PPL Descrozaille : les parlementaires trouvent un consensus
Députés et sénateurs ont trouvé un accord en commission mixte paritaire, le 15 mars, sur la proposition de loi portant sur l’équilibre dans les relations commerciales entre industriels et distributeurs dite Descrozaille. La version finale reprend largement les ajouts du Sénat.
Députés et sénateurs ont trouvé un accord en commission mixte paritaire, le 15 mars, sur la proposition de loi portant sur l’équilibre dans les relations commerciales entre industriels et distributeurs dite Descrozaille. La version finale reprend largement les ajouts du Sénat.
«Le Parlement a une fois encore démontré sa capacité de dégager un consensus transpartisan au service de l’intérêt général, loin des effets de manche et des anathèmes lancés dans le débat public», s’est félicitée la présidente de la commission des Affaires économiques du Sénat, Sophie Primas, dans un communiqué du 15 mars. La sénatrice LR des Yvelines présidait, le matin même, la commission mixte paritaire (CMP) chargée de trouver un accord sur la proposition de loi (PPL) dite Descrozaille portant sur l’équilibre dans les relations commerciales. Un consensus s’est rapidement dégagé en fin de matinée et le texte a été adopté.
La nouvelle version de la loi tient largement compte des apports du Sénat. Elle conserve notamment la non-négociabilité des matières premières agricoles (MPA) dans les produits vendus sous marque de distributeur. Cette disposition avait été saluée par les principaux syndicats agricoles, FNSEA et JA. «Nous avons repris les gros apports du Sénat parce que nous avons considéré qu’il s’agissait d’enrichissements et qu’il n’y avait pas lieu d’en reparler», explique le député à l’initiative de la PPL, Frédéric Descrozaille, élu Renaissance du Val-de-Marne.
Les apports du Sénat conservés
Pour faire avancer ces pions sur l’article 3, portant sur les modalités applicables en cas de non-accord au 1er mars, le rapporteur du texte à l’Assemblée a fait plusieurs concessions au Sénat. Ainsi, l’expérimentation du relèvement du seuil de revente à perte (SRP + 10) est prolongée jusqu’en 2025 et non jusqu’en 2026 comme le souhaitait l’Assemblée. Dans un premier temps, les sénateurs avaient souhaité supprimer cette disposition, dont les retombées pour le monde agricole sont encore débattues. Pour en avoir une idée plus précise, le texte prévoit l’obligation pour les distributeurs de communiquer aux pouvoirs publics des informations sur l’usage du «surcroît de revenu» dégagé grâce au SRP + 10, estimé à 600 M€ par an. Comme le souhaitaient les sénateurs, la filière des fruits et légumes est exclue du champ d’application de l’expérimentation du SRP + 10.
Autre compromis : l’expérimentation de l’encadrement des promotions est étendue à tous les produits de grande consommation, y compris d’hygiène et d’entretien. Enfin, la certification par le tiers de confiance en cas de recours à l’option 3 de transparence sur la MPA se fera avant et après la négociation commerciale, conformément à la volonté du Sénat. «La version du Sénat nous allait, elle a juste été modifiée pour qu’il n’y ait pas communication aux distributeurs de la méthode de calcul», commente Frédéric Descrozaille.
Sécuriser les fournisseurs en cas de non-accord
En contrepartie de ces concessions, le député Descrozaille a obtenu que l’article 3 soit une nouvelle fois considérablement modifié. En l’absence d’accord au 1er mars, un fournisseur pourra choisir d’interrompre les livraisons «sans que (le distributeur) ne puisse invoquer la rupture brutale» ou d’appliquer un préavis de rupture classique à condition qu’il tienne compte «des conditions économiques du marché». «Les industriels pourront arrêter de livrer en étant sécurisés juridiquement, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui», assure le député Frédéric Descrozaille.
En cas de désaccord, l’une des deux parties pourra saisir le médiateur des relations commerciales agricole pour définir les conditions d’un préavis avant le 1er avril, avec rétroactivité du tarif. «Nous avons précisé que le médiateur ne pouvait être saisi que pour un préavis, et pas pour relancer les affaires. C’était important pour le Sénat qui craignait que les distributeurs ne s’en servent pour avoir un mois de négociation supplémentaire», explique le rapporteur. Cependant, il n’est plus prévu que le médiateur puisse produire une recommandation sur le tarif applicable dans le cas où le litige arriverait devant le juge. La rédaction de l’article introduit également un principe de «bonne foi» dans le Code du commerce. Par conséquent, ne pas avoir négocié de «bonne foi» pourra constituer une pratique restrictive de la concurrence et donc entraîner des sanctions.
Les sénateurs ayant émis des réserves sur les effets de bords potentiels de ce nouveau système, celui-ci sera testé pendant trois ans. L’introduction d’un critère de «dépendance économique» pour distinguer les entreprises pouvant bénéficier des dispositions prévues dans l’article 3 a été évoquée dans les discussions préalables à la CMP. Il n’a finalement pas été retenu. «Personne n’en voulait et ce n’était pas évident à mettre en place juridiquement», explique Frédéric Descrozaille. La Feef, qui représente les PME et ETI (entreprises de taille intermédiaire) fournisseurs de la grande distribution, s’y est notamment opposée. Le texte doit désormais être ratifié à l’Assemblée nationale et au Sénat.