Chasse et forêt
Quand l’ONF prend la défense des chasseurs
Mi-septembre, l’Office national des forêts soulignait dans une communication numérique l’importance de la chasse pour permettre à la forêt française de se régénérer. Mais, à bien y regarder, il s’agit bien de défendre une chasse de régulation contre les dégâts de la faune sauvage sur les jeunes peuplements forestiers.
Mi-septembre, l’Office national des forêts soulignait dans une communication numérique l’importance de la chasse pour permettre à la forêt française de se régénérer. Mais, à bien y regarder, il s’agit bien de défendre une chasse de régulation contre les dégâts de la faune sauvage sur les jeunes peuplements forestiers.
Ce n’est pas un secret que de rappeler que l’Office national des forêts compte parmi ses «clients» de nombreux chasseurs qui paient à l’organisme public de gestion des forêts publiques françaises le droit de chasser dans ces espaces. Cela suffit-il à faire de l’ONF l’avocat de la chasse et des chasseurs ? En partie seulement car, pour l’ONF, la chasse apparait aussi comme un moyen de protéger les jeunes plantations de la prédation de la faune sauvage. Alors que l’ONF entend participer activement au plan de reboisement de la France annoncé par le gouvernement – ce plan de relance porté par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation prévoit la plantation de 45 000 ha de forêts en deux ans sur le domaine public et privé –, l’organisme public rappelle que la réussite de cet objectif tient au respect d’un équilibre entre forêt et grand gibier. En effet, sans protection et/ou en cas d’une présence importante de grands animaux, «les jeunes plants risquent d’être la proie des dents des cerfs, des chevreuils et autres sangliers». Et bien qu’une partie du grand public ait du mal à l’admettre, l’ONF le dit : «Les animaux sauvages sont trop nombreux en France». Chiffres à l’appui tirés de son bilan patrimonial 2020, «39 % des forêts domaniales présentent un déséquilibre forêt-gibier contre 34 % en 2015». Des régions jusqu’alors «épargnées» seraient aujourd’hui concernées : Occitanie, Provence-Alpes-Côte d’azur, Grand Est, Île-de-France… et Hauts-de-France.
Clôturer coûte cher
Si les forestiers ont la possibilité technique de clôturer les parcelles de jeunes peuplements pour les protéger ou d’installer des protections individuelles, l’ONF fait le constat que cette solution coûte cher - le surcoût est estimé «entre 50 et 60 %» selon Hélène Chevallier, chargée de travaux forestiers à la direction des forêts et des risques naturels de l’ONF -, et qu’elle constitue une «gêne paysagère pour les citoyens nombreux à se promener dans les espaces naturels» (sic). La présence de grands prédateurs étant «insuffisante» pour réguler les populations de grands animaux en France, «seule la diminution des populations par la chasse permettra de résorber les situations de déséquilibre sylvo-cynégétique». Et l’ONF de rappeler que la pratique dans la chasse dans les forêts domaniales, «parfois incomprise du grand public», fait l’objet d’une réglementation stricte. Dans le bail qui lie l’adjudicataire à l’ONF figure, par exemple, des droits et devoirs, dont celui de respecter l’équilibre forêt-gibier et le contrôle de la réalisation d’un minimum des plans de chasse. Et gare à celui qui viendrait à ne pas s’y soumettre, le risque étant de voir un lot être placé sous le régime de la «régie».
L’arbre qui cache la forêt
L’Office national des forêts l’indique clairement. La chasse en régie pourrait être bien plus qu’une option si les chasseurs ne parviennent pas à atteindre – volontairement ou pas – les objectifs fixés en matière de réalisation de plans de chasse. Dans son plan de stratégique 2021-2025, l’ONF s’est fixé pour objectif «de réduire de moitié le nombre de forêts domaniales en déséquilibre forêt-gibier». Pour cela, il rappelle que la solution consiste à «augmenter les niveaux de réalisation des plans de chasse». Et brandit la possibilité de développer le système de «chasse en régie». La chasse en régie, comme elle se pratique déjà dans certains massifs, consiste à placer la responsabilité de la pratique de la chasse à des agents de l’ONF, accompagnés de chasseurs, pour «gérer directement la régulation», explique-t-on à l’ONF. Sur les 3 000 lots de chasse, la chasse en régie en concernerait une quinzaine. Toutefois, note l’ONF, «ce chiffre devrait s’accroître ces prochaines années en raison de l’exigence accrue d’équilibre sylvo-cynégétique pour l’adaptation des forêts au changement climatique» ; et sans doute un peu aussi en raison des réticences de certains adjudicataires à aller au bout des plans de chasse qui leur sont demandés.