Peut-on encore construire en milieu rural ?
Le 13 juillet, Daniel Dubois, sénateur de la Somme, présentait, avec Laurent Somon, président du Département, les résultats de l’enquête sur la construction en milieu rural.
Sur les 775 maires des communes rurales de la Somme qui ont reçu l’enquête mi-mai 2016, 382 ont répondu au 1er juin dernier, soit un taux de réponse de 49,2 %. Deux situations sont à distinguer : les communes qui disposent d’un document d’urbanisme valide, et celles qui n’en ont pas. En effet, pour celles qui en sont dépourvues, c’est le RNU (règlement national d’urbanisme, ndlr) qui s’applique. Or, celui-ci est plus contraignant en termes de constructibilité.
Près de 46 % des communes disent rencontrer des difficultés pour obtenir les accords de constructibilité qu’elles sollicitent. Récemment, 41 % d’entre elles auraient essuyé un refus de certificat d’urbanisme. Le pourcentage grimpe à 59 % à la question : estimez-vous qu’il y a, de la part des services de l’Etat, une volonté d’empêcher la construction en milieu rural ? Un sentiment partagé par près de six communes sur dix.
Si l’on compare les résultats en fonction de la taille des communes, ce sont les communes de moins de 500 habitants qui rencontrent les plus grosses difficultés. Et pour cause. Elles sont 73 % à ne pas disposer d’un document d’urbanisme (contre 16 % pour les communes de plus de 500 habitants). Soumises au RNU, elles sont 52 % à ne pas obtenir des accords de constructibilité (contre 34 % pour les communes de plus de 500 habitants) et 48 % à avoir essuyé un refus de certificat d’urbanisme récemment (contre 30 % pour les communes de 500 habitants). Conséquence : elles sont 64 % à estimer que l’Etat a pour volonté de les empêcher de construire (contre 50 % dans les communes de plus de 500 habitants).
«La présence d’un document d’urbanisme est la meilleure garantie de rencontrer moins de difficultés, mais les faibles moyens des petites communes pénalisent leur élaboration. Or, 74 % des communes de la Somme comptent moins de 500 habitants», souligne Daniel Dubois.
Nombreux sont les maires à ne pas comprendre les refus opposés par les services de l’Etat. Ainsi, alors que la volonté du législateur est d’aménager prioritairement les «dents creuses» afin d’éviter l’étalement urbain, certains maires essuient pourtant des refus.
Les contradictions de l’Etat
«Force est de constater qu’il y a deux poids deux mesures selon l’objet de construction. L’Etat raisonne en m2. Or, cela ne suffit pas. Il faut raisonner en «practabilité», et il faut que les services reviennent sur le terrain», fait remarquer Laurent Somon, président du Conseil départemental de la Somme.
«Selon les maires, ajoute Daniel Dubois, l’Etat est plus dans la censure que dans l’accompagnement. Ce qu’il faut, c’est que l’application de la règle soit mieux partagée et que le bon sens domine.» Ce dont convient le préfet de la Somme, rencontré le même jour. Aussi pour avancer sur le sujet, ce dernier a-t-il proposé de mettre en place un comité d’élus pour travailler sur l’interprétation des textes et proposer des réflexions à partir de cas concrets. Et pour cause. Compte tenu du flou des textes, beaucoup de refus des services de l’Etat sont contestés de plus de plus au tribunal administratif par les maires.
Par ailleurs, certaines communes rurales n’ayant plus de renouvellement de leur population, cela pose la question du vieillissement et, à terme, celle de la mort possible de leur territoire. Or, l’enjeu de demain est de définir quel renouvellement on veut des populations de ces territoires. La réflexion est lancée.