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Pommes de terre : producteurs et industriels entre deux feux

Tandis que la filière française appelle les producteurs à «prendre leurs responsabilités» pour la prochaine campagne, dans un contexte rendu difficile par le Covid-19, les transformateurs rectifient leurs politiques d’approvisionnement.

Faut-il réduire les surfaces en 2020 ? De combien ? Producteurs, organisations professionnelles et industriels s’interrogent.
Faut-il réduire les surfaces en 2020 ? De combien ? Producteurs, organisations professionnelles et industriels s’interrogent.
© A. P.

Qu’ils soient producteurs ou transformateurs de pommes de terre pour le marché du frais, la fabrication de frites ou de flocons ou encore de chips, les conséquences de l’épidémie de coronavirus ne sont pas forcément les mêmes. Mais une chose est sûre, les difficultés des uns sont loin de faire les affaires des autres, bien au contraire. Pas plus tard que le 7 avril, et alors que les premiers hectares ont été plantés dans les Hauts-de-France, l’interprofession française de la pomme de terre (Cnipt) rappelait que «l’équilibre offre-demande de la prochaine campagne se prépare dès maintenant». Toujours du côté de cette interprofession, ses responsables ont largement insisté sur le risque de voir un certain nombre d’hectares destinés à l’industrie s’orienter vers le marché du frais.

Gérer la fin de campagne
En cette fin de campagne 2019-2020, et alors que les plantations de la récolte 2020 ont débuté, il est un fait inéluctable : l’épidémie de Covid-19 qui touche désormais une bonne partie du monde a profondément chamboulé les modes de consommation alimentaire. En France, comme ailleurs en Europe, c’est d’abord la production et la transformation de pommes de terre pour le marché de la frite qui apparaît comme étant la plus touchée avec la fermeture des restaurants et de la restauration collective. En ce qui concerne la fabrication de produits déshydratés et de chips, les conséquences seraient en revanche moindres. Mais les producteurs, comme leurs acheteurs, sont inquiets. Depuis quelques jours, on constate ainsi des retards d’enlèvements par des industriels positionnés sur ces marchés affirmant ne pas avoir d’autre choix. «Tous les industriels annoncent des retards d’enlèvements», indiquait ainsi l’UNPT, le 31 mars ; ce qu’ont ensuite confirmé plusieurs d’entre eux, sans remettre en cause (pour le moment) leurs engagements contractuels (cf. encadré). Une vigilance particulière devra toutefois être de mise pour la conservation des lots restants à livrer.

La filière belge s’inquiète aussi
La filière française n’est visiblement pas la seule à s’inquiéter des conséquences du Covid-19 sur les campagnes actuelle et future. Il y a quelques jours, c’est Belpotato.be, l’organisation professionnelle belge de la pomme de terre - elle rassemble ABS, Boerenbond, FWA, Fiwap et Belgapom -, qui soulignait dans un communiqué «l’impact très lourd» du coronavirus sur le secteur de la pomme de terre «en raison de la volatilité et de la disparition de nombreux marchés de vente». Et l’organisation belge de remarquer que certains acheteurs ont depuis ajusté à la baisse leurs volumes contractuels.

Maîtriser les emblavements 2020
Après la gestion de la fin de campagne 2020, l’autre question qui agite le monde de la pomme de terre au cours des derniers jours est l’orientation à donner à la prochaine campagne. Faut-il emblaver autant que les surfaces qui étaient jusqu’alors prévues, en faisant l’autruche ? Ajuster les surfaces en fonction d’un marché forcément déséquilibré pour encore au moins plusieurs mois ? Du côté de la profession agricole française, on continue de croire qu’un appel à limiter les surfaces serait l’option la plus raisonnable dans le contexte actuel. «Il faut tout simplement faire preuve de prudence et de bon sens», affirmait en fin de semaine dernière Arnaud Chombart, président de la section pommes de terre de la FDSEA 80 et administrateur de l’UNPT. «La seule chose dont on est sûr, c’est que la reprise de consommation ne se fera pas d’un claquement de doigt et que lorsque celle-ci interviendra, les consommateurs ne mangeront pas de pommes de terre». Pour Laurent Degenne, le président de la FRSEA des Hauts-de-France, «si baisse des surfaces il doit y avoir, elle devra être suivie au niveau européen. Ce n’est pas seulement au nord de la France de subir seul les conséquences de cette crise». Pas plus que cette période de surproduction conjoncturelle ne devra être portée par des producteurs engagés dans une démarche de contractualisation, cette dernière étant pour l’UNPT, «un moyen de structurer une filière».

Les industriels s’organisent pour continuer d’assurer


C’est LA question qui a pu agiter au cours des derniers jours les différents maillons de la filière pommes de terre. Face à la dégringolade de certains de leurs marchés, dont celui de la frite surgelée, de quelle manière les industriels se fournissant en France allaient réagir ? Allaient-ils «casser» les contrats passés avec leurs fournisseurs et abandonner les volumes en stock ou, au contraire, assurer la totalité de leur engagement, quitte à organiser le report de certaines livraisons ? À l’heure où nous bouclons ces lignes, c’est la deuxième option qui semble avoir fait l’unanimité chez les industriels.

Mardi dernier, chez Sana Terra, son directeur Jean-François Florin assurait ainsi que la totalité des volumes contractualisés seraient honorés par la coopérative. «Le contexte n’est pas facile, mais nous avons une relation partenariale forte avec nos acheteurs qu’ils soient belges, hollandais portugais ou italien, assure M. Florin. Jusqu’à présent, nous n’avons pas eu d’interruption ni de retard dans les enlèvements».
Interrogé par France 3 il y a quelques jours, l’industriel belge Clarebout assurait lui aussi que «tous les contrats prévus avant la crise seront honorés». Groupement des producteurs livrant aux usines McCain, le Gappi par la voix de sa directrice Laetitia Clavey expliquait ce même mardi 7 avril que «tous les contrats passés pour la campagne 2019-2020 seront honorés, sans incidence sur le prix». Bien que le groupe McCain ait du mettre à l’arrêt certaines de ses lignes de production, la totalité des volumes qu’il s’est engagé à acheter auprès des producteurs français sera enlevé. Des débouchés «alternatifs» pourraient néanmoins être trouvés, parmi lesquels la méthanisation, l’alimentation animale ou la féculerie. Chez Aviko, selon nos informations qui n’ont pas pu être confirmées à l’heure qu’il est par la direction de l’entreprise, la totalité des engagements contractuels de la campagne 2019-2020 devraient également être honorés par l’industriel.

Et pour 2020 ?
En ce qui concerne les surfaces 2020, les stratégies divergent en revanche entre industriels. Chez Sana Terra, «les contrats qui ont été signés pour la prochaine campagne ne seront pas remis en cause», explique Jean-François Florin. «Nous ne changeons rien par rapport à ce qui a été prévu. Nous avons des engagements et nous les tiendrons, mais il est clair que nous n’accepterons pas de surfaces supplémentaires». Du côté de McCain, les producteurs ont été informés par courrier le 7 avril de la volonté de l’industriel de réduire ses engagements contractuels «de 10 à 15 %», en contrat annuel et/pluriannuel ; une mesure qui s’ajoute à une baisse annoncée depuis déjà deux semaines des surfaces en hâtives. Cette nouvelle baisse de volumes doit se faire, toujours selon McCain et le Gappi, «sur la base du volontariat». En contrepartie, McCain s’engage «à reporter les surfaces non plantées sur la saison 2021-2022 au prix du contrat de la saison 2020-2021», à «rendre prioritaires les producteurs qui ont réduit leurs emblavements pour l’obtention de contrats pour la saison 2021-2022», ainsi qu’à reprendre le plant des surfaces non emblavées. Chez Aviko, rien ne semblait encore avoir été arrêté entre le groupement des producteurs français et la direction de l’entreprise en ce milieu de semaine.

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