Qui en veut aux chevaux ? Les actes de barbaries se multiplient
L’affaire des chevaux mutilés fait de plus en plus de bruit : une trentaine de cas ont été recensés en France ces derniers mois, dont plusieurs dans les départements picards.
De la tristesse, du dégoût et de la colère. Beaucoup de colère. Mélissa Véron est encore toute chamboulée, lorsqu’elle évoque l’injustice qui a frappé Helsa, sa jument de trois ans, le 14 mai. «Elle était en pâture dans une pension, à Berny-en-Santerre, témoigne la propriétaire samarienne. Lorsque je suis allée la voir, un matin à 8h30, je l’ai trouvée morte derrière un arbre, avec l’oreille découpée. J’ai tout de suite compris que ce n’était ni une mort accidentelle, ni l’attaque d’un animal. Quelqu’un l’avait mutilée et tuée.» Ces propos seront confirmés par le vétérinaire, venu constater les faits dans la journée.
Trois jours plus tard, une petite ponette subissait le même sort, dans cette même pension. «Aujourd’hui, tous les chevaux ont été retirés et placés ailleurs, parce que nous avons peur. C’est une histoire de fous ! Je ne souhaite qu’une chose : que justice soit faite.»
Ces actes de barbarie ont en réalité une ampleur nationale. Plus d’une trentaine de cas, dans plus d’une dizaine de départements, ont été recensés ces derniers mois, avait indiqué le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie, en visite dans une écurie affectée à Saint-Eusèbe, en Saône-et-Loire, vendredi 28 août. Ce dernier a promis «la mobilisation de tous les services pour que justice passe». Mais, pas plus tard que samedi 29 août, un nouvel animal a été retrouvé mutilé, dans un pré de Droiturier (03), et, le lendemain, un équidé était découvert avec l’oreille entaillée près d’Istres (13).
«C’est une sauvagerie cruelle qu’on a rarement observée», a déclaré à l’AFP le président de la Fédération française d’équitation, Serge Lecomte, présent lors de la visite du ministre. «Est-ce une secte ? La sauvagerie envers les animaux est le préambule de la sauvagerie envers l’humanité», a-t-il estimé.
Un mouvement sectaire ?
En effet, le ministère de l’Intérieur étudie la piste d’un éventuel mouvement sectaire. La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), a assuré qu’elle apporterait son concours à l’enquête de la gendarmerie nationale, selon les informations du Parisien. «Si, à ce jour, aucun élément ne permet d’établir formellement un lien avec un éventuel mouvement sectaire, certains faits rappellent des pratiques liées à des rituels sectaires et notamment dits sataniques», a précisé le ministère de l’Intérieur.
Néanmoins, celui-ci nuançait et rappelait jeudi 27 août que «les groupuscules satanistes en France n’ont pas fait parler d’eux depuis plusieurs années et semblent attirer moins de jeunes recrues. On ne peut cependant ignorer le potentiel violent qui peut se développer au sein de ces groupes restreints et discrets.»
Vigilance
Pour les propriétaires d’équidés, le seul moyen de lutte contre ces actes de cruauté est la vigilance. La gendarmerie recommande notamment d’effectuer une surveillance quotidienne des chevaux aux prés, d’éviter de laisser un licol sur leur tête, de signaler aux unités de gendarmerie, en appelant le 17, tout comportement suspect à proximité des pâtures (stationnement de véhicules ou présence inhabituelle d’individus). «Si vous êtes concernés par les faits décrits, appelez le 17 également, ne procédez à aucune modification des lieux, portez plainte le plus rapidement possible», ajoute la Gendarmerie nationale dans un communiqué.
Sur son site internet, la Fédération nationale des chasseurs, «forte de notre réseau au sein des territoires ruraux et de son maillage territorial», appelle ses adhérents à ouvrir l’œil. «Afin de faire avancer les investigations et mettre un terme à ce phénomène morbide, remontez toutes informations pertinentes sur ces affaires aux services de Gendarmerie et de Police», est-il écrit. Les agriculteurs sont eux aussi une sentinelle précieuse.
Un mode opératoire flou
Difficile de déterminer les causes exactes de la mort des équidés attaqués, ni pourquoi le sort s’est acharné sur eux. Selon les constatations des enquêteurs de la gendarmerie, les animaux sont tués dans des prés, sans distinction de race, de sexe, d’âge, de robe, de lieu ou d’usage. Les victimes peuvent aussi bien être un poney d’une valeur de 300 € qu’un pur-sang à 100 000 € ou un trotteur en activité. Le 15 février, à Girouard, en Vendée, Démon du Médoc, un trotteur de sept ans à 130 000 € de gains, a été retrouvé mort dans son enclos, l’oreille droite sectionnée. L’autopsie a fait état d’un arrêt cardiorespiratoire et d’une absence de poison dans le sang.
Les causes de la mort ne sont pas toujours connues : certains chevaux ont succombé à un arrêt cardiorespiratoire, vraisemblablement dû à la peur ou à l’épuisement, d’autres sont étranglés, égorgés, ou tués par arme blanche ou arme à feu. Les vétérinaires ont pu constater des traces d’empoisonnement dans certains cas. Le seul point commun à ces affaires est la mutilation et la mort brutale des équidés.