératif de vérifier que l’enfant exerce bien une fonction de direction ou son activité professionnelle à titre principal.
Fonction de direction et engagement collectif ou unilatéral
Dans le cas classique où un pacte écrit est rédigé, jusqu’aux commentaires administratifs du mois d’avril 2021, les parents devaient exercer la fonction de direction jusqu’à la transmission des titres de la société agricole. De la transmission jusqu’à l’expiration des engagements collectif ou unilatéral et individuel, le parent ou l’enfant bénéficiaire de la transmission pouvait exercer la fonction de direction.
Cependant, la doctrine administrative du 6 avril 2021 opérait une distinction selon la période de l’engagement.
Entre la transmission et l’extinction de l’engagement collectif, la fonction de direction pouvait être exercée par le parent ou l’enfant. À compter de l’engagement individuel, la fonction de direction devait être exercée par l’enfant bénéficiaire de la transmission.
Concrètement, si vous envisagiez de transmettre les parts de votre société agricole à votre enfant, il était impératif que celui-ci puisse exercer son activité professionnelle à titre principal ou sa fonction de direction. Si l’enfant exerçait son activité professionnelle en dehors de l’exploitation, l’abattement de 75 % sur l’assiette des droits de donation/succession pouvait faire l’objet d’une remise en cause.
Suite à de nombreuses critiques des praticiens, et au vu de la rédaction de l’article 787 B du Code général des impôts, l’administration fiscale a revu sa position.
On retrouve dorénavant la possibilité de pouvoir faire porter la fonction de direction après la transmission jusqu’à l’expiration de l’engagement collectif ou unilatéral, et durant l’engagement individuel, sur le parent donateur ou l’enfant bénéficiaire de la transmission.
Les schémas de transmission progressive se retrouvent ainsi protégés avec cette nouvelle rédaction.
En revanche, de la signature de l’engagement collectif ou unilatéral et jusqu’à la transmission, la fonction de direction doit être exercée par une personne ayant signé l’engagement collectif ou unilatéral de conservation.
Autres modifications
D’autres modifications sont susceptibles d’intéresser les personnes souhaitant mettre en place un pacte Dutreil dans le cadre de leur transmission.
Tout d’abord, il convient de relever que le régime des apports de titres d’une société ayant bénéficié de l’abattement de 75 % est assoupli.
D’autre part, il est de nouveau possible de mettre en place un pacte Dutreil de manière indirecte, c’est à dire sur la société fille et non sur la mère, de manière unilatérale.
Malgré ces modifications qui renforce l’attrait de ce dispositif, il convient de relever que l’administration fiscale n’a pas modifié sa position sur le cas de la location en meublée. Celle-ci considère toujours que cette activité ne peut pas faire l’objet d’un pacte Dutreil. On remarquera par ailleurs que l’administration fiscale n’opère aucune distinction selon qu’il s’agit d’une activité de loueur en meublé professionnel ou non professionnel.
En conclusion, les commentaires administratifs du 21 décembre 2021 permettent d’apporter un peu plus de sécurité quant aux transmissions de parts de sociétés agricoles. Face à un dispositif susceptible d’évolution fréquente, générant un gain fiscal important, il est nécessaire d’être accompagné par un professionnel afin de sécuriser vos transmissions.