Quelle compétitivité pour les exploitations laitières françaises ?
Une étude présente les stratégies des exploitations laitières françaises permettant le maintien de la compétitivité «prix», afin de conserver des parts de marché à l’export.
L’année 2015 a marqué la fin des quotas laitiers et, pour certains pays du Nord de l’Union européenne, cela a été synonyme d’augmentation régulière de leurs livraisons de lait (+ 15 à 20 % depuis 2005) pendant la période dite de «sortie progressive» des quotas. La France, au contraire, a alterné phases d’augmentation et de repli pour atteindre une hausse de 8,5 % dans le même temps. «Aussi peut-on se demander si la France est vraiment compétitive par rapport à ses concurrents européens, voire mondiaux ? L’objectif de ce travail était donc de proposer une analyse comparative de la compétitivité «prix» à l’amont de la filière (voir encadré) et du coût de production du lait en France (bassin Ouest) par rapport à d’autres pays de l’Union européenne (Allemagne, Danemark, Irlande et Pays-Bas), ou plus lointains (Nouvelle-Zélande, Californie et État de New York aux États-Unis)», notent les auteurs de l’étude.
Une convergence des prix
Depuis le début des années 2000, les prix du lait à la production ont convergé dans les principaux pays exportateurs sur le marché mondial. La concurrence sur le marché mondial se base de plus en plus sur les prix et, par conséquent, sur les coûts de production. Hors Union européenne, les coûts de production(1) s’échelonnent de 280 à 310 euros/1 000 litres. Dans l’Union européenne, si l’on ne tient pas compte des aides directes octroyées, ils sont sensiblement supérieurs (315 à 416 euros/1 000 litres, sauf en Irlande, 258 euros), mais deviennent inférieurs au coût de production hors Union européenne, après déduction des aides. «Une différence essentielle dans la structure des coûts est liée à la composition de la main-d’œuvre (salariée/non salariée) et à sa productivité. Dans les systèmes à forte productivité du travail (Nouvelle-Zélande, Pays-Bas) et/ou à forte proportion de main-d’œuvre salariée (Danemark, Californie), la main-d’œuvre non salariée est rémunérée dès lors que le prix du lait dépasse le coût de production de 10 à 60 euros/1 000 l. En France et en Irlande (faible place du salariat et productivité du travail plus faible), le prix du lait doit dépasser de 100 à 117 euros/1 000 l le coût de production, pour obtenir le même niveau de rémunération de cette main-d’œuvre.»
Une autonomie qui pèse sur la productivité du travail
Le coût de production du lait en France est atténué par une bonne maîtrise des intrants. La forte autonomie alimentaire des vaches laitières pèse, par contre, aujourd’hui, sur le niveau moyen de productivité du travail et sur le coût de production, en raison de l’importance des fourrages, désormais principalement cultivés et récoltés. «Au final, les exploitations françaises de l’Ouest dépensent 41 euros/1 000 l d’achats d’aliments en moins que leurs concurrentes d’Allemagne du Nord mais le coût d’équipement
(+ 30 euros environ) et du travail (+ 60 euros) consacré à cette production fourragère cultivée renverse cet avantage. Ainsi, malgré une meilleure capacité de résistance, leur pratique actuelle de l’autonomie coûte cher en compétitivité aux exploitations françaises ou n’est pas assez valorisée par le marché.»
Le maintien de la compétitivité «prix» des exploitations laitières françaises semble donc passer par la poursuite de gains de productivité du travail qui se sont accélérés avec la sortie progressive des quotas. Alors que c’est dans la compétitivité «hors prix» (démarcation et signes officiels de qualité) que se valoriseront le mieux les productions des exploitations les plus autonomes.
(1) : Le coût de production du lait calculé dans l’étude est celui hors rémunération du travail familial non salarié et du capital familial, après déduction des produits joints.
Source : Présentation «Les exploitations laitières françaises sont-elles compétitives», journées 3 R 2015.
Définition
La compétitivité est habituellement définie comme la capacité à conquérir ou, tout du moins, à conserver des parts de marché, en affrontant la concurrence aussi bien sur le marché intérieur qu’à l’export. Deux faces de ce concept sont souvent examinées.
La première est la compétitivité «prix», stratégie consistant à réduire les coûts de production, de collecte et de transformation pour vendre au meilleur prix. La seconde est la compétitivité «hors prix», stratégie consistant à augmenter la valeur des produits commercialisés, par le développement d’innovations et la différenciation du produit fini.