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Pic de production de lait : les laiteries alertent les éleveurs

Tous les ans, à la même période, la filière lait doit appréhender une hausse de la production liée à la mise à l'herbe des vaches. Cette année, avec le confinement, le contexte est encore plus complexe.

Un excédent engendre toujours une baisse des prix. Les éleveurs laitiers sont donc priés de maîtriser leur volume malgré le pic de production printanier.
Un excédent engendre toujours une baisse des prix. Les éleveurs laitiers sont donc priés de maîtriser leur volume malgré le pic de production printanier.
© D. R.

La délicieuse herbe de printemps, la plus riche de l'année, permet à la vache de produire plus de lait. Encore faut-il pouvoir valoriser cette surproduction. Et cette année, le contexte est inédit : une crise sanitaire qui perturbe les circuits commerciaux, la fermeture de la restauration hors foyer, l'interdiction de trois quarts des marchés ouverts, le changement du comportement des consommateurs... L'industrie laitière fait donc passer des messages aux producteurs : elle demande aux éleveurs de freiner la production de leurs vaches, sous peine de voir se dégrader le prix du lait dans les prochaines semaines. La FNPL (Fédération nationale des producteurs de lait), va dans ce sens et espère un accompagnement des éleveurs (cf. encadré).
Chez Lact'Union, pas de consignes de ce type, mais Olivier Vermès, éleveur laitier à Saint-Riquier et président de la coopérative, précise que «ce pic de production est un problème global. Un excédent engendre toujours une baisse des prix». Jusqu'ici, Lact'Union a des débouchés pour le lait de ses coopérateurs. «On produit à fond du lait UHT conditionné en 1 l, car la demande est très forte : entre 10 et 15 % de plus pour ces produits environ. Cette demande se poursuit en avril, mais nous n'avons pas de vision pour le mois de mai.» Si les produits basiques se vendent comme des petits pains, le beurre et la poudre, eux, ont fortement chuté : 280 €/t compte 340 €/t il y a six semaines. La plus grosse crainte de la laiterie Abbeviloise, comme pour toutes les autres, est la panne. «Les réseaux de maintenance sont affectés par le confinement. Nous avons du mal à nous faire livrer des pièces détachées, ou encore l'approvisionnement de certains produits et les emballages qui nous permettent de conditionner

«Soyons solidaires»
Chez Sodiaal, le conseil d'administration a décidé qu'une saisonnalité nationale de - 20 € les 1 000 l sera appliquée pour les mois d'avril et mai, et redistribuée sur les mois d'été. «Dans notre secteur, même sans confinement, nous aurions pris cette décision, explique Olivier Gaffet, installé à Canaples et président du réseau Nord de la coopérative. Notre message est le suivant : notre outil de production est fragile, soyons solidaire et lissons la production pour pouvoir passer ce cap.» Les éleveurs sont donc priés de maîtriser les volumes de lait, même si la tâche n'est pas simple, Olivier Gaffet en convient. «Mon troupeau est sorti à l'herbe récemment et ça s'est vu dans le tank», avoue-t-il. Certains éleveurs ont néanmoins du mal à recevoir le message, alors que Sodiaal a annoncé qu'elle pourrait se charger du lait des éleveurs du Massif central que leurs laiteries ne parviennent plus à traiter. «Pour eux, nous faisons simplement du travail à façon. Il n'est pas question d'acheter leur lait», tient à préciser Olivier Gaffet.
Eurial, la branche lait de la coopérative Agrial, a annoncé à ses coopérateurs qu'elle avait 7 % de lait de dégagement (du lait en trop, ndlr). «Les fromages ingrédients, type mozzarella, très utilisés dans la restauration hors foyer, sont très impactés», annonce Sébastien Théron, président de la coopérative laitière de la Bresle qui traite avec Eurial. Plusieurs scénarios pourraient être envisagés, dont une révision des prix ou encore la non collecte d'un tank de lait par producteur, chaque mois. «Pour l'instant, nous n'avons reçu aucune information définitive.»

Moins de vaches à l'herbe dans certains secteurs
Les producteurs Lactalis, eux, sont encore soumis à un système de pénalité s'ils dépassent le volume contracté. «Chaque éleveur peut dépasser son volume de 2 % sans pénalité, mais ces 2 % leur seront retirés l'année suivante», détaille Bernard Mancaux, président de l'APLOP (Association des producteurs de lait de l'Ouest picard), qui livre au groupe. Un moyen de gérer le pic de production, surtout que «dans notre secteur, de moins en moins d'éleveurs mettent leurs vaches à l'herbe». La crainte réside néanmoins dans la capacité à collecter. «Comme tous les autres, nous avons un risque d'absence chez nos chauffeurs, et donc la peur de laisser des producteurs qui se trouvent en fin de tournée avec du lait dans le tank.» Reste donc aux éleveurs à prendre des mesures pour réduire la production (lire ici)

La FNPL en faveur d'un freinage indemnisé de la production


La Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) encourage les producteurs à freiner leur production. Les éleveurs pourraient lisser le pic de production saisonnier en jouant sur l'alimentation et/ou le tarissement anticipé des vaches. Ils éviteraient ainsi l'engorgement des outils de transformation et la baisse brutale des cours. Mais cet effort pour les éleveurs qui s'engagent dans cette voie sur une base volontaire doit être accompagné par un dispositif d'indemnisation collectif, estime la FNPL. «Nous demandons aux pouvoirs publics de prendre part à ce dispositif de solidarité créé par l'interprofession et à l'Europe d'autoriser ces aides aux réductions de volume», insiste-t-elle. Cet engagement des producteurs doit être conditionné également par celui des partenaires, la filière de poursuivre la collecte et la transformation sur l'ensemble du territoire et de maintenir les prix, voire de les augmenter, en contrepartie de la modération des volumes.

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